Marafa

Marafa
Le prisonnier légendaire du SED.

mardi 27 novembre 2012

Affaire Franck Biya: Le pouvoir à la peine


Des proches du président de la République tentent de faire croire que le fils de Paul Biya n’a pas spolié l’Etat de 100 milliards Fcfa. Après l’affaire des vacances onéreuses du président Biya à La Baule et celle des biens mal acquis imputés à la même personnalité, le scandale des 100 milliards Fcfa mettant en scène le fils du président de la République, Franck Biya, révélé par la presse (qui a relayé une information d’un collectif d’Ong dont l’existence légale est querellée) fait polémique au Cameroun et au-delà.
En fait, selon le collectif dénommé «l’Alliance pour la défense du bien public», Franck Biya, promoteur de l’entreprise Afrione Cameroon, a spolié l’Etat du Cameroun de la somme de 100 milliards Fcfa, en 2006, au détour d’une spéculation financière liée aux bons du trésor. Ce week-end, via Internet, des personnes réputées proches du Cabinet civil de la présidence de la République ont mis à la disposition de la presse un document qui proviendrait du ministère des Finances. Dans cette «riposte» titrée «Affaire Franck Biya : voici la version originale», l’on lit, au bout d’une démonstration détaillée, que « la transaction relative au paiement anticipé par l’Etat des titres Camtel, acquis par Afrione, s’est déroulée conformément aux règles de l’art en la matière à savoir, et à titre principal : abandon des intérêts échus ou à échoir et décote de la valeur faciale des titres ».
Une position défendue laborieusement par quelques artificiers de circonstance du régime sur les plateaux de radios et télévisions hier dimanche et jeudi dernier dans les colonnes du quotidien gouvernemental Cameroon tribune. Pendant ce temps, ni le directeur général d’Afrione, ni le président du conseil d’administration, en l’occurrence Franck Biya, encore moins les directeurs généraux de la Cameroon Telecomunications (Camtel) et de la Caisse autonome d’amortissement n’ont fourni des éléments d’explication sur ce scandale à l’opinion publique. Idem pour le directeur général de la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps), à l’époque des faits, également cité dans cette affaire manifestement scabreuse.
En revanche, le député Sdf, Jean Michel Nintcheu a déjà adressé une question orale au Premier ministre au sujet de ce scandale. Le parlementaire de l’opposition plaide pour la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire. Il invite du reste la Banque mondiale à conduire un audit sur le montage financier à problème. Quant à certains acteurs de la société civile, qui se sont exprimés sur la question dans les médias, ils souhaitent l’ouverture d’une information judiciaire afin que les responsabilités soient établies.
Le document en circulation qui défend Franck Biya
L’Etat et le Cameroon Telecommuncations (Camtel) ont signé le 26/01/2005, une Convention des dettes réciproques qui faisait ressortir un solde en faveur de la Camtel de Fcfa 80.745.769.018 après compensation.
Ce montant devait faire l’objet d’apurement suivant deux modalités : - Paiement en cash de Fcfa 24.000.000.000 par versements mensuels de Fcfa 200.000.000 à partir du troisième après signature de la convention. - Titrisation de Fcfa 56.745.769.018 conformément aux dispositions du Décret N°94/611/PM du 30 décembre 1994 portant réglementation de l’émission et de la gestion des effets publics négociables.
L’émission effective des 56.745 Obligations du Trésor à coupon Zéro (OTZ ou titres) se fera le 12 avril 2005 suivant les maturités et les échéances. Entre septembre 2005 et Août 2006, Camtel va procéder à deux types de transactions sur les dits-titres :
  1. Cessions primaires à divers acquéreurs de 21.345 litres.
  2. Nantissement au profit de la Cbc (1000 titres) et de sa filiale SFA Ingénierie de (34.400 titres)suivant correspondance adressés à la CAA en dates des 04 octobre, 24 octobre et 21 novembre 2005 par la Société Camtel pour exécution matérielle des opérations de nantissements portant respectivement sur 1000, 9400 et 25.000 OTZ pour une durée de 5 ans.
