Marafa

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Le prisonnier légendaire du SED.

mercredi 31 octobre 2012

L'odeur de détournements des dons des sinistrés du Nord


La situation est plus qu’alarmante à Pitoa où le don remis en public à la population est repris dans l’ombre.
C’est avec une opacité totale que se passe la distribution des différents dons reçus du couple présidentiel, des élites du grand Nord, des membres du gouvernement et autres âmes de bonne volonté à l’arrondissement de Pitoa, situé à une dizaine de kilomètres de Garoua. L’idée de détourner les dons destinés aux victimes des inondations de la région du Nord par les autorités administratives de Pitoa s’est fait ressentir à partir du moment où o a écarté les autorités municipales de la commission de recensement des sinistrés ainsi que celle de la distribution. Seul avec son état major, le sous-préfet de Pitoa s’est vite transformé à un distributeur de quelques denrées aux sinistrés de son choix.

Jouer le jeu avec le sous-préfet

Sur près de 2000 sinistrés, le sous-préfet à la halte n’a pu produire qu’une liste dont on dit fictive, de 174 «victimes». Pour figurer sur la fameuse liste, il ne suffisait pas d’être victime des inondations mais plutôt être prêt à jouer le jeu avec monsieur le sous-préfet, avons-nous appris auprès des populations victimes. «Il nous a envoyé le lawan (chef du quartier) Hayatou qui nous a dit de lui donner d’abord 3700 Fcfa pour être inscrit sur la liste de ceux qui devraient recevoir cette aide. Après inscription sur la liste du sous-préfet, nous sommes allés à la sous-préfecture avec nos cartes d’identité, pour ceux qui n’en avaient pas, le sous-préfet leur remettait 5 000Fcfa pour vite en établir. Avec ta carte d’identité, tu reçois 53.700 Fcfa et après le Lawan t’appelle par derrière pour récupérer l’argent et il te donne seulement 10 000Fcfa…», relate l’une des victimes du quartier Guebake de Pitoa. «Le lawan en prenant cet argent te dit que c’est pour son carburant et celui du sous-préfet», renchérit une autre victime.

C’est donc la joie chez les vraies fausses victimes qui se contentent de leur 10 000Fcfa qui trouvent là, une manne. Un tour à la sous-préfecture de Pitoa dans l’après-midi de vendredi dernier, c’est une foule immense. Les vrais sinistrés se bousculent, chacun voulant savoir quand est ce que les denrées et autres aides seront distribuées. Ils se battent pour voir leurs noms sur les fameuses listes des bénéficiaires affichées. Et l’on sait tous que les conditions sont déjà connues : «il faut accepter remettre près de 90% de cat argent après sa réception. «Le sous-préfet se serait personnellement investi dans la mafia qu’il supervise lui-même en personne et ne veut recevoir personne», nous informe une source proche de la commission de distribution. Des propos vérifiés auprès des confrères de la Crtv qui avaient déjà dénoncé sur les ondes cet acte. «Les journalistes ne sont pas de tout la bienvenue», nous lance de vive voix un proche du chef de terre.  D’ailleurs, toutes  nos tentatives pour rencontrer le sous- préfet vont échouer, et les reporters de la crtv qui ont osé de diffuser l'information disent recevoir des menaces.
A l’heure de la prière ce vendredi, la cour de la sous-préfecture de Pitoa est vite transformée en un lieu de prière pour ces musulmans qui ne voudraient pas entendre que la distribution a été effectuée à leur absence. Une petite balade à la commune de Pitoa située non loin de la sous-préfecture, le Maire est débordé par la population qui est venue dénoncer l’injustice donc elle est victime. «Mr le maire faites quelque chose pour nous, le don est entrain d’être distribué aux gens qui ne sont pas des sinistrés, et on nous dit que nous serons enfermés si nous parlons», explique en larmes, l’une des victimes.
De Pitoa, un petit arrêt au site de recasement de Garoua 2 au quartier Takasko juste à l’entrée de la ville de Garoua, impossible de retenir les larmes. Les sinistrés sont devenus des refugiés dans leur propre pays. Il fait extrêmement chaud à l’intérieur des tentes que le HCR du système des nations unies au Cameroun a construites. Les sinistrés, hommes, femmes et enfants sont couchés sur le sable à l’extérieur. La tristesse et la détresse se lisent directement sur leurs visages. Une simple causerie avec eux risque augmente le chagrin à tout âme sensible. «Depuis que le président Biya est parti de ce camp, le traitement a changé, nous n’avons pas de quoi manger depuis deux jours maintenant. Même les médicaments qui étaient exposés ici le jour qu’il est venu ont disparu aussitôt après son départ. Quand on tombe malade, l’infirmier nous dit d’aller chercher l’argent et ou alors d’aller au centre de santé le plus proche ». L’infirmier du site de recasement déclare que «près de 105 personnes souffrent déjà du paludisme et l’infirmerie n’a pas de quoi les soigner… beaucoup d’entre eux ont déjà contracté des maladies gastriques liée au problème de nutrition.»
Pour rappel, plus de dix délégations ont sillonné la région du Nord depuis le déclenchement des inondations au mois août dernier. Du couple présidentiel, en passant par les membres du comité central du Rdpc, les élites  de la localité, les députés, certaines entreprises et des particuliers. Chacun y est donc allé, apportant des cadeaux dont on estime à plusieurs centaines de millions Fcfa. On peut donc comprendre que c’est une bonne occasion pour certains fonctionnaires qui veulent s’enrichir sur le dos des pauvres citoyens. Une manne qui tombe du ciel encore que cela n’arrive pas tous les jours !



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mardi 30 octobre 2012

Au Cameroun: N'enterrons pas Biya vivant !


Le président de la République est la cible, depuis qu’il a été réélu au terme de la présidentielle d’octobre 2011, de sombres prédictions. A vous remplir d’indignation. "Paul Biya n'en a plus pour longtemps. La nature va bientôt s'occuper de tout". Ces bouts de phrases qui m'ont été rapportés, et que je porte aujourd’hui à votre appréciation, sont devenus la tarte à la crème de ceux qui patientent dans l’anti-chambre du pouvoir. Et, je puis vous dire qu’ils sont nombreux et haut placés dans l’appareil d’Etat, ces apprentis-sorciers qui s’y voient déjà dans la peau du troisième président de l’histoire du Cameroun. 

Néanmoins, il est indécent de savoir que ceux qui lorgnent la succession du prince ont déjà recommandé son âme à Dieu. Et chaque jour de vie pour Paul Biya inflige à ces "souhaite-la mort", un sacré concours de patience. 

Personnellement, je suis choqué d'apprendre que des compatriotes d’un genre nouveau se réjouissent à l'idée que lui, Paul Biya, n'en a plus pour longtemps. Mais, à aucun moment, je n'en ai pas été surpris. Car, il y a belle lurette que je crie sur cette tribune que le locataire du palais de l’Unité est entouré d’assoiffés de pouvoir, de dangereux, d'hypocrites, de prébendiers, d'aventureux sans foi ni loi. Des personnes qui lui disent du bout des lèvres: "Monsieur le président, tout va bien". L'on a vu ce que ces "tout va bien" ont causé en terme de dégâts sur tous les plans, depuis des décennies dans ce pays. 

Heureusement qu’à chaque coup fourré, le chef de l'Etat s'est vu contraint d'intervenir en sapeur pompier. De réparer les torts et de rétablir l'ordre social. Jamais, on ne lui a donné la bonne information à la bonne heure. Sous le présomptueux prétexte que Paul Biya "n'en a plus pour longtemps et qu’il est un homme seul", beaucoup dans le sérail ne travaillent plus pour la République. Amassez le maximum de milliards pour pouvoir prétendre avec des arguments contraignants à la succession, quand arrivera l'heure H, est le leitmotiv de ces sieurs. 

