Marafa

Marafa
Le prisonnier légendaire du SED.

mardi 30 octobre 2012

Dr Désiré Essama Amougou répond à GREGOIRE OWONA



Monsieur le ministre,
Je viens de terminer votre tribune libre sur Marafa Hamidou Yaya dans Cameroon Tribune, notre pravda nationale. J’ai lu votre texte avec stupeur, effroi et tristesse. Ainsi donc, il a suffit d’un simple… effleurement pour que vous bandiez… Les poignantes lignes épistolaires de Marafa ont eu le mérite de rompre avec fracas votre silence assourdissant. Et du coup, elles vous ont poussé à posséder subitement l’énergie phallique de ceux qui, revenus d’entre les morts (ce fut réellement votre cas), paraissent ne reculer devant rien.
Comme vous, je ne vais pas m’encombrer de nuances. Souffrez donc que je brise la loi du « politiquement correct » et, par-delà ses « outrances », pour lever le soi-disant « tabou » d’interpeler un ministre de la République sur la place publique. J’ai trouvé votre sortie haïssable dans le fond, dans la forme, et racoleuse parce que vous tentez d’exploiter cette affaire pour vous repositionner et redorer votre blason sur l’échiquier, quitte à renier le camarade et l’ami d’hier. Haïssable et violente enfin, pour ceux qui ne savent pas lire entre les lignes. J’y vois le soupir désespéré d’un apparatchik habité par la hantise de perdre le fruit de ses rapines.
Souffrez encore que je vous dise, à votre plus grand déshonneur, qu’en fait, votre tribune n’est rien d’autre qu’un réquisitoire incandescent dont le but ultime est d’attirer l’attention de votre créateur, surtout au moment où votre long silence devenait soupçonnable en haut lieu. Votre sortie est une véritable éructation viscérale qui vise à anesthésier les populations face à la gloutonnerie de votre régime. Nous vivons ce moment étrange de notre histoire où, pour être vertueux, pour être moral, pour être un type bien dans le système, il faut faire en sorte que la vérité n’affleure jamais.
Monsieur le ministre, le beau temps est terminé, y compris pour vous. Votre créateur est imprévisible et incontrôlable, ne vous étonnez pas d’être pris dans les serres demain. Surtout que vous n’êtes pas sans reproches ni taches… On se souvient, il y a quelques temps, des accusations d’autisme portées contre vous par ‘’le fou du roi’’, votre camarade du parti Charles Atéba Eyene, qui voyait en votre silence une collusion avec Marafa. Par le jeu des contrastes, vous prenez tout le monde à contre-pied comme d’habitude pour essayer de vous dédouaner. Hier c’était Jean-Jacques Ékindi que vous laissiez en rase campagne pour votre intérêt politique personnel, alors que vous animiez ensemble le courant progressiste au sein du RDPC à Douala. Aujourd’hui c’est Marafa. A qui le tour demain? Biya devrait se méfier du genre de personnes comme vous. Sachez cependant qu’une République et une démocratie ont besoin de vertu, de transparence, de cohérence et de convictions.
A travers vous, je dénonce l’imposture de cette coterie qui a fait de l’hypocrisie et du reniement son fonds de commerce. Ce qui m’indigne et m’écœure dans votre tribune, et sûrement avec moi des millions de Camerounais, c’est le parjure sur les faits. Avec les avantages et les honneurs de votre rang, vous avez le devoir et la responsabilité de reconnaître et de soutenir, par des actes institutionnels opportuns, ce qui compte vraiment. Malheureusement, à l’épreuve des faits, votre position ne vous amène même pas à réunir les conditions morales pour éprouver de la honte. Mais une question de fond demeure : Avez-vous jamais eu un code des valeurs? J’ai l’impression que non. Votre tribune s’apparente à un acte délibéré de mauvaise foi pour protéger votre beefsteak.
