Marafa

Marafa
Le prisonnier légendaire du SED.

UN PROCÈS SUSPECT ET REGRETTABLE

Vendredi 24 Aout 2012
ME ALICE NKOM: « AFFAIRE MARAFA ,UN PROCÈS SUSPECT ET REGRETTABLE...»
Me Alice Kom : «l’exécutif est comme un proxénète, et la Justice sa prostituée». L’avocate dénonce l’inféodation du pouvoir judiciaire par l’exécutif
Plus que ceux des autres « éperviables », le procès Marafa va très vite. Au terme de la 10è séance, Le Messager a rencontré l’un de ses conseils, Me Alice Nkom que l’on ne présente plus pour faire le point. Dans sa verve habituelle et à travers ce procès, Alice Nkom fait le procès de la justice camerounaise. Une justice dont elle dénonce la subordination à l’éxécutif.
Pour soutenir ses assertions cette illustre figure du Barreau camerounais sort des manches de sa robe noire des cas qui n’ont pas moins défrayé la chronique…judiciaire : de longues années d’instruction, l’affaire Atangana Mebara, cet autre ancien secrétaire général de la présidence de la République élargi après plus de 4 ans derrière les barreaux mais maintenu dans les geôles, le temps de lui trouver le motif d’un autre procès, la prétendue évasion de l’ancien ministre de l’Economie et des finances, Polycarpe Abah Abah, l’emprisonnement plutôt suspect des avocats Yen Eyoum Lydienne et Etienne Abessolo pour des affaires plutôt farfelues d’honoraires. Selon Me Alice Nkom, les tribunaux ainsi humiliés, ridiculisés ne sont plus là que pour prononcer des sentences que les magistrats ont paradoxalement la charge de ne pas exécuter.
 Sous Ahmadou Ahidjo, les procès du genre étaient publics : Affaires Dicka Akwa  nya Bonambela, Mgr Ndogmo et Ernest Ouandie. De nos jours, l’affaire Marafa qui a fait courir du beau monde s’est tranformée en un « huis clos qui ne dit pas son nom ». Médiatisée à souhait au début, elle se déroule au fil des jours sous haute surveillance militaro-policière. Des journalistes fouillés comme des voyous ou, à l’instar de la correspondante de Rfi, Sarah Sarkoh, sortie et éloignée de la salle d’audience, on ne sait pas pourquoi, une salle d’audience investie à l’avance par des agents de renseignements en civil de tous les corps, gendarmes et policiers armés jusqu’aux dents... Ce qui confirme l’étiquette politique de ce procès dont le verdict fait peur.
Au-delà de ce procès, Me Alice Nkom se penche sur le problème de gouvernance au Cameroun et celui de la responsabilité des proches collaborateurs de chef de l’Etat en rapport avec des actes qu’ils sont appelés à poser « sous les hautes instructions de… » Lisez plutôt…