A mes yeux, tout cela n'est que de l'agitation. Nauséabonde en somme. Nous n'arrivons au monde que si Dieu le veut et en repartons par sa seule volonté. Se dire que "Paul Biya n'en a plus pour longtemps, c'est se prendre pour Dieu le père. En général, la mort n'a pas l'âge comme mesure. La Science quant à elle, n'est jamais parvenue à définir son seuil ou à fixer son plafond. Ce qui fait que la vie, on peut la perdre à tout moment, y compris l’instant où elle est donnée, ou en jouir beaucoup plus longtemps. D'ailleurs, dans le cas précis de Biya, aucun signe n'incline à prédire en réalité que le septuagénaire d'Etoudi a un pied dans la tombe. A l'observation, il est même plutôt bon pied bon œil. 

Rappelons que Paul Biya, forcément par la grâce du ciel, a toujours su déjouer les pronostics le concernant. En 1982, pas grand monde ne voyait l'effacé premier ministre qu'il fut, prendre le relais d'Ahmadou Ahidjo conformément aux dispositions de la Constitution. Même au pouvoir, des commentaires insipides le condamnaient à n'être au mieux qu'une marionnette aux mains de son prédécesseur, au pire, un président de transition. L'homme du 06 novembre se révéla, a contrario, par son indépendance d'esprit et son habilité à conserver son titre. Ceux qui s'impatientent d'assister à ses funérailles, pourraient par la volonté divine, souffrir encore de le voir longtemps vivant et aux affaires. Donc, basta d'enterrer Paul Biya "prématurément", si j'ose m'exprimer ainsi ! 

Chacun devrait formuler à Dieu des souhaits de bonne santé pour sa propre personne et pour celle de ses semblables. Tout pouvoir, en vérité, vient de Dieu. Sans son onction, on aura beau tuer et détruire, jamais on ne pourra diriger un Etat, dans la paix, comme c’est en ce du Cameroun. 

J'évoque, pour terminer, ces propos d'un patriarche que j'ai eu la chance de côtoyer : "Si tu ne peux pas faire du bien à quelqu'un, ne lui fais non plus du mal". 

Par expérience, je conclus ce texte en soutenant que, chaque fois qu’on donne de Paul Biya l’image d’un homme affaibli, il se révèle plutôt plus fort. A méditer…

Dossier "30 ans au pouvoir" - Elections: La fraude "made in Cameroon" fait fureur


1992: C’est la date de la première élection présidentielle pluraliste au Cameroun. Cette échéance est précédée par deux années de troubles. Le peuple, soutenu dans son action par des leaders de l’opposition encore clandestine et des organisations de la société civile, exige le lancement du processus de démocratisation du Cameroun. Cela doit nécessairement passer par la légalisation des partis politiques de l’opposition. Face à l’insurrection du peuple et à la pression internationale, Paul Biya cède. C’est alors que la première élection pluraliste est organisée au Cameroun. Ni John Fru Ndi, le leader du Social democratic Frond (Sdf) est en pôle position dans les sondages. Mais il ignore encore que son principal challenger détient l’appareil électoral à travers Gilbert Andzé Tsoungui, alors ministre de l’administration territoriale. Ce dernier, avec le soutien inconditionnel des forces de l’ordre et de défense, est au service de « l’homme Lion » d’Etoudi, met tout en jeu pour assurer sa réélection. Il orchestre avec le concours de la Préfectorale et de façon ostentatoire, des fraudes massives. Et comme on pouvait s’y attendre dans un tel contexte, Paul Biya est naturellement déclaré élu président de la République par la Cour suprême. La machine du régime, piloté sur le terrain par les préfets et les sous préfets, vient de briser l’espoir des Camerounais avides de changement. 
De l’Onel à Elecam 
Cinq années passent. Et nous voici en 1997, date d’une autre élection présidentielle comme le prévoit la constitution. Une fois encore, et malgré la détermination du peuple à changer le régime corrompu tenu par le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc), Paul Biya est déclaré élu président de la République. La vague de contestation ne change rien à la donne. Se rendant compte qu’il faut soigner le mal à la racine, l’opposition exige la mise sur pied d’un code électoral crédible et la création d’un organe indépendant qui se chargera d’organiser le processus électoral. C’est alors qu’Augustin Kontchou Kouomegné, alors ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement monte au créneau. Lors d’une conférence de presse, il indique clairement que le Cameroun mettra sur pied un système électoral « made in Cameroon », unique en son genre. Lors des législatives et des municipales qui suivent, les fraudes électorales atteignent le seuil de l’intolérable. Des votes multiples sont dénoncés ici et là. Des cartes électorales portant des noms des personnes décédées sont utilisées par des vivants pour bourrer les urnes. Dans le département de la Mifi, un chef traditionnel s’en fuit dans la forêt sacrée avec des urnes qu’il bourre par la suite, dans le seul souci d’attribuer la victoire au Rdpc. Les préfets et sous préfets participent à la manœuvre, en utilisant la force publique pour terroriser les scrutateurs de l’opposition. C’est cela le système « made in Cameroon » que promettait le porte-parole du gouvernement. 
Dans la foulée, et face à la pression des bailleurs de fonds, Paul Biya met sur pied l’Observatoire national des élections (Onel) dans les années 2000. Mais très tôt, l’on constate que ce n’est que la manifestation d’une imposture. Car le président de cette institution n’est personne d’autre d’Enock Kwayep, un membre du parti au pouvoir. A sa mort, il est remplacé par François-Xavier Ngoupeyou, un autre « camarade » du Rdpc. L’opposition ne lâche pas prise. La communauté internationale est appelée à la rescousse. Restant dans la logique du dilatoire, Biya créé un nouvel organe : Elections Cameroon (Elecam). Mais, coup de tonnerre, son président, Samuel Fonkam Azu’u nommé par le chef de l’Etat est un membre influent du Rdpc. Pis d’autres membres telles Dorothy Djeuma et Cécile Bomba-Kolo sont membres du comité central du parti au pouvoir. Face à la contestation populaire, ces derniers se contentent d’annoncer leurs démissions du parti au pouvoir.

Adieu l’alternance démocratique !

6 novembre 1982 - 06 novembre 2012: 30 ans au pouvoir. Comment Paul Biya a dompté les Camerounais


Le 06 novembre 2012 c’est demain. Et demain, le chef de l’Etat, Président de la République du Cameroun qui a déjà 79 ans sonnés, aura passé 30 ans au pouvoir. A cela, si on ajoute sept années de séjour à la Primature, en clair, tour à tour, premier ministre, puis président de la République, depuis 1975, le chef de l’Etat, Paul Biya occupe les hautes cimes de la souveraineté nationale. Mais quelle longévité aux affaires… Que dire des retombées. La moisson n’est pas abondante. La longévité à la magistrature suprême de Paul Biya, ne fait pas bon ménage avec les ressources générées. Les provisions ne sont pas en adéquation avec les efforts et les sacrifices consentis par les Camerounais. A longueur de journée, l’on scande la paix, alors que le panier de la ménagère est vide, les injustices et les inégalités sociales sont nombreuses, le drame de la misère noire est perpétuel et indescriptible dans les foyers. Les riches et les gueux (qui s’amoncellent tous les jours), se côtoient à distance, le taux de chômeurs connaît un accroissement exponentiel, les syndicats du crime et les gangs de malfrats sèment à tout vent et dans l’impunité, l’insécurité et la peur dans les villes… Les scènes atroces (à travers lesquelles, le rendez-vous avec la mort est récurent), sont en nette augmentation dans les institutions hospitalières. Vivant renfermé dans son palais d’Etoudi, sourd aux appels des populations qui s’encrassent dans la misère galopante. De hauts lieux de la souffrance et de la perdition se comptent par centaines. Et pourtant, le peuple hurle sa colère qui, malheureusement, se brise sur le mur de l’indifférence d’une élite régnante, aveuglée par les privilèges venant du prince. 