Il est intellectuellement et moralement inacceptable de tenir un discours aussi transgressif sur la réalité camerounaise que vous connaissez bien. Vous dites que le changement est en cours? Je veux bien vous croire. Mais de quel changement parlez-vous? Certainement dans la bêtise infinie ou dans la régression. 30 ans d’improvisation abyssale, trente années d’un règne épouvantable et improductif, trente années d’impudicités de tout ordre et de détournements faramineux des avoirs du peuple camerounais, ont fait basculer la majorité silencieuse dans une indigence absolue et scandaleuse.
Qu’avez-vous fait de ce pouvoir que le peuple vous a offert par défaut depuis 30 ans? Si ce n’est un ralentissement général sur tous les plans des années durant du Cameroun et la perpétuation du mal. Vous avez contribué pendant des années à bâtir une société inégalitaire, politiquement muette, bloquée, désemparée et démotivée.
Vous comprenez pourquoi la sidérante inculpation, puis la condamnation de Marafa Hamidou Yaya ne sont que l’arbre qui cache la forêt. Marafa est peut-être un délinquant économique dont la condamnation aurait été saluée dans un pays normal. Sauf que plusieurs autres membres de votre régime ont été pris en flagrant délit de kleptomanie, de prévarication, de concussion et autre passe-droits sans que la justice ne s’intéresse à eux. Pouvez-vous jurer la main sur le cœur que votre gestion des affaires est exempte de tout reproche? Que dire de votre patron Paul Biya, ou encore Ze Meka, Mebe Ngo, Mendo Ze - que je vous rappelle a été condamné par le très officiel Conseil de discipline budgétaire et comptable -, Akamè Mfoumou ou son célèbre muet de frère, Fouman Akame qui ne nous a toujours pas expliqué à ce jour où sont passés les milliards de sang du crash du Boeing de la Camair. Sont-ce des enfants de cœur? Comment pouvez-vous justifier cette politique de deux poids deux mesures?
Que dire du refus incongru de se soumettre à la loi, à l’instar de la déclaration des biens écrite noir sur blanc à l’article 66 de la constitution que votre propre parti, largement majoritaire à l’Assemblée nationale a initié et voté? Est-ce là des positions défendables? L’exemple ne vient-il pas d’en haut? Citez-moi un seul baron de votre régime qui l’a fait, à commencer par Paul Biya. Cela dénote de vos convictions démocratiques à géométrie variable. Vous avez peur d’être pris à votre propre piège.
Ce ne sont pas les fanfaronades d’un Issa Tchiroma Bakary, opposant d’opérette et bouffon de service à ses heures perdues, plusieurs fois pris en flagrant délit de mensonge qui y changeraient quelque chose. L’expérience a montré que votre justice à tête chercheuse choisit ses victimes parmi les plus audacieux d’entre vous. Pendant ce temps, de nombreux autres parrains de la haute mafia étatique sont à l’abri des poursuites judiciaires. Apparemment, tant et aussi longtemps qu’ils ne vont pas lorgner le fauteuil du machiavel d’Étoudi, ils peuvent continuer à se pavaner et à se bronzer sur des croisettes avec l’argent spolié aux Camerounais.
Une autre question lancinante à laquelle vous aurez du mal à répondre est la suivante : L’argent débloqué après moult acrobaties pour l’achat du BBJ et de l’Albatros était-il justifié pour un pays en plein ajustement structurel? Qui a appris à couvrir les jongleries à ses collaborateurs pour son seul plaisir? Par quel processus bizarre certains d’entre vous qui prennent les devants aujourd’hui peuvent-ils justifier la fortune colossale qu’ils ont amassée? Nous nous rendons compte de guerre lasse, que vous n’êtes pas à la hauteur de l’œuvre, que nous avons remis le pouvoir à des professionnels politiques peu recommandables.
En véritables opportunistes avides de jouissances et de facilités, votre descente dans le ring, ne peut que tromper des naïfs. Enraciné comme vous êtes dans vos convictions et vos certitudes qui rendent toute autre logique inconcevable et inadmissible, l’affaire Marafa a secoué la République jusque dans ses tripes comme nulle autre affaire auparavant. La preuve, les bien-pensants comme vous, loin de bien lire le thermomètre social, préfèrent cautionner des méthodes honteuses et odieuses, dont on serait bien curieux par ailleurs de voir ce qu’elles donneraient si elles s’appliquaient à eux demain.