Par correspondance N°383 DG/DF/STR du 09 août 2006, Camtel opère le remboursement anticipé du Cmt objet du nantissement de ses titres par un paiement cash pour partie et par Lettre de garantie à première demande pour le solde de sa dette vis-à-vis Sfa.
Par lettre Camtel N°393/bis/DG du 18 août 2006, Camtel cède à Afrione Cameroon les 9400 titres susmentionnés. Suite à une demande de paiement anticipée des titres acquis, formulée par Afrione, le Minefi, le 02 octobre 2006, autorisera la transaction selon les modalités ci-après :
  1. Abandon total de la totalité des intérêts qui auraient dû être payés à l’échéance des titres. En effet s’agissant d’obligations à zéro coupon le principal et les intérêts sont normalement payés in fine.
  2. Décote de 30% de la valeur faciale des titres.
En définitive, le rachat par l’Etat (paiement anticipé) à Afrione des titres Camtel se présente comme suit en numéraire : 9 400 000 000 F CFA – 30% = 6 580 000 000 F cfa. Soit un gain pour l’Etat de 2 820 000 000 FCFA en valeur faciale.
Par rapport à la valeur des 9 400 OTZ à maturité (2014), soit 12 264 867 927 F CFA ; Soit une décoté totale de 46, 35%.

dimanche 25 novembre 2012

CHANTAL BIYA, POURQUOI LA PREMIÈRE DAME CROULE SOUS LE POIDS DES CRAINTES


Il ne fait plus l’ombre d’aucun doute que la fin du régime Biya est proche. A cet effet, l’épouse du chef de l’Etat, de plus en plus, s’interroge sur ce qu’il adviendra d’elle et de sa famille.
Que va-t-elle devenir ? C’est l’une des questions qui câlinent nos esprits dès qu'on envisage l’après Biya. D’aucuns soutiendront que le président laissera derrière lui une femme, cinq enfants et des comptes bancaires, pour assurer l’avenir de sa progéniture et de sa veuve. Ce serait toutefois avoir une vision étriquée et bâclée d’un avenir dont les contours demeurent obscurs. Que se passera-t-il au Cameroun au lendemain de l’empêchement définitif du président ? Même Paul Biya n'en sait rien. Si le pouvoir fait l’homme et sa cour, la perte du pouvoir les défait inéluctablement. Et quand on pense à la première Dame du Cameroun, on ne peut s’empêcher d’avoir un regard rétrospectif sur le 05 octobre dernier, lorsqu’elle a publiquement jeté la honte sur son mari durant les obsèques du frère aîné de ce dernier.
Nous avions alors, à cette époque, qualifié son attitude d’intolérable, car en mondovision, elle avait porté le discrédit sur l’image du chef de l’Etat. Et pourtant, une autre école a estimé que ce comportement rébarbatif et condamnable de Chantal Biya était prémédité, et même calculé. Elle avait, d'après cette école, raison d'exposer ainsi les turpitudes actuelles que rencontre son couple. En vouant aux gémonies les images que l’on avait encore dans nos têtes d’un couple présidentiel rentrant au Cameroun bras dessus bras dessous le 10 septembre 2012, elle a voulu nous prouver que tout cela n’était que de la poudre aux yeux et que le malaise au sein du couple présidentiel n’était pas feint. Non, pour elle, tout n'est pas pour le mieux dans le meilleur des mondes. Cet emportement stratégique visait à prendre les Camerounais à témoins quant aux jours pénibles qu’elle vit auprès de son mari, une pénibilité due aux multiples interrogations qu’elle nourrit quant à l’après Biya, pour elle et pour ses enfants. Notre première Dame est inquiète. Mais ses inquiétudes sont-elles légitimes ? Nous pensons que oui. Voici pourquoi.
Que Paul Biya évite Ban Ki Moon ne la rassure pas
Durant la 67ème assemblée générale des Nations Unies qui s’est tenue du 18 septembre au 1er octobre derniers, Paul Biya n’y a pas mis les pieds. Des supputations vont aller bon train quant à cette absence, mais personne ne semblera être surpris. On sait que Biya n’a jamais été friand de sommets. Et pourtant, si le président a évincé de son calendrier des activités sa présence à cette assemblée générale, c’est parce qu’il voulait absolument éviter Ban Ki Moon, le secrétaire général des Nations Unies. En effet, comme nous vous l’avions expliqué auparavant, Paul Biya avait promis au Sg de l’Onu que l’élection présidentielle de 2011 était pour lui la dernière, qu’il n’avait besoin que de peu de temps pour assainir le Cameroun et mettre résolument son pays sur les voies du développement. De ce fait, il avait donné sa parole à Ban Ki Moon de quitter le pouvoir 3 ans après le début de son septennat. Or, Paul Biya n’a pas l’intention de s'extirper de son fauteuil présidentiel.