Mais que peut-elle, cette bureaucratie administrative, invitée sur la table, pour manger et se taire, au risque d’être mangée par le régime du « Renouveau » qui, à travers l’opération Epervier, n’éprouve aucune gêne à anéantir les « dragons » qu’il a lui-même engendrés. Trois décennies durant, le locataire d’Etoudi, n’est pas parvenu à sortir le Cameroun de « l’anormalité », du « tout est possible ». Les affidés et courtisans du régime, rusent jusqu’à l’usure et l’inconscience de la démocratie, de la bonne gouvernance et de l’alternance. Trois décennies durant, le père du « Renouveau », dans sa propension à cristalliser, raffermir et radicaliser son pouvoir, s’est construit une camisole de sécurité ; mieux, un labyrinthe où, les stratégies personnelles de conservation de pouvoir, priment sur les lois de la République. Trois décennies durant, « l’homme lion », a densifié les opérations de charme et les actions allant dans la promotion du loisir qu’il a données en opium à son peuple. Les lions indomptables dont on a vendu au prix fort, ses victoires et conquêtes, mais dont nul ne veut être aujourd’hui comptable du naufrage ; la libéralisation sauvage et incontrôlée des espaces de loisirs, les cercles religieux, les jeux du hasard, les sectes magico-sataniques… L’avalanche des strates de la déchéance et de la décadence est déplorable. Par l’usure, l’installation de la peur, Paul Biya a réussi à instrumentaliser et même à infantiliser les « forces » de l’opposition en brisant toutes les velléités et les ailes de prise de pouvoir par les élections fiables et transparentes. La même arme a été utilisée pour rendre les intellectuels et les universitaires (qu’il a préalablement affamés par les baisses drastiques de salaire), impuissants, improductifs et inefficaces. Tous se battent dans la périphérie, pour des strapontins ministériels. 

Dans quelques jours, quelques heures peut-être, les rideaux vont s’ouvrir sur les aspects festifs de l’évènement. Les spécialistes de la propagande d’Etat et de l’allumage des feux d’artifices, vont confisquer les colonnes des journaux et les ondes de l’audiovisuel pour dire des louanges au désir d’éternité de Paul Biya à la magistrature suprême. N’entend-on pas déjà, des voix s’élever demandant au président de se représenter en 2018. Toujours à l’écoute du peuple, le chef de l’Etat Paul Biya, malgré ses trois décennies de magistrature suprême, continue d’être « d’attaque ». Ce ne sont pas des projets, des prospectives qui manquent dans ses discours. Fondé en 1979, Le Messager (33 années d’existence), est de la même génération que le temps de règne de Paul Biya. Qui mieux que l’organe de presse indépendant le plus ancien du Cameroun, celui-là qui a vu l’enfantement, les premiers pas et balbutiements du régime du « Renouveau », pour évaluer la longue marche ? Dans une analyse sans concession des 30 années au pouvoir de Paul Biya, voici la part du Messager. Bon anniversaire, M. le président de la République. 

Souley ONOHIOLO 

Main basse sur les institutions: L’escroquerie de la Tripartite et de la Constitution de 1996 

D’abord partant pour la mise en œuvre des résolutions de l’accord passé avec la société civile et l’opposition dont la loi fondamentale lui a donné corps en 1996, Paul Biya s’est vite rebiffé après l’orage. Démontrant que ces concessions visaient juste à juguler la grogne sociale. 

Fin d’année 2007. Paul Biya annonce sur France 24 que la question de sa candidature en 2011 est lointaine. Le président camerounais en poste depuis 1982 se débine ainsi devant une question cruciale : faut-il faire sauter le verrou de la limitation des mandats présidentiels autant que ses pays voisins. De nombreux commentateurs politiques pérorent encore sur cette feinte de l’Homme-Lion, lorsque quelques jours après quelques élites de la Lekié (Essimi Menye, Henri Eyébé Ayissi, Ndongo Esomba etc.) profitent de la célébration des 25 ans de règne sans partage de Paul Biya pour lancer ce que le quotidien Cameroon Tribune financé par le régime de Yaoundé baptisera « l’appel de la Lékié », laquelle implore le chef de l’Etat de se présenter à la présidentielle de 2011 malgré la limitation du mandat. L’affaire est réglée comme sur du papier à musique. Quelques relais du Rassemblement démocratique du peuple Camerounais (Rdpc), avatar de l’Union nationale camerounaise (Unc), ex-parti unique, amplifient l’appel de la Lékié. Des marionnettes qui font partie du décor du régime despotique de Yaoundé forcissent le message. Françoise Foning, Jacques Fame Ndongo, Grégoire Owona… montent au créneaux pour demander la déification de leur « créateur » 

Le débat enfle. Mais quelques candides croient, comme l’a affirmé Paul Biya, que le sujet de la présidentielle de 2011 est lointain. Et puis coup de tonnerre… Au cours du discours de fin d’année prononcé le 31 janvier 2007, le président de la République manifeste sa volonté de procéder à une modification constitutionnelle. Dans la ligne de mire, l’article 6, paragraphe 2 qui stipule que le président de la République est élu pour 7 ans renouvelables une seule fois. Il est le seul Camerounais que cette disposition constitutionnelle élimine de la course de 2011. Mais le Prince de Mvomeka’a semble frappé d’amnésie. Cet arrangement de la loi fondamentale promulguée le 18 janvier 1996 est le fruit d’un modus vivendi passé avec la société civile et les partis de l’opposition en novembre 1991 au cours des assises de la Tripartite. Paul Biya n’en a cure. Pis, il s’en beurre. Il n’attendra pas longtemps pour préparer un avant-projet de loi qui attend dans les tiroirs, l’ouverture de la session parlementaire la plus proche. C’est celle de mars 2008. Nonobstant les émeutes de fin février, les hurlements de la société civile, la protestation de l’opposition, le président procède au hold-up constitutionnel redouté. La loi fondamentale qui ne se met encore que « progressivement » en place est éventrée. Le « Créateur et maître » de Jacques Fame Ndongo et autres Grégoire Owona est rééligible. Le Roi Biya vient de remettre à plat un accord historique passé avec son peuple au plus fort des villes mortes. Les Camerounais découvrent une autre facette de celui qui ne sait pas ce que donner sa parole veut dire. 


Décentralisation 

Cette volteface est jugée normale par ses supporters. Ils se souviennent que c’est un genou à terre que Paul Biya dû concéder au peuple, une Constitution futuriste. Laquelle prévoit un conseil constitutionnel, un parlement bicaméral, la déclaration des biens et avoirs, la limitation des mandats présidentiels… Mais le brave homme n’a jamais consenti à les mettre en œuvre. Et pour cause, analysent les politologues, il redoute que l’implémentation de ces dispositions soit catastrophique pour son projet de se maintenir au pouvoir à vie. Mais afin de donner du change à ceux qui pourraient le taxer de bourreau de la constitution, le Prince fait mettre en œuvre au petit trot quelques mécanismes constitutionnels. Il en est ainsi du processus de décentralisation, dont les textes d’application sont pris seulement en 2006. Mais les collectivités autocentrées cherchent encore comme l’étoile du berger, le jour où elles seront autonomes. A un niveau un plus haut, on a attendu plus de 12 ans pour que les provinces deviennent régions. Jusque là, l’on n’a pas franchi la ligne de la simple dénomination et donc, les gouverneurs, dépositaires du fouet de la répression restent en poste. La chambre des Comptes de la Cour suprême fonctionne cahin-caha. Ses recommandations et ses rapports sont snobés par les comptables publics. La déclaration des biens est suspendue à une déclaration du chef de l’Etat qui doit créer la commission chargée de recenser les biens et avoirs de gestionnaires des crédits publics. 

Ainsi, les accords issus de la Tripartite d’abord pris en compte pour mettre sur les rails la démocratie avancée puis apaisée ont tous ainsi été balayés de la main pour permettre au Souverain de Yaoundé de rester en poste. Un peu comme pour donner corps aux chants, de cette foule enivrée par l’alcool qui, au passage du cortège présidentiel reprennent : « Paul Biyaaaaaaaaaaaa ! Encore 100 ans ». 