Me Alice Nkom . « …une violation extrêmement grave des droits fondamentaux »
Après les dénonciations faites par les conseils du présumé accusé et ancien Secrétaire  général de la présidence de la République, Marafa Hamidou Yaya, sur le refus de l’accusation de fournir le fond du dossier lié au procès en cours, peut-on estimer que la norme est établie et que nous assistons à un procès régulier ?
C’est vrai qu’au départ ce procès était mal parti, parce que le juge d’instruction l’a mal diligenté. Il y a eu d’énormes violations des dispositions du Code de procédure pénale, notamment en ce qui concerne l’égalité qui doit exister dans  la communication des pièces de procédure entre le Ministère Public et toutes les parties au procès, c’est- à dire entre le Procureur de la République et les avocats de la défense. Aucun avocat, malgré toutes les correspondances n’a pu recevoir copie du dossier de procédure au fur et à mesure que l’information judiciaire avançait.
Ce qui fait que, lorsque les accusés, Marafa et autres ont été convoqués devant le Tribunal pour y être jugés, personne ne savait de quoi ils étaient accusés. Ils n’ont jamais pu accéder au dossier du juge d’instruction, leurs conseils non plus. Je peux vous dire que le Code de procédure pénale prévoit expressément que copie des pièces de procédure doit être communiquée sur leurs demandes et contre payement de frais de reproduction à toutes les parties qui en font la demande.
Je ne sais pas pourquoi le juge d’instruction ne l’a pas fait, de sorte que  les avocats se sont retrouvés le jour du procès avec plus de 25 kilogrammes de papiers à photocopier à tour de rôle et à étudier avec leurs clients embastillés dans des prisons secondaires, pour préparer et assurer les débats et auditions qui se tenaient chaque jour sans répit ! Et il y avait pas mal d’avocats, ceux de l’ex-ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation, et de Yves Michel Fotso et ceux de la troisième accusée, Julienne Kounda.
De l’autre côté, le président du tribunal hésitait à ordonner l’accomplissement de cette formalité substantielle qui est prévue par la loi, pris par les impératifs de célérité. Il voulait absolument que ce dossier soit jugé dans les trois mois suivant la saisine pour qu’il ne soit pas transféré au fameux tribunal criminel spécial qui venait de voir le jour. Alors il a fallu que les avocats acceptent de travailler dans ces conditions-là qui ne sont pas celles que le législateur camerounais a prévues dans un procès digne de ce nom, digne d’un pays qui se prétend un Etat de droit ou une parfaite égalité doit être respectée entre toutes les parties – Ministère Public y compris – au procès
Quelle lecture faites-vous de la nature des débats ouverts dans ce procès jusqu’à ce jour ?
Les débats sont menés de façon relativement satisfaisante. La collégialité fait beaucoup d’efforts pour que les accusés s’expriment aussi largement qu’ils le peuvent et nous avons presqu’oublié les désagréments du début du procès. Nous avons aujourd’hui la joie d’avoir enfin la possibilité de laisser parler les intéressés. Jusqu’ici tout le monde a parlé à leur place, les journalistes, les internautes, l’administration, et aujourd’hui ils avaient prévu parler devant la juridiction de leur pays.
 Ils avaient surtout prévu que ce soit un procès totalement public comme le veut la loi, pour qu’ils puissent dire au monde entier urbi et orbi afin que nul n’en ignore et qu’on écoute la vraie version de cette affaire.
 Malheureusement le débat aujourd’hui est semi-public et personnellement je dénonce le fait que nous assistons à un huis clos qui ne dit pas son nom parce que le peuple n’a pas la possibilité de circuler et d’arriver jusqu’au palais de justice. Et il n’échappe à personne que, comme les urnes d’une élection émaillée de fraudes, la salle est remplie avant l’ouverture des audiences par des personnes dont on peut facilement imaginer l’origine et la mission
Peut-on déceler des similitudes entre le procès dit Marafa et les autres procès en cours dans le cadre de l’opération Epervier ?
 Je n’ai malheureusement pas eu la possibilité d’assister à tous ces procès, procès Edzoa, Atangana Mebara et autres. Ils se déroulent à Yaoundé. Mais de ce qu’on me dit, il n’y a jamais eu un tel déploiement de forces de l’ordre, d’agents de renseignements  qui ont pratiquement occupé toute la salle et exclu à plusieurs kilomètres du palais de justice tout autre Camerounais désireux de venir s’abreuver à la source, et se faire une opinion directement à partir de ce qu’il aurait entendu lui-même, ce qui est leur droit. Je n’ai jamais vu autant d’interdictions, autant de fouilles, autant d’agressions physiques de la part des forces de l’ordre contre les journalistes. Je les ai vus faire. Je trouve cela scandaleux. On doit pouvoir assumer ses erreurs.
 Les fausses pistes dans lesquelles on a emmené l’opinion publique nationale et internationale doivent être défaites devant le tribunal dans la publicité requise et seule conforme à la loi. Si vous êtes sûrs de votre honnêteté, de l’objective impartialité que doit avoir un procès, vous devez laisser les gens user de leur droit de venir écouter, de venir voir et se faire une opinion. Les dispositions sécuritaires ne doivent pas produire des conséquences empêchant les gens de jouir de leurs droits fondamentaux, elles doivent au contraire tendre à les protéger. Tel n’a pas été le cas pour le procès de Marafa et il faut le déplorer, le dénoncer, faire en sorte que cela ne se reproduise plus
 