Sachant que, notamment grâce à ses « sécurocrates », il tient le Cameroun d’une main de fer, il ne veut plus bouger. Comment pouvait- il donc se rendre à New York et regarder Ban Ki Moon droit dans les yeux tout en sachant que la promesse faite demandait déjà un début d’exécution ? Paul Biya n’est pas prêt à passer la main. Bien plus encore qu’il a brillamment réussi à passer indemne entre les mailles des filets des différents « printemps » qui ont secoué le continent à un certain moment. Le Cameroun n’aura pas connu ces turpitudes, Paul Biya ayant fait des pieds et des mains pour que nous ne soyons pas contaminés. Fort de cela, il sait que le vent de cette Perestroïka est passé pour le Cameroun. Or, Ban Ki Moon, à qui le président camerounais a fait des promesses, ne l’entend pas de cette oreille. Il souhaite ardemment que Biya tienne parole. C’est d’ailleurs pour cela que Ban Ki Moon a envoyé son représentant spécial en Afrique Centrale, Abou Moussa, le 19 octobre dernier, à la rencontre du chef de l'Etat.
Officiellement, l’entretien avait porté essentiellement sur les problèmes de paix et de sécurité en Afrique centrale, ainsi que sur les questions de l’intégration sous-régionale. Mais loin des discours policés qu’on a tenté de nous servir au sortir de cette audience, il nous apparaît que cette rencontre entre Abou Moussa et Paul Biya était pleine de sens. Car, le Sg de l’Onu, ayant compris que Biya tentait de le rouler dans la farine, a dépêché cet émissaire pour lui rappeler la teneur des engagements pris par lui. Chantal Biya, qui est au courant de toutes les manoeuvres déployées par son époux pour demeurer au pouvoir, même en flouant les grands de ce monde, s’en inquiète. La négociation d’une sortie honorable par Paul Biya, apporterait quelque gage de sécurité à la Dame d’Etoudi.
Rappelons-nous que Chantal Biya est une femme qui à 23 ans, soit le 23 avril 1994, est devenue l’épouse d’un chef d’Etat alors âgé de 61 ans. D’une certaine manière, son mari était encore fort et vigoureux, et il était prématuré pour elle de penser que les beaux jours qu’elle vivait tendraient inexorablement vers leur fin. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Les interrogations ont fait jour. Elle voit bien que la courbe de vie de son époux tire vers le sol. La donne a changé. Agé de 43 ans à ce jour alors que son époux flirte avec 80 ans (il est né en 1933), la Dame d’Etoudi sait qu’elle est encore jeune et qu’il lui reste encore du temps à vivre. Or, l’avenir est d’autant plus incertain pour elle qu’il l’est pour ses enfants. En effet, dans tout le sérail, on a compris que le dieu national allait bientôt tirer sa révérence et les luttes de positionnement font rage.
Elle n’a aucune visibilité (même son mari ne peut prévoir ce qui va se passer), alors que l’hyperpersonnalisation du pouvoir par son mari a débouché sur une opération d’épuration politique d’envergure. Nulle part dans le monde, cela ne s’est vu : embastillement de 4 ex secrétaires généraux à la présidence, d’un ex premier ministre, des ex ministres et directeurs généraux. Il est allé jusqu’à écrouer l’homme qui avait conduit sa femme à l’autel lors de son mariage avec Chantal : Dieudonné Angoula, mort depuis lors en détention. Paul Biya qui sait pertinemment qu’il va s’accrocher au pouvoir jusqu’à ce que mort s’en suive, sait que ses actions auront des répercussions politiques dramatiques dans un futur proche ou lointain. Sa femme, qui est tous les jours à ses côtés, le pressent.