Rodrigue N. TONGUE 

Focal: Le contexte historique 


L’année 1990 marque le début du processus démocratique camerounais avec la création d’une " Coordination nationale pour la démocratie et le multipartisme " qui vaudra à Me Yondo Black, ancien bâtonnier et à plusieurs personnes d’être arrêtés pour sédition, subversion, affront au chef de l’Etat en février 1990. Leur procès devant le tribunal militaire de Yaoundé en mars donnera lieu à une première mobilisation du barreau camerounais pour soutenir autant les accusés que leurs revendications. 

Malgré le refus officiel du multipartisme, John Fru Ndi lance en mai 1990 à Bamenda, le Social democratic front (Sdf) lors d’une marche dont la répression cause la mort de 6 personnes. Dès le 3 juin 1990, la Conférence épiscopale camerounaise publie une lettre pastorale qui critique ouvertement le pouvoir. Le 4 juillet 1990 enfin, le président Paul Biya accepte d’abandonner le monopole politique exercé par le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (Rdpc). Une commission de révision de la législation sur les libertés publiques est créée par décret le 21 juillet. Dès le mois de décembre 1990, l’Assemblée nationale adopte une série de lois parmi lesquelles une loi sur la liberté d’association et de création des partis politiques. 

Ces mesures de libéralisation n’empêchent pas le pouvoir de procéder à de nombreuses arrestations d’opposants. A partir de mars 1991, dans la foulée de l’intense mobilisation populaire provoquée par les procès, sont lancées les opérations « villes mortes » qui paralysent la vie économique du pays pendant 6 mois. Ces opérations sont combinées avec une désobéissance civile afin d’obtenir l’organisation d’une Conférence nationale souveraine (Cns). Les jeunes partis d’opposition et ces groupes se coalisent dans la Coordination nationale des partis de l’opposition et associations (Cnpoa), vite interdite. 

Dès le mois d’avril 1991, les opérations « villes mortes », les émeutes et les manifestations s’étendent à l’ensemble du pays. Pour tenter de résoudre la crise politique, le président Biya rétablit le poste de Premier ministre, annonce des élections et une réforme constitutionnelle. Devant l’ampleur des mobilisations, un état d’urgence de fait est instauré avec la création en mai 1991, du « commandement militaire opérationnel » en vue de pacifier le pays. Paul Biya ayant annoncé les élections législatives pour le 16 février 1992, le Premier ministre Sadou Hayatou ouvre le 30 octobre 1991, la conférence tripartite gouvernement-opposition-société civile destinée à définir le cadre électoral et l’accès aux médias publics. L’opposition se divise entre les partisans du préalable d’une conférence nationale et ceux qui sont favorables à une participation immédiate à la compétition électorale. 

Celle-ci se tient le 1er mars 1992. Elle est boycottée par l’opposition radicale regroupée autour du Sdf. Le Rdpc, l’Undp (Union nationale pour la démocratie et le progrès de Bello Bouba Maïgari), le Mdr (Mouvement pour la défense de la République) et une aile de l’Upc se partagent les 180 sièges du Parlement avec respectivement 88, 68, 18 et 6 députés. Le 26 avril 1992, un nouveau gouvernement Rdpc-Mdr est formé avec à sa tête Simon Achidi Achu. Le 11 octobre 1992, des élections présidentielles sont organisées. Paul Biya est réélu officiellement avec 39,9 % des voix, contre 35,9 % pour J. Fru Ndi et 19,21 % pour B. Bouba Maïgari. Le pouvoir est accusé de fraudes par l’opposition et la validité des élections est mise en doute par une Ong américaine de scrutateurs, le « National Democratic Institute ». Des émeutes éclatent dans le Nord-Ouest où l’état d’urgence est proclamé, des leaders de l’opposition radicale sont arrêtés ou placés en résidence surveillée (cas de J. Fru Ndi). Dans le même temps, le gouvernement s’ouvre à l’Upc et à des dissidents de l’Undp. Le 18 janvier 1996, en période de campagne électorale pour les municipales, l’Assemblée nationale vote enfin la loi n° 96-06 portant révision de la Constitution du 02 juin 1972. Le scrutin municipal a lieu le 21 janvier 1996. A l'échelle nationale, le Rdpc est largement vainqueur, même si les partis d'opposition gagnent dans leurs fiefs électoraux. Ces victoires de l'opposition sont relativisées par la nomination de délégués du gouvernement dans les villes comme Douala, Bamenda, Garoua, Bafoussam, etc., ces nouveaux délégués possèdent en fait les pouvoirs d’un « super maire ». L'opposition réagit en lançant un mot d'ordre de villes mortes plutôt mal suivi. 

R.N.T Source : Sory Baldé -Université Montesquieu-Bordeaux IV

Succession au Cameroun: Les Américains inquiets pour l’après-Biya - L’ambassadeur Robert P. Jackson s’interroge


Mardi 09 octobre dernier, à l’occasion de la présence sur le sol camerounais de Pablo Rodriguez, responsable-Afrique centrale au département d’Etat américain, l’ambassadeur des Etats-Unis, Robert P. Jackson, a reçu aux environs de 19h30, du beau linge à sa résidence sise au quartier Bastos à Yaoundé. On pouvait reconnaître autour de la table, de brillants universitaires que sont Claude Abé, Mathias Eric Owona Nguini, Manassé Aboya Endong, des membres de la société civile comme Charles Ateba Eyene et Henriette Ekwe. 

Sous le prétexte d’un dîner, Robert P. Jackson souhaitait en réalité, indiquent nos sources, sonder ses convives sur l’après-Biya. Tour à tour, ses invités se sont prononcés sur ce qui, pour eux, pourrait constituer les scénarios plausibles. Globalement, les intervenants n’ont pas caché leurs inquiétudes. Au terme de leurs différentes interventions, il est apparu que les Camerounais ont pour la plupart, du mal à imaginer un passage de témoin dans la paix et la sérénité, quand bien même les dispositions constitutionnelles en la matière seraient mises en branle. 

Côté américain, même si cela n’a pas été dit en termes suffisamment explicites, l’on a bien senti comme une vive appréhension quant aux lendemains d’une éventuelle vacance ou de passage de témoin à la tête des institutions républicaines au Cameroun. De manière générale et sibylline, les compatriotes de Barack Obama qualifient désormais le contexte camerounais de «potentiellement explosif» et taxent le pays de Paul Biya de «pays à fort potentiel d’instabilité». Au cours de cet échange, personne n’a osé s’avancer sur le moment mais, l’on s’est plutôt intéressé à l’ampleur du séisme à venir. L’on s’est par ailleurs évertué à évaluer si au Cameroun, on assistera à un scénario calqué soit sur le «génocide rwandais», soit sur la «crise ivoirienne», soit sur la «guerre des Balkans» ou simplement sur un coup d’Etat. 

Alarmisme. «Cela n’est pas à exclure, la paix tant vantée au Cameroun peut basculer dans l’horreur pendant les moments de flottement s’il y en a. La Loi fondamentale se retrouverait ainsi à l’épreuve des ambitions personnelles, des batailles de clans ou des calculs mesquins. Mais l’attitude des Américains est pour le moins curieuse et suscite de nombreuses interrogations», commente un observateur averti de la scène politique camerounaise. Approché par La Météo, il s’interroge : «Pourquoi les Américains pensent-ils que l’avenir du Cameroun est forcément sombre ? Ont-ils de réels indices de perception d’un embrasement ? Ont-ils fait des propositions pour éviter ce sinistre scénario, au nom des liens solides d’amitié qui lient le Cameroun aux Etats-Unis ?» Et de s’impatienter : «C’est peut-être eux-mêmes qui vont allumer ce brasier». Pour corroborer son propos, un autre interlocuteur conclut : «Il y a comme une sorte de fixation sur l’après-Biya de la part des Américains. On dirait qu’ils sont certains que le président de la République ne va pas achever son magistère. Pourquoi n’osent-ils pas envisager le genre de scénario où Paul Biya aplanirait toutes les divergences avant son départ». Et pour Sandeau Lomtiti, journaliste : «Pourquoi les Américains s’inquiètent-ils tant ? Quels sont leurs intérêts au Cameroun ? Derrière ce regain de sentimentalisme, ne cachent-ils des ambitions inavouées ?». 