On est quand même très étonné parce que dans les années soixante-dix, ceux qui ont pu assister aux procès de Dika Akwa, Monseigneur Ndongmo, Ernest Ouandié, se souviennent de procès publics. Alors comment peut-on expliquer la reculade entre une dictature comme on présente le  système Ahidjo, et la situation que vous déplorez dans un système dit de démocratie avancée dans un Etat de droit ?
 J’étais l’avocat de Monseigneur Ndogmo. Il y avait effectivement des haut-parleurs partout. J’ai assisté à d’autres procès, et je n’ai jamais vu ce que le régime du Renouveau nous a montré à l’occasion du procès Marafa, ce qui rend ce procès extrêmement suspect dans ses fondements et dans ses objectifs. Il n’est pas normal que le président de la République dise qu’il va laisser la justice faire son travail, et qu’il va s’incliner devant sa décision, qu’on ne puisse pas trouver une audience publique que l’on permet à tout le monde de suivre. Je trouve cela suspect et regrettable parce que ce n’est pas un progrès.
 On attribue des tendances autoritaristes à Ahidjo, mais force aujourd’hui est de constater qu’Ahidjo doit être en train de reposer au paradis par rapport à ce qu’on voit aujourd’hui. C’est purement et simplement scandaleux. Cela jette tout de suite un discrédit sur la sérénité, le résultat qui sera rendu plus tard, parce que les gens n’auront pas la possibilité de voir si ce qu’ils ont effectivement entendu peut avoir donné le résultat qu’on réserve à Monsieur Marafa et à ses coaccusés. C’est une violation extrêmement grave de leurs droits fondamentaux. Ce procès devait laisser des traces objectives, consultables par tous, des archives nationales en son, images et écrits où les étudiants, les écrivains, les historiens et bien d’autres auraient pu aller s’abreuver un jour, faire des recherches.
 J’ai constaté que sous le Renouveau on veut couper avec le passé, comme si le Cameroun  venait de naître et devait disparaitre en temps opportun. On ne doit pas se retourner et voir ce qui a eu lieu hier. Le procès de Dominique Strauss Kahn par exemple défilait sur tous les écrans. Ce qui fait que demain matin, si le président du tribunal dit avoir  entendu Marafa avouer le vol des 29 milliards, et que j’aie entendu le contraire, les notes consignées et enregistrées au fur et à mesure sur un support  informatique, les mêmes pour tout le monde, seraient la référence historique pour tous. Manifestement, de l’autre côté de l’accusation, ils ne veulent pas qu’il y ait des traces qui les dérangent. 
 
Comment interpréter la mobilisation populaire remarquée autour de ce procès ?