Comme pourchassé par son karma, il faudra bien qu’il paye. Or, s’il n’est plus de ce monde, quels sont ceux qui deviendront les cibles privilégiées des conséquences de cette épuration du « Nnom Ngui » ? Nul doute que l’attention va se porter sur sa femme et ses enfants. En effet, cette personnalisation exacerbée du pouvoir par Paul Biya laissera des séquelles graves, et laissera béante des rancoeurs qui ne se refermeront qu’une fois la vengeance consommée. Pour les familles des victimes de cette épuration politique qui voient la main de fer du président derrière ce processus, il y a des risques que sa famille devienne le destinataire phare de toutes les rancunes accumulées pendant le règne de son époux. Chantal Biya a donc raison de ce fait de craindre pour son futur et celui de ses enfants. Ces rancoeurs peuvent en effet ouvrir le champ à des règlements de compte.
On se rappelle ce qu’a vécu la famille de Mobutu Sesse Seko dès sa déchéance en 1997. Ce nom à lui seul n’était plus en odeur de sainteté avec les populations. Les victimes du défunt « roi » du Zaïre vont même, pour la présidentielle de 2006, alors que l’un des fils Mobutu (François Joseph Nzanga Mobutu) guettait le pouvoir suprême, le menacer d’une forme d’Al- Qaeda s’il ne se retirait pas. Ce destin pas pour le moins reluisant plane aussi sur les enfants de Biya, du fait de la gestion de leur père, considéré à bien des égards par une certaine mémoire collective comme un fossoyeur national à la mémoire de qui on demandera des comptes. De plus, ces ex caciques devenus pensionnaires de l’espace carcéral ne sont pas des petits poissons. On parle de proches collaborateurs du chef de l’Etat, qui sont au courant des informations auxquelles nous ne pensons même pas encore.
Quand le vrai grand déballage va commencer, chacun de ces gens ayant presque toujours des cadavres dans le placard, les scandales déclenchés risquent d’éclabousser aussi Chantal Biya.
La faiblesse de nos institutions lui fait froid dans le dos
Le secret de polichinelle, c’est que la fin du régime Biya est proche. S’il est plus que probable que jamais les urnes n’auront raison de lui, la nature quant à elle a toujours le dernier mot. Les luttes de positionnement et les batailles rangées de succession, qui viennent confirmer la fébrilité de nos institutions dans un Etat purement tribal, pousse Chantal Biya à s’interroger sur son avenir, elle qui déjà sur le plan constitutionnel ne représente rien. Que deviendra-t-elle au milieu de toutes les agitations qui vont s’en suivre. Etant donné que les mécanismes constitutionnels d’alternance au sommet de l’Etat ont été mis à rude épreuve chaque fois que l’occasion s’est présentée, d’après de nombreux analystes, les premiers jours de l’après Biya vont être cruciaux, mais il est probable qu’on bascule dans une période de troubles, même brève.
La faiblesse institutionnelle aidant, les militaires prendront le pouvoir, même si ce sera pour le remettre plus tard à un civil. Il est évident que la constitution ne sera plus qu’un vulgaire document sans valeur. Personne ne respectera sa lettre. Chantal Biya a besoin de garanties car, durant ces moments, tout pourrait se passer. Qu’adviendrait-il d’elle si elle était prise entre deux feux ? Qui lui garantirait la sécurité, la protection et l’immunité ? Ce sont là les questions auxquelles elle-même n’a pas encore des réponses idoines et rassurantes. Avec le vide politique qui risque de prendre le pays entier de court, les monstres du régime vont s’entredévorer.
Même au sein du clan Béti, les luttes vont sévir entre Bulu, Ewondo, et Eton. Et si c’est une tendance qui lui est hostile qui prend le pouvoir, voilà qui ne sera pas de bon augure pour elle. Elle pourrait payer cher le fait d’avoir un jour entretenu des relations houleuses avec certains collaborateurs de son époux qui peut-être à ce moment-là, seront en position de force. C’est pour cela que, dans une de nos éditions, nous soutenions qu’avant de la ramener au pays le 10 septembre dernier suite à sa longue absence, le président avait dû faire des promesses et des concessions à son épouse. A ce jour, il ne les a pas encore tenues. Elle veut des actes concrets de la part de son mari, qui lui apporteront des gages de sûreté pour son avenir, ce que Paul Biya ne lui a pas encore donné. On comprend donc aisément les tenants et les aboutissants du scandale de Mvomeka’a. Mais que réclame-t-elle si désespérément ?  