De votre fait, le pays est aujourd’hui dans l’impasse. Résultat: nous sommes face à un blocage explosif qui n’attend qu’une étincelle. Non, le pyromane n’est pas et ne sera certainement pas celui que vous dénoncez dans votre tribune, mais plutôt votre propre régime. Le ver est dans le fruit. Votre parti dominant s’est donné tous les moyens concrets de tout gagner et de tout contrôler. Son habileté diabolique aura su s’employer à alterner le recours à la menace, l’usage de la cooptation, la couverture des malversations et du blanchiment, sous l’affichage d’un multipartisme apparent et d’un dialogue avec l’opposition en trompe l’œil. Dans votre rapport à la société, le RDPC au pouvoir n’a de cesse de continuer de jouer de la menace à la paix, comme vous le faites maintenant. Pendant ce temps, vous continuez à accumuler des biens par le biais d’un affairisme extrême à tous les niveaux.
La vie politique n’a pas échappé à la corruption par l’argent. La cooptation et le ralliement politique se sont achetés comme à l’étalage. La prédation systémique est érigée en véritable mode de gouvernement. Loin d’être de simples dysfonctionnements ou de pures aberrations, cette situation se traduit pour la majorité des gens par une vulnérabilité et une subordination sociales extrêmes vis-à-vis du détenteur du pouvoir. Elle apparaît comme un moyen de chantage vis-à-vis des récalcitrants et une condition de la paix sociale.
Comme vous le savez, la farce des élections est délibérée et ne fait rien d’autre que l’anéantissement de tout rêve d’alternance par les urnes avec le viol grossier du suffrage universel, des libertés et le renforcement d’un pouvoir autoritaire et policier qui interdit les manifestations de l’opposition. A vous voir faire, il n’y a pas l’ombre d’une volonté de modernisation, mais plutôt une régression conservatrice qui est en permanence mise en œuvre.
Les institutions se sont délégitimées, le débat politique inexistant. Tous les principes moraux et politiques qui fondent une République exemplaire n’ont jamais existé. Sur le plan international, la diplomatie patauge, le pays est silencieux, sauf pour se gargariser d’une simple poignée de mains obtenue aux forceps à Kinshasa par le Président Biya à François Hollande. Chiche, pauvre Cameroun!
Architectes de toute les manipulations et manigances, la classe politique compte toujours les mêmes politiciens d’il y a 50, 40, 30, 20 ans ou leurs fils, neveux et nièces, etc. Il en est de même des oligarchies rentières, c’est-à-dire ces réseaux de familles d’hommes d’affaires qui raflent les richesses nationales grâce aux fraudes, ficelles et autres combines.
Comme les partis politiques, le syndicalisme est étouffé et réprimé. Dans les services publics moribonds, le favoritisme, l’opportunisme et la corruption tiennent lieu de référents. Le pouvoir d’achat des citoyens est en chute libre. En lieu et place d’emplois décents pour les jeunes qui se déversent chaque année sur le marché du travail, c’est plutôt l’incitation à la débrouille, à l’économie du marché noir ou au chômage, si ce n’est la feymania ou le grand banditisme.
Vous parlez d’une certaine presse instrumentalisée. Je comprends à ce sujet que vous ne supportez pas la présence et l’expression d’idées contraires aux vôtres. Savez-vous au moins l’importance d’une presse libre dans un pays? N’est-ce pas vous qui avez instrumentalisé et bâillonné la CRTV et Cameroon Tribune, des organes pour lesquels tous les contribuables camerounais payent des taxes, et cela, depuis des décennies? Les jours pairs, vous dénoncez une certaine presse et les jours impairs, vous recourez à elle pour faire passer vos messages soporifiques et propagandistes à la gloire du timonier national. Qu’est-ce que vous êtes pitoyable et comique!