 Il y a eu une forte mobilisation qui est complètement étouffée aujourd’hui. Elle n’est plus visible. Je pense qu’on ne peut pas empêcher les gens de s’intéresser à des actes aussi importants et aussi graves que celui d’arrêter les personnalités comme Marafa – ou l’un pourvoyeur d’emplois et meilleur patron de sa génération à l’heure des grandes réalisations  comme Yves-Michel Fotso,  - dont on connaît les liens forts et étroits avec le président de la République pendant longtemps et dont on soupçonne qu’en réalité il s’agit  une élimination politique de groupe.
Ce soupçon se confirme de plus en plus par la fébrilité et certains actes qui sont posés. Marafa s’est présenté comme quelqu’un  qui n’avait pas peur, tout en étant très respectueux des institutions de la République ;  il a dit que nous ne pouvions pas continuer à nous résigner à n’être que des  « créatures », alors que notre pays se noie littéralement dans l’eau boueuse de l’inertie et de la corruption, que les personnes qui nous gouvernent ne veulent pas servir les intérêts des populations.
Il nous a donné la preuve que le gouvernement n’a nulle volonté de travailler pour le peuple, mais plutôt avec les personnes convaincues de corruption. On l’a arrêté parce qu’il a eu ce courage-là et tout a démontré une volonté de le faire taire.  Regardez le sort  inique réservé aux ministres Olanguena ou Abah Abah qui sont en prison probablement sur la base des dossiers plutôt  suspects quant à la solidité des charges que l’on fait peser sur leurs épaules ! 
Tout le monde a par exemple suivi qu’après avoir arrêté le ministre Atangana Mebara, il y a quatre ans, et lui avoir fait subir une détention provisoire pendant quatre ans, il a été relaxé au terme d’un procès clair, et ce jugement n’a jamais été exécuté  et il n’est toujours pas sorti.
Vous avez remarqué que Abah Abah qui était ministre des Finances qu’on nous a présenté, pendant qu’il était en fonction comme un ministre corrompu qui a vidé les caisses de l’Etat, depuis cinq ans qu’il est arrêté on ne nous dit rien sur ce qu’il a pu amasser comme argent par corruption. On l’a condamné à 6 ans de prison ferme au terme d’un procès rocambolesque, pour…  évasion !. On a inventé l’évasion, tout le monde l’a vu.
Même les gardiens ont dit qu’il n’ya pas eu évasion, parce que s’il y a évasion, ils sont les premiers à l’attester et à lancer l’avis d’évasion. Abah Abah n’a jamais échappé à la vigilance de ses gardiens ; cette condamnation donne bonne conscience à ceux qui ne pouvaient plus justifier une si longue détention provisoire ni leur incapacité à réunir les éléments de preuve de ce qui leur est toujours reproché à ce jour.
Marafa s’est démarqué. Il a été un accusé spécial, courageux et digne Son message semble vouloir dire : «j’ai appris beaucoup de cet homme-là, mais je ne peux pas continuer à être d’accord avec la façon dont le pays est géré ». Ce qui fait qu’aujourd’hui il est une personne qu’il faut suivre attentivement.On comprend qu’il n’a jamais atteint le seuil irréversible de créature, malgré sa promiscuité avec le Créateur
Les audiences du procès Marafa sont désormais interdites au grand public et à la presse. Y a-t-il une explication à cette façon de faire ?
 Pourquoi  focalise-t-on sur le cas Marafa? Je pense que c’est pour les raisons que je viens de vous donner, Monsieur Marafa apparaît comme le challenger du président de la République. C’est clair maintenant aux yeux de tout le monde que c’est comme ça. C’est parce qu’eux-mêmes savent que derrière tout ça il y a un procès politique et un problème d’alternance qui se posent. Le président de la République est comme moi. Nous sommes du troisième âge. Il peut ne pas se réveiller demain.
 Cela pose des problèmes pour ceux qui sont autour de lui et qui se demandent ce qu’il adviendra d’eux s’ils perdent le pouvoir en perdant le Créateur
 
Ce que vous venez de dire pose le problème de l’autorité judiciaire et de l’indépendance de la justice par rapport à l’exécutif. Est-ce que la Justice est vraiment libre au Cameroun comme on veut nous le faire croire?
 C’est dans les papiers que la Justice camerounaise est libre et indépendante, mais pas dans les faits. Je crois qu’aujourd’hui, à force d’asservir la Justice, tout le monde  a vu qu’elle n’est pas indépendante. Vous avez le cas Atangana Mebara qu’un tribunal a relaxé, mais qui, au jour d’aujourd’hui n’est pas sorti de prison. Tout le monde sait que ce sont les hautes instructions qui  ont été appliquées et non le jugement.
Tout le monde a entendu dire que le juge qui l’a libéré risque d’avoir des problèmes. Je n’ai pas vérifié, mais tout de même, c’est quand même curieux. Pourquoi n’est-il pas sorti ? Pourquoi lui avoir fait passer quatre jours supplémentaires en prison avant de trouver un autre motif pour que justement il ne sorte pas ? C’est une façon très claire et très nette pour l’exécutif de montrer qu’il est le ‘proxénète, de Dame Justice, sa prostituée.
 Vous faites ce que je vous dis, ou alors vous aurez des représailles. Il a publiquement humilié, ridiculisé le tribunal qui est là pour rendre les décisions que d’autres magistrat ont ordre de ne pas exécuter. Un magistrat ne peut s’épanouir ou être indépendant dans un tel contexte. J’ai lu dans les journaux qu’on leur a donné un milliard et demi de Fcfa pendant les élections.
Est-ce qu’on doit améliorer leurs conditions  de vie seulement à l’occasion d’une élection, ou bien ils doivent être des personnes libres, indépendantes financièrement, capables de s’assumer avec des salaires et des indemnités correctes, et une retraite qui les rassure? 
On sort seulement un milliard et demi pour donner à la Cour suprême lorsqu’elle devient Conseil constitutionnel. C’est une relation mafieuse et malsaine de type proxénète-prostituée.
 
