Affaire Marafa: Que peut faire le juge Schlick? A une semaine du verdict, les scénarii d’une décision de justice attendue.
Le 21 septembre, le juge Schlick devra, aux yeux du monde entier, montrer que le Cameroun est un pays de justice et de paix où le juge rend son verdict au nom du peuple camerounais. Toutes proportions gardées, le verdict attendu dans l’affaire Marafa ressemble à celui qui devait sanctionner l’élection présidentielle controversée de 1992. Les Camerounais étaient alors suspendus aux lèvres de Dipanda Mouelle, président de la cour suprême, qui déclarera contre toute attente le candidat Biya vainqueur face à son challenger John Fru Ndi. Autre temps, autres mœurs ? Le peuple camerounais attend le verdict dans le procès qui oppose l’Etat du Cameroun à Marafa Hamidou Yaya et consorts. Le juge Schlick doit vider son délibéré le 21 septembre prochain, en disant si Marafa est coupable ou innocent dans une affaire qui passionne l’opinion publique. Coupable, Marafa va subir l’opprobre et de longues années de prison. Innocent, il devrait être libéré et libre de tout mouvement. C’est ici que la responsabilité du juge Schlick est grande, qui consiste à rendre justice en toute équité.
Equité ? Tel est le mot qui colle à la peau du juge Schlick dont le nom, à consonance juive, peut induire en erreur pour ce Camerounais de père d’origine étrangère et de mère mbamoise. Le hasard n’existe pas. A Douala où il officiait avant d’être muté à Yaoundé, les malfrats l’appelaient petit-Jésus avec un respect mélangé d’admiration. Hommage du vice à la vertu ? Schlick était réputé pour ses verdicts équitables et qui ne souffraient pas de contestation, tant pour les coupables que les innocents. On se souvient que c’est le même magistrat qui a acquitté Jean Marie Atangana Mebara, l’une des grosses prises du rapace. Selon un avocat, Gilbert Schlick est le seul magistrat dont les sentences provoquaient des standings ovations (acclamations) de tout l’auditoire, y compris de la part des mis en cause. La cinquantaine entamée, de taille et de corpulence moyenne, le teint très clair, on le dit simple, discret, d’une sobriété qui n’a d’égal que son calme et sa courtoisie.
Petit-Jésus va-t-il jeter la première pierre à celui qu’on lui présente comme le chef d’un redoutable réseau de voleurs en col blanc ? Le ministère public et les avocats de l'Etat du Cameroun ont requis la culpabilité des trois accusés présents devant le tribunal grande instance du Mfoundi, MM. Marafa Hamidou Yaya, Yves Michel Fotso et Mme Julienne Nkounda. Au bout de près de huit heures, le procureur avait tenté de démontrer que l'ancien Minatd et l'ancien Adg de la Camair ont monté un stratagème pour faire débloquer les fonds publics par le ministre des Finances, M. Michel Meva'a m'Eboutou, qualifié de fonctionnaire loyal, au bénéfice de GIA International. Des fonds qu'ils se seraient partagés à travers des sociétés que l'accusation a énumérées comme la preuve même d'une machination bien conçue et exécutée avec une cupidité diabolique. Pour le procureur, Marafa est le principal responsable du crime. Le procureur lui met également sur le dos la tentative du virement dans son compte de un milliard Fcfa. Les avocats de l’Etat se sont associés naturellement aux réquisitions du procureur ainsi que le représentant du ministère des Finances !
Désespérance
Ce que Me Alice Nkom n’entend pas concéder aux accusateurs. Selon elle, Marafa est l’agneau du sacrifice : « jusqu’au 26 Juin 2012, l’inculpé Marafa Hamidou Yaya n’a pas pu obtenir les pièces de la procédure afin qu’il puisse préparer sa défense. Ceci constitue une violation des droits de la défense conformément aux dispositions de l’article 3 du Code de procédure pénale de nature à entraîner la nullité de la présente procédure ». Dans sa plaidoirie, elle a évoqué la « détention illégale et tout aussi arbitraire du ministre d’Etat, l’ingénieur en pétrochimie Marafa Hamidou Yaya » que les accusateurs vont « continuer à poursuivre, à accuser et à chercher, par tous les moyens, et surtout les plus douteux, à obtenir de votre tribunal et du peuple camerounais au nom de qui la Justice est rendue, la moindre déclaration de culpabilité et encore moins, la moindre condamnation de nos nobles concitoyens ici présents ». Le 21 septembre pourtant, résonnera encore aux oreilles, comme en écho, le dernier mot de Marafa à l’adresse de la collégialité présidée par le juge Schlick pour conclure sa défense à la fin des plaidoiries «Condamnez-moi pour avoir obéi aux instructions du président de la République. Reconnaître mon innocence, et la reconnaître publiquement, sera votre manière de marquer que le temps est venu d’arrêter cette marche vers la dissolution de notre Nation, et de retrouver le chemin qui nous mène à l’avènement d’une Société de Confiance ».
La balle est dans le camp de la Justice. Comme lors du verdict de la Cour suprême concernant l’élection présidentielle de 1992, jamais juge camerounais n’a eu autant d’espoirs, autant de regards, portés sur lui. Petit jésus suivra-t-il les accusateurs qui ont tout simplement demandé au juge « d’envoyer ces démons dans leur enfer » ou choisira-t-il, comme son homonyme de Nazareth, de dire à ceux qui exigent la lapidation de Marafa: « Déliez-le et laissez-le aller » ?
C’est un homme et non un dieu. « S’il est exagéré de dire que Gilbert Schlick est une exception dans l’univers de la Justice camerounaise, il faut reconnaître qu’il est aujourd’hui l’une des figures représentatives de ces magistrats de vocation pour lesquels la justice est une valeur suprême qu’ils entendent défendre courageusement, en leur âme et conscience ». Le 21 septembre, seul avec sa conscience, il choisira de prendre date avec l’histoire au panthéon des hommes qui marchent debout, ou il s’en éloignera, replongeant la Justice et partant le Cameroun dans la nuit noire de la désespérance…
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