Dans votre parti de tricheurs et de menteurs qu’est le RDPC, vous êtes prisonniers d’un esprit conservateur tellement sclérosé qu’il ne conçoit du pouvoir que la stagnation, incapables de faire face à la misère des populations. Malgré le portrait élogieux que vous faites du Renouveau pour vous donner bonne conscience, votre discours évoque le contraste existant entre vos déclarations et l’état nauséabond des lieux. Une misère insupportable.
Lorsque ceux qui gouvernent comme vous font la sourde oreille aux souffrances du peuple, et refusent de faire des concessions pour apaiser les frustrations, ils ouvrent la porte à la violence. Non, les Camerounais ont cessé de rêver. Dans un pays pris en otage par une horde d’insatiables invités à la noce, ce ne sont pas les lettres de Marafa qui vont soulever les masses. La haine et les rancœurs que la majorité des gens dans ce pays éprouvent pour votre système et ses promoteurs est aujourd’hui incommensurable. Ce sont ces frustrations accumulées à longueur d’années qui risquent condamner, tôt ou tard, le pays à une impasse tragique et occasionner des émeutes, devenues la forme d’expression rampante privilégiée dans un contexte d’immobilisme généralisé. La violence et la colère du peuple que vous semblez redouter aujourd’hui ne seront qu’un retour de bâton logique à toutes les souffrances et humiliations que vous lui avez infligées, contraignant nombre de Camerounais à la paupérisation et à l’exil.
Non content d’avoir saigné ce pays à blanc, vous voulez maintenant procéder à la manipulation des masses. Je comprends que vous ayez une peur bleue de la révolution, mais à moins d’un problème de compréhension de votre part, Marafa n’a jamais appelé à une insurrection dans sa cinquième lettre. Il a été clair: pas de violence. Par contre, souvenez-vous des événements de 2008. Le peuple meurtri s’était levé contre votre régime, en guise de réponse, vous l’avez réprimé dans le sang, tuant des centaines de compatriotes.
Monsieur le ministre, en politique, on a parfois besoin de personnalités hardies, pas seulement des béni-oui-oui. A défaut d’arguments convaincants, ayez au moins la décence de vous taire! Le fricotage avec la réalité ne paie pas à la longue. Vous venez de nous démontrer votre incapacité à vous élever. On dirait que le pouvoir de votre créateur a réussi à tous vous transformer, en une bande de pouilleux surexcités, moralement appauvris par l’abdication intellectuelle et les avantages factices qui étranglent, devant vos yeux, les enfants, les femmes, les jeunes, la vie dans l’insatisfaction, l’aliénation, la psychose et le chômage, sans que vous ne bougiez le petit doigt, aidant au contraire, à mieux écraser le petit peuple. Croyez-mi, ces problèmes fondamentaux méritent autre chose que vos imprécations.
Escamoter les réalités que connait le pays, c’est ne pas choisir le chemin de la vérité et faire le lit d’un soulèvement inéluctable. Or vous pouvez faire cesser beaucoup de ces dysfonctionnements en disant la vérité au Président Biya. Qui donc, à part vous qui êtes aux côtés du Prince, pourrait mieux lever le bouclier contre la barbarie institutionnelle qui nous écrase et nous dévore?
Malheureusement, vous vous affirmez au fil des jours comme des garants de l’immobilisme au pouvoir, plus soucieux de vos maroquins ministériels. Bien plus, vous vous montrez comme de sordides chacals, des vils, des goinfres courbés comme des chiens sur leurs bols, des quémandeurs qui n’arrivent pas à voir plus loin que le bout de leur nez et qui recourent à la fourberie pour arracher des morceaux de bouffe du corps agonisant d’une République en putréfaction.
Seulement monsieur le ministre, il y a un temps pour tout. Le vôtre est totalement révolu. Un monde nouveau approche. Votre créateur n’en a plus pour longtemps et où que vous serez après lui, on vous trouvera. Comme les autres vous aurez à rendre des comptes au peuple.
En attendant, apprenez donc à faire profil bas. Bien à vous!
Dr Désiré Essama Amougou
Médecin urgentologue
Hearst, Ontario (Canada)
dr.deesam@gmail.com

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