En l’état actuel de l’évolution des évènements, avez-vous le sentiment que  tous les témoins cités par monsieur Marafa comparaîtront devant la barre au même titre?
J’ai déjà vu que la liste des témoins de l’accusation  avait été arrêtée au départ à quatorze témoins et s’est finalement traduite par cinq comparutions à la barre. C’est-à-dire qu’il y a des témoins que l’accusation a évité d’entendre. Je parle par exemple de tous les représentants de l’Etat-major particulier du chef de l’Etat. Pourquoi est-ce qu’on ne les a pas fait venir ? Je n’en sais rien.
Pourtant ces personnes se retrouvent sur la liste des témoins tant de l’accusation que de la défense. 
Vous pensez que le tribunal va convoquer ces mêmes personnes pour la défense alors qu’il ne les a déjà pas convoquées pour l’accusation? Il s’agit des personnes capables de faire voler en éclats la thèse primaire de la culpabilité automatique et de la coaction entre l’ancien ministre d’Etat et Yves-Michel Fotso.
 Ces personnes seraient venues dire que l’avion a été livré. On ne voulait pas l’entendre, mais on ne pouvait quand même pas empêcher le ministre d’Etat de le dire. Je ne suis donc pas sûre que tous ces témoins vont venir et dans ces conditions, nous allons certainement nous retrouver avec du côté de la défense très peu de témoins aussi, parce que si on dit aujourd’hui que le chef de l’Etat ou le Directeur général de la Snh doivent se présenter est-ce qu’ils vont le faire ? Je ne pense pas. Je loue par contre la présence à la barre de monsieur Meva’a Meboutou qui s’est présenté.
 
L’accusé Marafa ne cesse de citer le président de la République comme principal acteur dans l’affaire de l’achat manqué de l’avion destiné à ses déplacements. Est-ce que les lois et autres textes qui existent au Cameroun permettent aujourd’hui que monsieur Biya se présente devant le tribunal pour témoigner ?
 Il y a des lois qui interdisent de poursuivre le président de la République comme accusé ou comme prévenu pendant qu’il est en exercice. Mais je ne crois pas qu’il y ait un texte qui l’interdise. Justement, par rapport au respect de la justice de notre pays dont-il détient le pouvoir….
Est-ce que le fait que monsieur Biya ne puisse pas se présenter à la barre ne pourrait pas induire l’arrêt immédiat de ce procès, puisqu’il est présenté comme le principal acteur de cette affaire ?
 Ce n’est pas parce que le président serait un acteur principal de cette affaire qu’il est forcément suspect ou qu’il a forcément commis le crime de détournement de deniers publics. Le président de la République voulait un avion pour changer le Pélican qui était un avion qui appartenait au Cameroun du temps du président Ahidjo. Ce n’est pas contesté. Il a donné des instructions à qui de droit. Lui-même le président de la République, quand son patron de l’époque voulait acheter le Pélican, il était le secrétaire général et c’est lui qui a géré le dossier. Le président de la République a transmis le dossier à Marafa et ce dernier lui a rendu compte matin midi et soir de tout, verbalement ou par écrit.
 Le président ne peut pas le nier, parce que ses mêmes instructions se retrouvent dans les déclarations de monsieur Moudiki  qui a été entendu à la police et qui dit que le président l’a reçu et lui a révélé en même temps que ce que Marafa va dire est vrai. Meva’a Meboutou a des documents où il y a eu des hautes instructions du président de la République. Le secrétaire général a parfaitement expliqué la chronologie des faits dans une clarté dont personne n’a pu douter. C’était clair, net, précis, logique. Personne n’a pu contester qu’il a été question de faire un montage qui protégeait le Cameroun. 
Meva’a Meboutou a dit que la Camair était là pour servir de mot de passe. Tout comme Gia qu’on qualifie de tous les noms d’oiseaux était l’intermédiaire du Cameroun auprès du constructeur Boeing. Ils ont fait le contrat d’achat du Bb jet ensemble. Les gens qui ont voulu utiliser cette histoire d’argent pour éliminer politiquement Marafa auraient dû choisir autre chose. On aurait pu lui faire le même coup qu’Abah Abah, c’est-à-dire qu’on l’arrête en nous faisant croire que c’est pour détournement quand il était ministre, mais on commence à l’interroger sur les actes posés quand il était directeur des impôts. Les gens qui voulaient la peau de Marafa ne peuvent pas choisir l’affaire Bbj.- 2
 
