Avion présidentiel: Le ministère public disculpe Marafa et Fotso.
Les arguments déployés par l'accusation pour étayer la culpabilité de M. Atangana Mebara sont aussi ceux-qui confortent la thèse de leur innocence soutenue par MM. Marafa Hamidou Yaya et Yves Michel Fotso. Le 3 février 2010, pour convaincre le juge d'instruction de renvoyer M. Jean Marie Atangana Mebara et autres devant le tribunal de grande instance du Mfoundi, le procureur de la République, dans son réquisitoire définitif dont Repères a pu prendre connaissance, écrit: « ...Que les attentats terroristes du 11 septembre 2001 aux USA, survenus au moment où une mission d'experts camerounais se trouvait dans ce pays, ont provoqué la clôture de tous les comptes bancaires de cette société dans le monde et plus tard entraîné sa liquidation, le sigle GIA ayant été interprété comme étant Groupe Islamique Armé».
En dépit de cet impondérable, consent le ministère public, le processus d'acquisition d'un avion neuf pour les déplacements du chef de l'Etat camerounais, le BBJ-II, s'est poursuivi sans encombres. Citant le rapport de M. Jérôme Mendouga, alors ambassadeur du Cameroun à Washington commis pour entreprendre discrètement une démarche parallèle avec la firme Boeing, le procureur de la république admet que le BBJ-II était prêt depuis octobre 2002. Les autorisations nécessaires avaient même été obtenues en vue de son décollage en direction de Bâle en Suisse, où la Société Jet Aviation attendait déjà pour procéder aux aménagements intérieurs.
Et voilà que le nouveau secrétaire général de la présidence de la République, M. Jean Marie Atangana Mebara, nommé en août 2002, vient rompre le contrat initial afin que l’Etat signe un autre directement avec Boeing. Pour ce faire, le constructeur exige au préalable et obtient le désistement de GIA International, l'intermédiaire chargé de la procédure. Pourquoi ce revirement? Au moins deux raisons sont invoquées.
D'abord, d'après les dépositions des inculpés, il semble bien que l'affaire, jusque-là menée en toute discrétion sous le couvert de la Camair pour contourner las réticences des bailleurs de fonds, a fuité. La preuve: une note datée du 25 avril 2003 que le SG/PR adresse au président de la République admet que le dossier est désormais évoqué en toute transparence avec le FMI. Aussi, trois jours plus tard, la SNH vire cinq millions de dollars à Boeing pour conforter l'option de l'achat d'un avion neuf.
«Mais, souligne le procureur de la République résumant les dépositions de M. Atangana Mebara, cette option a été définitivement suspendue sur hautes instructions du chef de l'Etat en juin 2003 sous la pression du FMI et de la Banque mondiale qui voulaient avoir toutes les informations sur l'avion présidentiel.» Au cours de son audition le 16 juillet 2009, l'ancien SG/PR dévoile les confidences que lui a faites le chef de l'Etat à ce sujet: «Autant j’ai demandé au peuple camerounais des sacrifices pour l'atteinte du point d'achèvement, autant je suis prêt à assumer ma part de sacrifice, en continuant à emprunter des avions de location jusqu’à l'atteinte de ce point d'achèvement».
Aussi, poursuit-il ses confessions, «instruction a été donnée pour maintenir le principe de l'acquisition d'un avion neuf auprès de Boeing après l'atteinte du point d'achèvement de l'initiative PPTE, mais provisoirement d'examiner la possibilité avec ce constructeur de louer un appareil pour deux ou trois ans, c'est-à-dire la période restante pour l'atteinte du point d'achèvement et le temps nécessaire pour la construction et l'aménagement d'un nouvel avion».
Ensuite, d'après les déclarations de M. Jérôme Mendouga pour justifier la rupture du contrat avec GIA International, «le ministre d'Etat, secrétaire général de la présidence de la République l'a appelé pour lui signifier que le BBJ-II ne convenait plus aux exigences des déplacements du chef de l'Etat en raison de sa petite taille».
Mais à bien y voir, cette option semble avoir été planifiée longtemps à l'avance à travers un mécanisme bien huilé qui recourt à un lobbying actif dans les hautes sphères de l'Etat. Le 18 mai 2002, depuis l'Afrique du Sud, M Hubert Patrick Marie Otélé Essomba, directeur général adjoint d'APM-Cameroun, écrit à M. René Owona, secrétaire général adjoint de la présidence de la République: «Excellence et cher oncle... A cette occasion M. Kevin Walls vous donnera des informations sur le devenir de notre compagnie nationale aérienne et une offre pour l'achat d'un avion présidentiel sécurisé».
Le 18 août, le cabinet APM sollicite par écrit l'appui de M. Edgar Alain Mebe Ngo'o, alors directeur du cabinet civil du président de la République, dans sa démarche pour hériter du processus d'acquisition de cet avion. Et Mme Nyangan, conseiller à la présidence, il précise le 10 octobre de la même année que ce nouveau BBJ de 18 places est disponible immédiatement pour un coût de 56 millions de dollars. Il n'est pas jusqu'au chef d'Etat-major particulier du président de la République qui ne soit mis à contribution. Toute cette débauche d'énergie s'explique dans la mesure où chaque marché conclu devait garantir 10 % de commissions à M. Otélé Essomba. Ces manœuvres souterraines ont largement contribué à saper le contrat entre la Camair et GIA International.
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