A l’observation, ce n’est pas la première fois qu’un diplomate américain piaffe d’impatience à propos du devenir du régime Biya. Bien avant Robert P. Jackson, les ambassadeurs Frances Cook, Niels Marquadt et la très indiscrète Janet Garvey, avaient envisagé en leur temps, une météo politique trouble au Cameroun. Seulement, tel un roseau qui se tord sans rompre, le président Paul Biya a toujours su faire face à toutes les crises qui ont émaillé son magistère. Evitant au Cameroun des bains de sang, l’anarchie et la balkanisation. Depuis son accession à la magistrature suprême le 06 novembre 1982, il a œuvré pour la culture de la paix et le respect des valeurs républicaines. Et progressivement, le fils de Mvondo Assam dote le Cameroun des mécanismes politiques et institutionnels solides, dignes d’une démocratie. D’ailleurs «L’homme Lion» a déjà rendu public son testament. Sur Radio Monte Carlo (Rmc) en 1989, il déclarait devant Yves Mourousi : «Je voudrai qu’on garde de moi l’image de celui qui a apporté la démocratie et la prospérité à son pays». C’est tout dire.

A quand l’alternance au Cameroun?


Analyse politique de la confiscation du pouvoir par l’homme du 6 novembre 1982.


Le politologue, chercheur à la Fondation Paul Ango Ela de géopolitique en Afrique centrale (Fpae) esquisse ici une analyse politique de la confiscation du pouvoir par l’homme du 6 novembre 1982.
Qu’est-ce que ça vous fait de voir des Camerounais célébrer le 6 novembre pour la 30e fois d’affilé ? 
Je ne crois pas que l’on puisse véritablement affirmer que les « Camerounais » célèbrent le 6 novembre ou même qu’ils ont déjà eu à célébrer cette date. Le 6 novembre, c’est la fête du président de la République et du Rassemblement démocratique du peuple camerounais, attendu que ce dernier constitue le prolongement de l’Unc. En fait, le 6 novembre 1982 marque la transmission néopatrimoniale du pouvoir présidentiel d’Ahmadou Ahidjo à Paul Biya. La transition néoconservatrice du 6 novembre avait débouché à l’époque sur une crise aiguë entre le nouveau président et l’ancien ; laquelle crise a connu son point critique le 6 avril 1984 avec la tentative de coup d’état orchestrée par l’ex garde républicaine. 
Lorsqu’on sait que ce fameux 6 novembre de nombreux observateurs ne donnaient pas chère de la peau du président Paul Biya, alors on peut comprendre l’engouement et l’excitation qui entourent la célébration du 6 novembre 1982 chez les adeptes du Renouveau. 
Seriez-vous quand même de la fête ? 
Bien sûr que non. 
Pourquoi ? 
Y a-t-il vraiment lieu de fêter ? J’aimerais savoir, qu’est-ce que nous fêtons au juste ? La sénilité d’un système définitivement et irrémédiablement ankylosé ? L’enkystement d’un régime complètement et parfaitement sclérosé ? Ou alors l’antiquité et l’hyper-longévité d’un hégémon présidentiel manifestement antédiluvien ? 
A l’orée de son mandat, Paul Biya annonçait la rigueur et la moralisation, 30 ans après il fait lui-même le constat que la corruption a fait son lit au Cameroun. Comment doit-on percevoir ce constat du point de vue politique? Le président se rend comptable de ce bilan ou alors accuse-t-il son entourage ? 
Déjà, l’expression « rigueur et moralisation » n’est pas une invention du régime de Biya. En réalité, la rigueur et la moralisation figuraient déjà dans les résolutions du congrès de l’Unc de 1980 ; c’est-à-dire bien avant l’arrivée du président actuel à la magistrature suprême. Faites un tour aux archives nationales du Cameroun, et vous vous en apercevrez. Si vous voulez il y a, pêle-mêle, des expressions de ce type dans les dernière déclarations de politique générale du président Ahmadou Ahidjo. Je vous surprendrai peut-être en vous disant que même le vocable « renouveau » ne constitue pas une invention du président actuel. Cela figurait déjà dans les déclarations et discours du président Ahidjo. En fait, si vous lisez le discours d’investiture du président le 6 novembre, vous vous rendrez compte qu’il affirme lui-même qu’il ne fera que suivre les traces de son « illustre prédécesseur ». Et ça se comprend lorsqu’on situe cela dans le contexte. Non seulement, le président Biya venait d’« hériter » contre tous les pronostics de la présidence grâce au président Ahidjo ; mais bien plus, il doit toute sa carrière politique, de son premier poste de chargé de mission à la présidence de République à celui de premier ministre en passant par ceux de directeur du cabinet civil et secrétaire général à la présidence, au président Ahidjo. 
Ces précisions faites, je ne peux que souligner positivement le fait que le président de la République reconnaisse que la corruption au Cameroun est systémique. Il reste cependant que c’est un mea culpa fort tardif. Qui ne se souvient pas que ce dernier ait réclamé les preuves au moment où son ministre lui présentait une liste des baleines prévaricatrices de la fortune publique. Cette négligence grave est sans doute l’une des explications conjoncturelles les plus pertinentes du délitement corruptif de la classe politique camerounaise. Pour revenir au slogan rigueur et moralisation, on voit bien qu’il est aux antipodes de la politique managerielle et gestionnaire du président de la République du Cameroun. 
Évidemment, le système gouvernant étant présidentalocentré, on s’est arrangé au niveau du collectif bureaucratico-présidentiel pour que la vérité unique soit la suivante : « ce n’est pas le président, c’est son entourage qui est mauvais ». Ce régime de vérité (au sens foucaldien) façonne, construit et structure chez les gens ordinaires une perception erronée de la réalité. Ce régime de vérité opère et obère de façon insidieuse. Si on ajoute à cela la présidentolatrie et l’anthropomorphisme déificateur du président, on obtient un système gouvernant où le président est blanchi de ses cafreries. Ca ressemble en droit au contresign. 
Est-ce cette capacité qui a fait parler de moins en moins d’un programme de société pourtant pavoisé au départ ? 
Vous n’avez pas tord de souligner que le programme de société du président était pavoisé au départ. Encore que même aujourd’hui, du point de vue de sa formulation idéologique (libéralisme communautaire), il est encore intéressant pour le Cameroun. Le problème c’est l’impraticabilité et la non-mise en sens de ce projet. Mais bon ! Il appert depuis longtemps que ce programme n’avait jamais été conçu pour être mis en pratique. 
L’incapacité à implémenter la rigueur et la moralisation explique-t-elle le changement de ligne ; en opérant autour des grandes ambitions ou des grandes réalisations ? Où simplement le chef de l’Etat fait des changements en se branchant sur l’ère du temps ? 
Le changement dont vous faites état doit être analysé de façon bivalente. Parce qu’en fait, de changement, il n’y en a pas. D’après la rhétorique présidentielle, les grandes ambitions ou les grandes réalisations sont sensées se dérouler dans le cadre de la rigueur et la moralisation. Et donc de ce point de vue, il n’y a pas vraiment changement dans la stratégie de la formation gouvernante. En revanche, on peut valablement lire les chantiers actuels comme une tentative de réponse de la formation gouvernante aux critiques légitimes qui lui sont régulièrement faites sur son inertie. 
Sur le plan institutionnel, ses supporters mettent à son actif la démocratisation et donc la libéralisation survenues au tout début des années 1990. Etes-vous de cet avis ? 
Soyons un tant soi peu sérieux ! L’avènement du pluralisme politique au Cameroun est la résultante des mobilisations multisectorielles des années 1990 et du discours du président français François Mitterrand, tenu en 1990 à la Baule et où, à l’occasion d’un sommet international de francophonie, il a intimé aux chefs d’Etat africains d’aller vers la démocratie et le libéralisme. D’ailleurs, il est intéressant de noter que le nôtre a réussi à éviter une conférence nationale souveraine, qu’il a estimée « sans objet ». 