Peut-on envisager aujourd’hui une entrée en scène des acteurs tels que le Fonds monétaire international ou la Banque mondiale ?
 Le Fonds monétaire n’est pas le Cameroun. Le Cameroun est un Etat souverain. C’est lui qui appelle le Fonds monétaire lorsqu’il assèche ses caisses et que ça va mal. Mais c’est sûr que ce procès étant semi-public, on saura quand même que les Camerounais sont de fins faussaires, des filous. Vous savez qu’on n’a pas une bonne réputation. Après quand il y a des négociations, ne soyez pas étonné de ce que le Cameroun ait plus d’exigences. Ce sont les pauvres Camerounais qui en souffrent, pendant que d’autres vont se faire soigner à l’étranger.
 
On vous a aussi vu, il y a quelques temps, assez engagée dans l’organisation d’un comité de soutien à Thierry-Michel Atangana et Titus Edzoa, qu’en est-il  à ce jour?
 Je suis très proche de toutes les victimes de cette opération épervier qui se veut une opération mains propres. Quand j’ai fait le tour de toutes ces personnes qu’on a arrêtées en violation flagrante des dispositions du Code de procédure pénale et que je vois comment on mène ces dossiers, qu’il y a plus de politique que de judiciaire, je me révolte contre cette justice-là. Je vais les voir, quelle que soit la victime. Je vois maître Eyoum qui est en prison, pas parce qu’elle a détourné de l’argent, contrairement à ce qu’on nous raconte. Elle défendait les intérêts de l’Etat.
 Le ministère des Finances l’a constituée pour cela. Elle a travaillé pendant six ans. Elle a effectué des saisies qui ont donné de l’argent. Cet argent a été versé au ministère des Finances. La Société générale des banques  a retourné la Présidence contre l’Etat, représenté par le ministère des finances. La présidence de la République s’est retrouvée en train de demander qu’on annule les saisies qui ont été faites par voie judiciaire par Me. Eyoum alors que la Beac avait déjà payé et qu’on rembourse l’argent à la Société générale. C’est là le problème. Ce n’est pas qu’elle a reçu l’argent et qu’elle l’a gardé. C’est que les correspondances de la Présidence disent que ces saisies sont illégales.
 C’est la présidence de la République qui dit que les saisies que le ministère des finances a effectuées sont illégales et qu’il faut qu’on demande plutôt aux avocats et huissiers instrumentaires de rembourser et non pas au ministère des Finances. On a des documents là-dessus. C’est inadmissible. Les gens racontent que Me. Eyoum a pris des milliards. C’est faux ! Le problème c’est que l’Etat, représenté par la présidence de la République, s’est mise derrière la Société générale de banques pour exiger que l’avocat et l’huissier ayant agi pour l’Etat représenté  par le Ministère des Finances, remboursent à la Sgbc les sommes qui avaient été saisies quatre ans auparavant.
 Et on les a mis en prison, parce qu’on pensait que Abah Abah se sert de Me Eyoum comme trésorier de guerre, ce qui est faux, parce qu’elle avait ce dossier bien avant l’arrivée de Abah Abah à la tête du Ministère des Finances. Elle se retrouve en prison pour cela. Au fond même si c’était les honoraires, ce n’est pas un crime. La loi prévoit que les litiges concernant les honoraires entre l’avocat et son client  se règlent  devant et par  le bâtonnier et en aucun cas devant la chambre criminelle d’un Tribunal de grande Instance et des juges d’instruction !
 
