Marafa

Marafa
Le prisonnier légendaire du SED.

vendredi 28 septembre 2012

La longue marche vers l’enfer

Marafa Hamidou Yaya, la longue marche vers l’enfer

L’ancien Secrétaire général de la présidence de la République du Cameroun a été reconnu coupable de détournement de deniers publics. De l’argent qui était destiné à l’achat d’un avion présidentiel en 2001. Il sera libre en 2037, si le verdict venait à rester là. Marafa Hamidou Yaya aura alors quelques 85 ans. Un rêve politique brisé, des instants affectifs volés, une image à redorer auprès de certains… L’homme aura perdu des forces. Et cette superbe qui l’anime ne sera plus qu’un lointain souvenir.
Vêtu d’une gandoura blanche immaculée, l’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation (Minadt) quitte le tribunal de grande instance du Mfoundi à Yaoundé le 22 septembre 2012 sous forte escorte.
Il est 7 h 15. Des membres de sa famille le voient retourner en prison. Le regard vide, ils ne comprennent pas ce qui vient d’arriver à leur parent. Habillé d’un grand boubou bleu sur lequel traîne une écharpe noire, le frère aîné de sa femme qui lui tenait compagnie quelques minutes plus tôt est stupéfait. Il ne digère pas ce qui se passe. Esquivant des regards inquisiteurs, il s’engouffre dans son véhicule et s’éloigne rapidement de ce lieu cauchemardesque. Dans la cour du Tribunal, hommes, femmes, jeunes et moins jeunes n’arrêtent pas de s’étonner : « Donc, c’est vrai ? » « C’est vrai ça ? » « C’est Marafa comme ça ? » « C’est fini pour lui comme ça ? » Ses avocats sont perplexes. Me Monthe est déçu. Son téléphone ne cesse de crépiter. Au bout de la ligne, des personnes qui veulent connaître la sentence de son client. Avec élégance, l’avocat renvoie les journalistes avides de déclarations.
Dans la salle d’audience, les « témoins » au procès trainent encore. La main posée à la joue, certains devisent à voix basse, l’air abattu. D’autres esquissent un sourire de soulagement. Ce sont certainement ceux qui attendaient cette condamnation. D’autres encore ont les yeux rivés sur le collège des juges. Lesquels juges se débarrassent maintenant de leurs robes. Les greffiers emportent les dossiers dans leurs bureaux. Gilbert Schlick, le président de la collégialité, qui a prononcé la sentence, peut alors se retirer. La nuit a été longue et sans répit.
Gilbert Schlick
C’est la veille, aux environs de 14 heures que le procès qui oppose Marafa Hamidou Yaya, Yves-Michel Fotso et Cie, à l’État du Cameroun est amorcé. Dès son entrée en salle, l’ex-Minadt est accueilli par ses proches. Il échange longuement avec une amie européenne aux cheveux châtains et se tourne vers Me Alice Nkom. Puis, arrive le collège des juges. On aperçoit le trio avec au centre, le magistrat Gilbert Schlick qui conduit les échanges depuis plusieurs mois. La présentation des accusés est brève. Marafa, Fotso, Kounda se présentent au banc des accusés. Les inconditionnels Assene Nkou, Chapuis et Sandjong sont absents. La salle se lève pour entendre le début des réquisitions. Près de cinq minutes plus tard, chacun reprend sa place. Le juge Schlick poursuit alors la lecture. Il fait une sorte de rappel de tout ce qui a été déclaré au cours des audiences antérieures par les accusés, l’accusation et les témoins.
Le juge souligne qu’il a été établi que Marafa Hamidou Yaya et Yves-Michel Fotso se sont liés d’amitié depuis 1993. Que cette amitié qui s’apparente plutôt à une complicité s’est renforcée au fil des ans et que c’est grâce à Marafa que Fotso arrive à la Camair. Qu’avant de convoquer la réunion en 2001 à la présidence de la République pour l’achat d’un avion présidentiel, les deux hommes avaient déjà signé un contrat avec Gia international, une société qui ne devait sa survie que grâce à l’argent détourné par son initiateur Fotso. Que tous deux détiennent des sociétés virtuelles dont certaines sont basées aux Iles-vierges britanniques dans lesquelles a été viré l’argent détourné. Que le BBJet-II n’a pas été livré par Boeing pour faute de paiement, Yves-Michel Fotso n’ayant versé que 4 millions de dollars. Que même s’il n’a pas participé directement au détournement, Marafa était au courant des manigances de Fotso. Que le plan des deux amis était savamment orchestré.
 La prison à vie !
À 3 h 11 mn, le juge Schlick revient sur les six exceptions soulevées par les avocats des accusés. Lesquelles aboutissent à une fin de non-recevoir. Puis les avocats de l’État du Cameroun, notamment Me Ngono et Me Epassi, reviennent à la charge. Le premier, au nom de tous les avocats du Cameroun, demande à ce que soit payés par les accusés, une somme de plus de 45 milliards de Fcfa pour préjudices alors que le second, au nom de la Camair, réclame quelques 50 milliards de Fcfa. Les responsabilités financières établies, le ministère public demande alors que soit appliqué l’article 184 du Code pénal qui prévoit « l’emprisonnement à vie » pour des détournements qui excèdent 500 000 Fcfa.
La salle retient son souffle. Le président du tribunal après avoir écouté toutes les parties, se retire. L’audience reprend au petit matin. La sentence finale est prononcée : Marafa et Fotso écopent de 25 ans de prison ferme. Les coaccusés Kounda 10 ans et Sandjong 15 ans. Un mandat d’arrêt international est lancé contre Assene Nkou, en cavale. Une somme de 21 milliards est à déposer par les détenus à titre de dommages et intérêts tandis que 1 milliard cent trente millions cent cinquante-huit mille cinq cent trente Fcfa représente la somme à payer au tribunal. Les condamnés ont jusqu’au 25 septembre prochain pour faire appel.

Ce que les avocats de l’État du Cameroun réclament à Marafa et Fotso :

-  29 millions de dollars. En appliquant le taux de change du dollar en Fcfa, à l’époque des faits, il oscillait entre 750 et 780 Fcfa. Des deux taux, nous prenons le moins. Ainsi, la conversion donne un total de 21 milliards 750 millions Fcfa.
- Le taux d’intérêt applicable en Afrique centrale qui est de 6 %. Donc 29 millions de dollars fois 6 % fois 11, soit 11 milliards 484 millions Fcfa.
- Pour défaut de livraison du BBJ-II que nous évaluons à 12 milliards 180 millions Fcfa, car le Cameroun continue de louer les avions pour les déplacements du chef de l’État
- Soit un total de 45 milliards de Fcfa.
- Que le tribunal déclare qu’il condamne les accusés au profit de l’État du Cameroun.
- En ce qui concerne la Camair, le préjudice découlant du fait de la dépossession de deux avions de la Camair
- La surfacturation : Les prix de location ont été multipliés par deux voire trois, soit 14 millions de dollars pour le Boeing 767-200 et 5 millions de dollars pour le Boeing 747-300, pour un total de 19 millions de dollars.
- Le non-remboursement des « déposits »  d’une valeur de 6 millions de dollars.
- L’intervention volontaire de la Camair qui a occasionné un préjudice de 28 milliards de Fcfa pour perte des aéronefs. Le temps se chiffrant en argent, nous réclamons 7 milliards de forfaits, soit un montant global total 50 milliards de Fcfa pour dommage et intérêts au nom de la Camair.
- Préjudice total en dommages et intérêts : Environ 100 milliards de Fcfa

Propos recueillis par F.I

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