Le président aurait-il pu ne pas céder à la pression qui venait tous azimuts en 1990 au sujet de la libéralisation ? 
Ce n’était pas possible. Pour être clair, la libéralisation du jeu politique et le pluralisme politique se sont faits contre la volonté de l’hégémon gouvernant actuel. On se souvient que même des dirigeants plus autoritaires que lui comme le président Mobutu, ont fini par libéraliser à contre-cœur le jeu politique. En fait, s’il n’y avait pas eu les morts de Bamenda, les mobilisations multisectorielles de 1990 et le discours de la Baule (dans un contexte de chute du mur de Berlin), nous serions encore au parti unique. Mais une fois que l’ensemble des forces sociales avaient été déchainées, et comme elles bénéficiaient du soutien international, il était devenu absolument impossible pour le président actuel de conserver un système gouvernant monolithique. 
En concédant le retour au multipartisme, la Tripartite, et à la réforme constitutionnelle de 1996, Paul Biya a pu néanmoins garder la main. Alors qu’au sein de son parti, on estimait que ces concessions pouvaient faire basculer le pouvoir. Quelle a été sa recette pour tirer son épingle du jeu ? 
Il y a un agencement d’explications. Déjà, le président a réussi à obtenir à la place de la conférence nationale souveraine réclamée (et obtenue dans de nombreux pays africains) la tripartite. Bien plus, cette fameuse tripartite a été noyauté sur deux plans. Non seulement la constitution de 1996 dont vous faites état a été tronquée par rapport à celle qu’avaient proposée ses rédacteurs (Cf. Joseph Owona), mais le régime est parvenu à discréditer certaines figures de proue de la contestation sociale, à l’instar de Lapiro de Mbanga, suspectée d’avoir touché un pot de vin de l’exécutif. Dans un livre qui lui est consacré par son neveu l’ex-patron des services sécrets camerounais Jean Fochivé donne de plus amples déclarations sur comment ils ont pu rendre ce procédé opérant. Ensuite, les concessions que le président a faites lui ont permis de regagner en crédibilité sur le plan intérieur et international. Et enfin, il y a l’assignation à résidence de M. Fru Ndi, qui, selon toute vraisemblance, a gagné les élections présidentielles de 1992. J’en profite pour souligner que l’armée et la police, manifestement privatisées, ont joué un rôle prééminent dans la conservation du pouvoir du président Paul Biya dans cette période. Un élément d’explication supplétif, c’est que le président à l’époque pouvait se targuer de ne pas être au pouvoir depuis longtemps à l’instar d’autres comme Mobutu ou feu le président Bongo. Rappelons-nous qu’en 1990 il n’avait que huit ans de règne et venait d’essuyer la tentative de coup d’Etat de 1984. 
Sur le plan purement politicien, on l’accuse d’avoir obtenu la peau de tous ses opposants. A l’instar de John Fru Ndi, Bello Bouba, Issa Tchiroma … 
J’en conviens. Même s’il faut relativiser ces propos s’agissant de M. Fru Ndi. Ce que le président a surtout réussi c’est la disqualification des leaders de l’opposition qui apparaissent pour beaucoup de Camerounais aujourd’hui comme corrompus, incompétents, antidémocrates. Bref, il a réussi à faire croire à une partie substantielle de la population qu’il est le moins médiocre des hommes politiques camerounais. L’autre élément de vérité c’est qu’après 1992, 1997, puis 2004, les leaders de l’opposition ont définitivement compris qu’ils ne pourraient jamais gagner des élections présidentielles, étant donné les divers mécanismes de corruption électorale. A cela, il y a des querelles de leadership et des querelles de personnes vraiment inopportunes pour l’édification d’une démocratie au Cameroun. 
Ces pratiques de déstabilisation de l’opposition font-elles partie de l’anti-éthique politique ? Si tant est qu’il y a une morale en politique ? 
L’éthique politique c’est bien pour les départements de science politique et de philosophie. Là-bas les étudiants pourront apprendre d’Aristote et de Platon ce qu’est le bon gouvernement et le mauvais gouvernant. Plus sérieusement, la question qu’il faudrait plutôt se poser c’est de savoir si ces pratiques font partie de la pratique politique dans les systèmes démocratiques. Dans l’absolue, la réponse est positive, étant donné que la finalité de la pratique politique n’est pas seulement d’améliorer les biens communs, mais de conquérir le pouvoir et le conserver. Maintenant, l’autre question c’est le conquérir comment et le conserver comment ? Déjà il y a un sérieux problème puisque le président de la République n’a pas reçu le pouvoir du peuple, mais du président Ahidjo. Ensuite, il n’a pu le conserver que par des brutalités mortifères à l’encontre de la société et de l’opposition. C’est en cela que ces pratiques sont immorales et antidémocratiques. 
Le Cameroun se porte mal dans tous les points. L’économie est au poids mort. La culture en hibernation. L’activité sportive bégaie. Le système de santé est de plus en plus déliquescent. La corruption a touché le sommet de l’Etat. Le repli identitaire est exacerbé. Mais Paul Biya reste en poste et en veut certainement encore. C’est quoi sa recette ? 
Sa recette est constituée de deux ingrédients principaux : la corruption et les forces armées. Par la corruption, le président de la République a caporalisé l’ensemble des élites politiques camerounaises ; surtout son camp. Ce qui fait qu’il tient chacun d’eux et chacun d’elles à son tour des sous-élites et ainsi de suite. Tout cela a fini par éventrer le corps social. Le système gouvernant au Cameroun s’est construit grâce et par la corruption. Il ne se reproduit et ne se pérennise que grâce et par l’essence corruptive. Sans la corruption, il ne pourrait tenir. C’est pour cela qu’il faudrait que les Camerounais parviennent à générer ce qu’Antonio Gramsci appelait les contre-élites. La Corruption est la case vide du régime Biya. En second lieu, le collectif bureaucratico-présidentiel (constitué de la formation dirigeante et du boss system) s’appuie sur la puissante machine de répression que constituent l’armée, la police et les services secrets. En fait, le système a engendré l’Etat-traumatisme, avec tout ce que cela comporte comme violences, dépeçages et tonton-macoutisation. La recette est constituée d’un subtil mélange de patrimonialisme et d’autocratie. 
Au bout de trente ans de règne sans partage et des élections entachées d’irrégularités et même de fraudes, les Camerounais sont fondés à songer enfin à l’alternance. Quelles sont les scénarii d’une transition pacifique selon vous ? 
Vous êtes sûr qu’il y aura transition ? Même en 2018 ou 2025, si le président est en vie et en santé, il est fort probable qu’il se représentera. Vous ne pensez tout de même pas qu’il commettra la même « erreur » qu’Ahmadou Ahidjo ? Et si par miracle il décide de ne pas se porter candidat, je doute que même là on parviendra à une transition pacifique. 
Lorsque vous observez la posture de tous les acteurs politiques camerounais. Pensez-vous comme le souhaite le peuple que le Cameroun réussira le pari d’une transition pacifique après une élection libre ? 
Hum ! C’est un vœu pieu. La lumpen bourgeoisie bureaucratique présidentielle fera tout que même en l’absence du président Biya le même système gouvernant se perpétue. Et au besoin sollicitera les services de l’armée. Dans ce cas de figure, on se dirigera vers une transition néoconservatrice, ce qui signifie qu’on changera de dirigeant, mais pas le système gouvernant. En d’autres termes, on retrouvera toutes pratiques que j’ai évoquées. Dans le second cas de figure, seule un mouvement social ou une révolution seront à même de conduire le Cameroun vers une transition où le dirigeant qui en sera élu sera l’émanation du peuple. Et même là, il est fort à parier que les choses ne se passeront pas pacifiquement. 