Ce qu’elle veut
La première Dame veut absolument que le futur président de la République soit issu de la même localité qu’elle. Seul son « frère » peut, d’après elle, lui garantir la protection, la sécurité et l’immunité dont elle pourrait avoir besoin en cas d’empêchement définitif de son mari. Elle a appris cette pratique de positionnement à la bonne école, celle de son mari qui lui a montré que s’il a pu faire 30 ans au pouvoir, c’est parce qu’il a pu être aidé en cela par ses frères à lui. Une pratique qu’elle veut reprendre à son compte.
Elle voudrait donc installer des éléments à des postes stratégiques de l’appareil étatique, qui lui assureraient des lendemains tranquilles, en jouant sur la « filiation » si les choses basculaient dans le mauvais sens. Paul Biya qui, en la ramenant au bercail, lui avait promis d’accéder favorablement à ses désidératas traîne les pieds, et la première Dame s’impatiente, puisqu’elle ne peut arrêter le compteur du temps. Après la désignation des secrétaires généraux des ministères, d’aucuns avaient prédit l’arrivée imminente d’un tsunami qui allait balayer les indésirables de la première Dame tout en installant ses proches. Que nenni ! Le deal secret passé avec son époux tarde à prendre effet.
Pour le moment, ses « frères » dans la machine exécutive ne font pas le poids et d’ailleurs, ne sont pas légion  encore moins dans la « sécurocratie » de Biya, ni dans l’administration centrale. D’ailleurs, Paul Biya sait que installer « les frères » de sa femme à des postes clés de la République est un couteau à double tranchant, car il n’est pas exclu qu’ainsi positionnés, ils poussent « prématurément » le « Nnom Ngui » à côté. L’homme prudent voit le mal de loin.
Et si Chantal Biya ne voyait pas juste
Son « frère » ou ses « frères » aux affaires ? Veut-elle absolument et rapidement se fabriquer une élite issue de la Haute-Sanaga ? Pourquoi pas ? Mais cette possibilité jouit-elle d’une absolue présomption protective pour elle ? Nous en doutons. Il n’y a rien de plus fourbe que la politique et le pouvoir. D’abord, elle pourrait affronter des trahisons de toutes parts, même de celles de ses soi-disant frères. Il faut rappeler que comme toutes les premières Dames dans les démocraties bantoues, elle n’a jamais fait l’unanimité dans les arcanes du pouvoir.
Elle n’est pas ce qu’on pourrait appeler un être apolitique qui, durant le magistère de son époux s’est cantonnée dans son rôle exclusif de première Dame. Elle a toujours cherché à se constituer un réseau au sein du régime. Ses ennemis à l’intérieur de ce régime pourraient mettre sur la place publique, s’il en existe, certains faits qui la rendront comptable, même si elle n’a jamais occupé de fonction officielle. Quand le pouvoir change de main, les vestes aussi se retournent, au gré des intérêts des uns et des autres. La délation n’est jamais loin de là. Les malheurs de Chantal Biya peuvent dès lors être enclenchés à tout moment car, le nouveau président même s’il est issu de la même localité qu’elle, pourrait, pour donner une assise populaire et un souffle neuf à sa présidence, décider de livrer sans état d’âme l’ex première Dame à la justice par exemple, pour des faits qu’on établira.
Gel des comptes, saisies des biens immobiliers, accusations de tous types, détention… seront peut-être désormais à l'ordre du jour. Les Camerounais exigeront certainement la traçabilité des financements de ses activités et pour le nouveau président, tous les moyens seront bons pour les satisfaire. Si Paul Biya n’avait pas hésité à se débarrasser de son pygmalion Ahidjo pour asseoir son pouvoir, qu’est-ce qui pourrait empêcher son successeur, même s’il a un lien de filiation avec sa femme, de s’en débarrasser à son tour pour ne pas donner l’impression aux Camerounais de couvrir ceux envers lesquels peut-être se porteront leurs griefs ? Ce qui se passe dans les autres pays montre que d’une façon ou d’une autre, les premières Dames sont autant comptables des malheurs du pays que leurs époux.