Vous nous dites que dans cette opération épervier personne n’est coupable ?Je dis que ceux qui ont arrêté et placé les gens en détention provisoire ont mal fait leur travail en agissant sans doute plus sur hautes instructions qu’en droit comme dans le cas très flagrant et plutôt révoltant de Me EYOUM. Je dis que sur la base des règles de droit, un œil averti comme le mien, juriste pratiquant, proche des textes, conclura que le travail n’est pas convaincant.
 Les lois, les principes généraux du droit, les textes et les procédures ont été violés. En ce qui concerne Me Eyoum, je ne peux pas concevoir qu’un avocat soit envoyé en prison parce qu’il a perçu des honoraires, et encore moins parce qu’il aurait pratiqué, à la requête et au bénéfice de l’Etat, une saisie jugée illégale par la Présidence de la République de l’Etat du Cameroun !
Les avocats ne règlent pas les questions des  honoraires ni chez le juge répressif ni à la Présidence de la République, qui n’a ni pouvoir, ni vocation à s’ériger en juridiction statuant en dernier ressort, sur les affaires purement judiciaires. Dans son cas il n’y avait même pas d’histoires avec son client, et on l’a mise en prison. Ce n‘ est pas normal, ce pays ne peut pas continuer à fonctionner de cette manière.
 Le cas de Me Eyoum rappelle celui de Me Abessolo dans le dossier du Pad qui se retrouve lui aussi en prison pratiquement pour la même chose. On ne comprend plus rien…
 C’est la même chose. Qu’est-ce que Me Abessolo fait en prison ? Si c’était des honoraires, on en discute, mais le directeur qui était là à l’époque et qui représentait le  Pad dit qu’il a estimé en toute responsabilité qu’il devait payer ses honoraires à son avocat par rapport au mandat qu’il lui a confié.  Qu’est-ce que les professions judiciaires vont devenir ?
 Une justice comme celle-là dans un environnement comme le nôtre ne peut  pas inspirer confiance à des investisseurs. Les conséquences c’est que le chômage va nous tuer. Personne ne viendra créer des emplois ici. Il ne faut pas accepter qu’on emprisonne la justice, qu’on l’avilisse comme on le fait. Ça ne donne pas une bonne image du pays tout entier. J’ai choisi de travailler dans la justice, je veux quelle marche bien et je vois bien qu’elle est très malade et que si on ne fait rien, c’est tout le monde qui sera contaminé.
 
Le débat c’est aussi celui de la culpabilité réelle ou supposée de Marafa et au regard du fonctionnement et des habitudes politiques du Cameroun, peut-on déduire que Marafa est une victime?
 Vous savez bien que le président de la République est un dieu et que nous sommes ses créatures. Qu’est-ce que vous pouvez faire ? Vous êtes dans un pays où, si vous voulez être fonctionnaire, c’est votre droit le plus absolu, et vous devez trouver des conditions favorables. Qui est le directeur général de la fonction publique ? C’est le président de la République. Il doit traiter ses employés avec respect et leur créer des conditions de travail acceptables parce que tous les autres employeurs, même dans le privé le regardent et  s’ils veulent suivre  l’exemple du président de la République, la traite négrière est préférable à ce qui se passe aujourd’hui.
 Vous ne pouvez pas donner tous les droits à l’employeur et  rien à l’employé. C’est : ou ils crèvent, ou ils lui lèchent les pieds et ils deviennent ses créatures avec une chance de jouir d’un certain bien-être. Ce n’est pas un bon modèle de patronat. Il ne faut pas acculer les gens à être des voleurs.
 Je vois comment ceux qui ont travaillé normalement, qui n’ont pas volé souffrent. La retraite est dure. On vous donne une retraite de 100 mille Francs Cfa maximum qui ne vous permettent  même plus de payer votre note d’électricité par mois. Le seul choix qu’on donne aux fonctionnaires c’est de voler. Ce n’est pas normal.

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