Entretien avec 
Rodrigue N. TONGUE



Dr Désiré Essama Amougou répond à GREGOIRE OWONA



Monsieur le ministre,
Je viens de terminer votre tribune libre sur Marafa Hamidou Yaya dans Cameroon Tribune, notre pravda nationale. J’ai lu votre texte avec stupeur, effroi et tristesse. Ainsi donc, il a suffit d’un simple… effleurement pour que vous bandiez… Les poignantes lignes épistolaires de Marafa ont eu le mérite de rompre avec fracas votre silence assourdissant. Et du coup, elles vous ont poussé à posséder subitement l’énergie phallique de ceux qui, revenus d’entre les morts (ce fut réellement votre cas), paraissent ne reculer devant rien.
Comme vous, je ne vais pas m’encombrer de nuances. Souffrez donc que je brise la loi du « politiquement correct » et, par-delà ses « outrances », pour lever le soi-disant « tabou » d’interpeler un ministre de la République sur la place publique. J’ai trouvé votre sortie haïssable dans le fond, dans la forme, et racoleuse parce que vous tentez d’exploiter cette affaire pour vous repositionner et redorer votre blason sur l’échiquier, quitte à renier le camarade et l’ami d’hier. Haïssable et violente enfin, pour ceux qui ne savent pas lire entre les lignes. J’y vois le soupir désespéré d’un apparatchik habité par la hantise de perdre le fruit de ses rapines.
Souffrez encore que je vous dise, à votre plus grand déshonneur, qu’en fait, votre tribune n’est rien d’autre qu’un réquisitoire incandescent dont le but ultime est d’attirer l’attention de votre créateur, surtout au moment où votre long silence devenait soupçonnable en haut lieu. Votre sortie est une véritable éructation viscérale qui vise à anesthésier les populations face à la gloutonnerie de votre régime. Nous vivons ce moment étrange de notre histoire où, pour être vertueux, pour être moral, pour être un type bien dans le système, il faut faire en sorte que la vérité n’affleure jamais.
Monsieur le ministre, le beau temps est terminé, y compris pour vous. Votre créateur est imprévisible et incontrôlable, ne vous étonnez pas d’être pris dans les serres demain. Surtout que vous n’êtes pas sans reproches ni taches… On se souvient, il y a quelques temps, des accusations d’autisme portées contre vous par ‘’le fou du roi’’, votre camarade du parti Charles Atéba Eyene, qui voyait en votre silence une collusion avec Marafa. Par le jeu des contrastes, vous prenez tout le monde à contre-pied comme d’habitude pour essayer de vous dédouaner. Hier c’était Jean-Jacques Ékindi que vous laissiez en rase campagne pour votre intérêt politique personnel, alors que vous animiez ensemble le courant progressiste au sein du RDPC à Douala. Aujourd’hui c’est Marafa. A qui le tour demain? Biya devrait se méfier du genre de personnes comme vous. Sachez cependant qu’une République et une démocratie ont besoin de vertu, de transparence, de cohérence et de convictions.
A travers vous, je dénonce l’imposture de cette coterie qui a fait de l’hypocrisie et du reniement son fonds de commerce. Ce qui m’indigne et m’écœure dans votre tribune, et sûrement avec moi des millions de Camerounais, c’est le parjure sur les faits. Avec les avantages et les honneurs de votre rang, vous avez le devoir et la responsabilité de reconnaître et de soutenir, par des actes institutionnels opportuns, ce qui compte vraiment. Malheureusement, à l’épreuve des faits, votre position ne vous amène même pas à réunir les conditions morales pour éprouver de la honte. Mais une question de fond demeure : Avez-vous jamais eu un code des valeurs? J’ai l’impression que non. Votre tribune s’apparente à un acte délibéré de mauvaise foi pour protéger votre beefsteak.
Il est intellectuellement et moralement inacceptable de tenir un discours aussi transgressif sur la réalité camerounaise que vous connaissez bien. Vous dites que le changement est en cours? Je veux bien vous croire. Mais de quel changement parlez-vous? Certainement dans la bêtise infinie ou dans la régression. 30 ans d’improvisation abyssale, trente années d’un règne épouvantable et improductif, trente années d’impudicités de tout ordre et de détournements faramineux des avoirs du peuple camerounais, ont fait basculer la majorité silencieuse dans une indigence absolue et scandaleuse.
Qu’avez-vous fait de ce pouvoir que le peuple vous a offert par défaut depuis 30 ans? Si ce n’est un ralentissement général sur tous les plans des années durant du Cameroun et la perpétuation du mal. Vous avez contribué pendant des années à bâtir une société inégalitaire, politiquement muette, bloquée, désemparée et démotivée.
Vous comprenez pourquoi la sidérante inculpation, puis la condamnation de Marafa Hamidou Yaya ne sont que l’arbre qui cache la forêt. Marafa est peut-être un délinquant économique dont la condamnation aurait été saluée dans un pays normal. Sauf que plusieurs autres membres de votre régime ont été pris en flagrant délit de kleptomanie, de prévarication, de concussion et autre passe-droits sans que la justice ne s’intéresse à eux. Pouvez-vous jurer la main sur le cœur que votre gestion des affaires est exempte de tout reproche? Que dire de votre patron Paul Biya, ou encore Ze Meka, Mebe Ngo, Mendo Ze - que je vous rappelle a été condamné par le très officiel Conseil de discipline budgétaire et comptable -, Akamè Mfoumou ou son célèbre muet de frère, Fouman Akame qui ne nous a toujours pas expliqué à ce jour où sont passés les milliards de sang du crash du Boeing de la Camair. Sont-ce des enfants de cœur? Comment pouvez-vous justifier cette politique de deux poids deux mesures?
Que dire du refus incongru de se soumettre à la loi, à l’instar de la déclaration des biens écrite noir sur blanc à l’article 66 de la constitution que votre propre parti, largement majoritaire à l’Assemblée nationale a initié et voté? Est-ce là des positions défendables? L’exemple ne vient-il pas d’en haut? Citez-moi un seul baron de votre régime qui l’a fait, à commencer par Paul Biya. Cela dénote de vos convictions démocratiques à géométrie variable. Vous avez peur d’être pris à votre propre piège.
Ce ne sont pas les fanfaronades d’un Issa Tchiroma Bakary, opposant d’opérette et bouffon de service à ses heures perdues, plusieurs fois pris en flagrant délit de mensonge qui y changeraient quelque chose. L’expérience a montré que votre justice à tête chercheuse choisit ses victimes parmi les plus audacieux d’entre vous. Pendant ce temps, de nombreux autres parrains de la haute mafia étatique sont à l’abri des poursuites judiciaires. Apparemment, tant et aussi longtemps qu’ils ne vont pas lorgner le fauteuil du machiavel d’Étoudi, ils peuvent continuer à se pavaner et à se bronzer sur des croisettes avec l’argent spolié aux Camerounais.
Une autre question lancinante à laquelle vous aurez du mal à répondre est la suivante : L’argent débloqué après moult acrobaties pour l’achat du BBJ et de l’Albatros était-il justifié pour un pays en plein ajustement structurel? Qui a appris à couvrir les jongleries à ses collaborateurs pour son seul plaisir? Par quel processus bizarre certains d’entre vous qui prennent les devants aujourd’hui peuvent-ils justifier la fortune colossale qu’ils ont amassée? Nous nous rendons compte de guerre lasse, que vous n’êtes pas à la hauteur de l’œuvre, que nous avons remis le pouvoir à des professionnels politiques peu recommandables.
En véritables opportunistes avides de jouissances et de facilités, votre descente dans le ring, ne peut que tromper des naïfs. Enraciné comme vous êtes dans vos convictions et vos certitudes qui rendent toute autre logique inconcevable et inadmissible, l’affaire Marafa a secoué la République jusque dans ses tripes comme nulle autre affaire auparavant. La preuve, les bien-pensants comme vous, loin de bien lire le thermomètre social, préfèrent cautionner des méthodes honteuses et odieuses, dont on serait bien curieux par ailleurs de voir ce qu’elles donneraient si elles s’appliquaient à eux demain.