Ces exemples d’ailleurs qui la paniquent
La première Dame panique davantage quand elle observe le tragique destin de ses homologues africaines victimes de la brutale chute de leurs époux, depuis les printemps arabes jusqu'au printemps ivoirien. Comme l’une des bénéficiaires du régime, il n’est pas exclu qu’on s’interroge, à la suite des révélations qui seront faites, sur ses activités, sa fortune. Qui l’eut par exemple cru, en ce qui concerne Leila Ben Ali, la femme de l’ex homme fort tunisien, Zine El-Abidine Ben Ali.
Comme à Chantal Biya, on lui avait taillé une image de marque. En son temps, elle était adulée pour ses activités caritatives. Elle a présidé l’organisation des femmes arabes. En 2000, elle a même été élue par un journal russe « personnalité mondiale de la famille ». En mai 2010, elle fut la seule personnalité à figurer parmi les 50 Arabes les plus influents… Tant de lauriers qui n’ont empêché en rien qu’on la présente comme étant à l’origine de la généralisation de la corruption en Tunisie, une fois son mari tombé en disgrâce. Aujourd’hui, Leila Ben Ali est un repris de justice, condamnée par contumace à 35 ans de prison et plus de 25 milliards de Fcfa d’amende pour détournement et diverses malversations. Quand le pouvoir s’en va.
Un autre exemple, c’est celui Suzanne Moubarak. A elle aussi, comme à notre première Dame, on lui avait bâtie une prestigieuse réputation. Elle aussi dirigea des associations caritatives, présida le Rotary Club. Que reste-t-il de tout cela ? Après la chute du Rais, tous ses verrous sécuritaires ont sauté. Des affaires de malversations ont jailli de l’ombre. On a ainsi estimé qu’au titre de ses activités caritatives, elle aurait détourné 5 milliards de dollar de dons. Elle fut même mise en détention préventive dans le cadre d’une enquête pour corruption. Cela aurait-il été possible si le Rais avait encore été aux affaires ? Nous en doutons fort.
En Afrique Subsaharienne, la veuve de Lansana Conté le feu président de la Guinée Conakry, Henriette, dont le mari était mort au pouvoir, a subitement vu ses immunités fondre comme neige au soleil. En 2009, on a même évoqué l’hypothèse de son arrestation. Son nom a été cité dans des affaires de narcotrafic, de ventes illégales des domaines de l’Etat… Bref tout ce qui  n’avait jamais été possible pendant que son mari était au pouvoir, l’était désormais.
Enfin, qui n’a pas vu en mondovision la déchéance de Simone Gbagbo, l’épouse de l’ancien président ivoirien ? Suite à l’élection présidentielle de 2010 en Côte d’Ivoire, après dix jours de combats entre partisans pro-Ouattara soutenus par l'ONUCI et la force Licorne, et partisans pro-Gbagbo, Simone Gbagbo et son époux sont arrêtés par les forces d'Alassane Ouattara, le 11 avril 2011. Ils sont tous les deux placés en état d'arrestation au Golf Hôtel d’Abidjan. Par la suite, son mari est transféré et assigné à résidence à Korogho, dans le nord du pays7. Le 23 avril, elle quitte Abidjan et est placée à son tour en résidence surveillée à Odienné, une autre localité du nord ivoirien. Dans le cadre d'enquêtes visant 200 personnes liées à l'ancienne présidence, elle est auditionnée par le procureur de la République d'Abidjan le 8 mai, hors de la présence de ses avocats français (Roland Dumas et Jacques Vergès). Le 18 août 2011, comme  son mari, elle est inculpée et placée en détention préventive pour « vol aggravé, détournement de deniers publics, concussion, pillage et atteinte à l'économie nationale ».
En 2004, le directeur exécutif de l'Onusida dira que "la première Dame du Cameroun joue un rôle exceptionnel dans la lutte contre le Sida non seulement au Cameroun, mais aussi en Afrique...Pour moi, Chantal Biya est l'une des stars de la lutte contre le Sida dans le monde". Ces discours de reconnaissance, on les a souvent tenus à l'égard d'autres premières Dames. Ont-ils cependant suffi à calmer les mauvaises ardeurs lorsque les rideaux sont tombés?