De votre fait, le pays est aujourd’hui dans l’impasse. Résultat: nous sommes face à un blocage explosif qui n’attend qu’une étincelle. Non, le pyromane n’est pas et ne sera certainement pas celui que vous dénoncez dans votre tribune, mais plutôt votre propre régime. Le ver est dans le fruit. Votre parti dominant s’est donné tous les moyens concrets de tout gagner et de tout contrôler. Son habileté diabolique aura su s’employer à alterner le recours à la menace, l’usage de la cooptation, la couverture des malversations et du blanchiment, sous l’affichage d’un multipartisme apparent et d’un dialogue avec l’opposition en trompe l’œil. Dans votre rapport à la société, le RDPC au pouvoir n’a de cesse de continuer de jouer de la menace à la paix, comme vous le faites maintenant. Pendant ce temps, vous continuez à accumuler des biens par le biais d’un affairisme extrême à tous les niveaux.
La vie politique n’a pas échappé à la corruption par l’argent. La cooptation et le ralliement politique se sont achetés comme à l’étalage. La prédation systémique est érigée en véritable mode de gouvernement. Loin d’être de simples dysfonctionnements ou de pures aberrations, cette situation se traduit pour la majorité des gens par une vulnérabilité et une subordination sociales extrêmes vis-à-vis du détenteur du pouvoir. Elle apparaît comme un moyen de chantage vis-à-vis des récalcitrants et une condition de la paix sociale.
Comme vous le savez, la farce des élections est délibérée et ne fait rien d’autre que l’anéantissement de tout rêve d’alternance par les urnes avec le viol grossier du suffrage universel, des libertés et le renforcement d’un pouvoir autoritaire et policier qui interdit les manifestations de l’opposition. A vous voir faire, il n’y a pas l’ombre d’une volonté de modernisation, mais plutôt une régression conservatrice qui est en permanence mise en œuvre.
Les institutions se sont délégitimées, le débat politique inexistant. Tous les principes moraux et politiques qui fondent une République exemplaire n’ont jamais existé. Sur le plan international, la diplomatie patauge, le pays est silencieux, sauf pour se gargariser d’une simple poignée de mains obtenue aux forceps à Kinshasa par le Président Biya à François Hollande. Chiche, pauvre Cameroun!
Architectes de toute les manipulations et manigances, la classe politique compte toujours les mêmes politiciens d’il y a 50, 40, 30, 20 ans ou leurs fils, neveux et nièces, etc. Il en est de même des oligarchies rentières, c’est-à-dire ces réseaux de familles d’hommes d’affaires qui raflent les richesses nationales grâce aux fraudes, ficelles et autres combines.
Comme les partis politiques, le syndicalisme est étouffé et réprimé. Dans les services publics moribonds, le favoritisme, l’opportunisme et la corruption tiennent lieu de référents. Le pouvoir d’achat des citoyens est en chute libre. En lieu et place d’emplois décents pour les jeunes qui se déversent chaque année sur le marché du travail, c’est plutôt l’incitation à la débrouille, à l’économie du marché noir ou au chômage, si ce n’est la feymania ou le grand banditisme.
Vous parlez d’une certaine presse instrumentalisée. Je comprends à ce sujet que vous ne supportez pas la présence et l’expression d’idées contraires aux vôtres. Savez-vous au moins l’importance d’une presse libre dans un pays? N’est-ce pas vous qui avez instrumentalisé et bâillonné la CRTV et Cameroon Tribune, des organes pour lesquels tous les contribuables camerounais payent des taxes, et cela, depuis des décennies? Les jours pairs, vous dénoncez une certaine presse et les jours impairs, vous recourez à elle pour faire passer vos messages soporifiques et propagandistes à la gloire du timonier national. Qu’est-ce que vous êtes pitoyable et comique!
Dans votre parti de tricheurs et de menteurs qu’est le RDPC, vous êtes prisonniers d’un esprit conservateur tellement sclérosé qu’il ne conçoit du pouvoir que la stagnation, incapables de faire face à la misère des populations. Malgré le portrait élogieux que vous faites du Renouveau pour vous donner bonne conscience, votre discours évoque le contraste existant entre vos déclarations et l’état nauséabond des lieux. Une misère insupportable.
Lorsque ceux qui gouvernent comme vous font la sourde oreille aux souffrances du peuple, et refusent de faire des concessions pour apaiser les frustrations, ils ouvrent la porte à la violence. Non, les Camerounais ont cessé de rêver. Dans un pays pris en otage par une horde d’insatiables invités à la noce, ce ne sont pas les lettres de Marafa qui vont soulever les masses. La haine et les rancœurs que la majorité des gens dans ce pays éprouvent pour votre système et ses promoteurs est aujourd’hui incommensurable. Ce sont ces frustrations accumulées à longueur d’années qui risquent condamner, tôt ou tard, le pays à une impasse tragique et occasionner des émeutes, devenues la forme d’expression rampante privilégiée dans un contexte d’immobilisme généralisé. La violence et la colère du peuple que vous semblez redouter aujourd’hui ne seront qu’un retour de bâton logique à toutes les souffrances et humiliations que vous lui avez infligées, contraignant nombre de Camerounais à la paupérisation et à l’exil.
Non content d’avoir saigné ce pays à blanc, vous voulez maintenant procéder à la manipulation des masses. Je comprends que vous ayez une peur bleue de la révolution, mais à moins d’un problème de compréhension de votre part, Marafa n’a jamais appelé à une insurrection dans sa cinquième lettre. Il a été clair: pas de violence. Par contre, souvenez-vous des événements de 2008. Le peuple meurtri s’était levé contre votre régime, en guise de réponse, vous l’avez réprimé dans le sang, tuant des centaines de compatriotes.
Monsieur le ministre, en politique, on a parfois besoin de personnalités hardies, pas seulement des béni-oui-oui. A défaut d’arguments convaincants, ayez au moins la décence de vous taire! Le fricotage avec la réalité ne paie pas à la longue. Vous venez de nous démontrer votre incapacité à vous élever. On dirait que le pouvoir de votre créateur a réussi à tous vous transformer, en une bande de pouilleux surexcités, moralement appauvris par l’abdication intellectuelle et les avantages factices qui étranglent, devant vos yeux, les enfants, les femmes, les jeunes, la vie dans l’insatisfaction, l’aliénation, la psychose et le chômage, sans que vous ne bougiez le petit doigt, aidant au contraire, à mieux écraser le petit peuple. Croyez-mi, ces problèmes fondamentaux méritent autre chose que vos imprécations.
Escamoter les réalités que connait le pays, c’est ne pas choisir le chemin de la vérité et faire le lit d’un soulèvement inéluctable. Or vous pouvez faire cesser beaucoup de ces dysfonctionnements en disant la vérité au Président Biya. Qui donc, à part vous qui êtes aux côtés du Prince, pourrait mieux lever le bouclier contre la barbarie institutionnelle qui nous écrase et nous dévore?
Malheureusement, vous vous affirmez au fil des jours comme des garants de l’immobilisme au pouvoir, plus soucieux de vos maroquins ministériels. Bien plus, vous vous montrez comme de sordides chacals, des vils, des goinfres courbés comme des chiens sur leurs bols, des quémandeurs qui n’arrivent pas à voir plus loin que le bout de leur nez et qui recourent à la fourberie pour arracher des morceaux de bouffe du corps agonisant d’une République en putréfaction.
Seulement monsieur le ministre, il y a un temps pour tout. Le vôtre est totalement révolu. Un monde nouveau approche. Votre créateur n’en a plus pour longtemps et où que vous serez après lui, on vous trouvera. Comme les autres vous aurez à rendre des comptes au peuple.
En attendant, apprenez donc à faire profil bas. Bien à vous!
Dr Désiré Essama Amougou
Médecin urgentologue
Hearst, Ontario (Canada)
dr.deesam@gmail.com