La vérité est que le peuple a un appétit vorace pour les femmes des présidents déchus, pour la simple raison que rejaillit presque toujours leur forte influence sur la personne de leurs époux, tant et si bien qu’on en conclut souvent qu’elles ont codirigé le pays, puisqu'elles influent largement sur la sélection de certaines politiques mises en oeuvre. Elles ont pour habitude d'intervenir largement dans le choix des collaborateurs de leurs époux. Ces pressions exercées sur leurs présidents de mari pour obtenir ce qui leur plaît, pour faire nommer leurs proches à des postes clés ou pour leur accorder des faveurs et des facilitations illégales, plus tard les exposent.
Chantal Biya aurait-elle dès lors, comme ses congénères ci-dessus citées, des choses à cacher qui la pousseraient à amener son mari à la doter d’une carapace d’acier avant de tirer sa révérence ?
N’ayez pas peur
Le pape Jean-Paul II n’avait-il pas déclaré à travers cette phrase devenue célèbre : « N’ayez pas peur » ? Si Chantal Biya a dû comprendre que la roue est entrain de tourner et que peutêtre, après des moments de joies viendront ceux des grincements de dents, elle devrait tout simplement garder la tête haute. Car, en affichant sa peur en public, en se comportant comme elle l’a fait à Mvomeka’a, elle contribue à afficher sa fébrilité aux yeux du monde. En outre, les Camerounais tiennent à leur havre de paix. Nous avons tellement appris de l’ère du maquis ou de celle du coup d’Etat de 1984 ou encore de celle relative aux troubles postélectoraux de 1992. Trop de sang a déjà été versé durant ces tristes épopées. Désormais, la nation entière est éprise de paix. Mais pas cette paix que nous conte tous les jours le chef de l’Etat, mais plutôt une paix consciencieuse, élaborée à partir des expériences douloureuses que le pays a subies.
© Emergence : Magnus Biaga

vendredi 23 novembre 2012

Affaire Franck Emmanuel Biya


Monsieur le Premier ministre,
Dans le quotidien « L’œil du Sahel » N° 506 du 12 novembre dernier, un collectif dénommé « Alliance pour la défense du bien public » a fait état d’un scandale extrêmement grave perpétré dans le cadre de la titrisation de la dette intérieure de l’Etat. M. Frank Biya, fils du chef de l’Etat, en complicité avec les Directeurs généraux de Camtel et de la Cnps, aurait encaissé sur la base d’une spéculation financière féérique opérée sur des bons du Trésor obtenus auprès du ministère de l’économie et des finances et baptisés Obligations du Trésor à coupon zéro (Otz), près de 100 milliards de Fcfa.
Le cas de la Camtel est révélé avec précision dans cette correspondance par ce que comportant des fac-similés. Pour une mise de 3,5 milliards Fcfa au lieu de 4,5 milliards pourtant proposés par l’entreprise la Société Financière Africaine (Sfa), Frank Biya, par le biais de son entreprise Afrione, avait obtenu auprès de Minefi 9400 bons du Trésor pour une valeur nominale de 01 million de Fcfa soit 9,4 milliards placés à un taux d’intérêt annuel de 3% pour une date à maturité fixée à 10 ans. Chose curieuse et surtout surprenante, il a encaissé avant terme 17,4 milliards de Fcfa, soit un différentiel de 13,9 milliards de Fcfa par rapport à sa mise initiale. D’où les questions suivantes :
1.       Pourquoi les 9400 Otz ont-ils été cédés à un deuxième tiers en l’occurrence Afrione à 3,5 milliards, loin en-deçà de l’offre du premier tiers en l’occurrence la Sfa qui était de 4,5 milliards Fcfa? Cela fait une perte sèche d’1 milliard dès le début de l’opération.
2.       Le document signale que la Caa qui est pourtant l’organisme public de gestion de la dette de l’Etat, donc la garante des intérêts de l’Etat, a exercé une pression auprès de la Sfa -qui était pourtant la mieux-disante -pour obtenir la main levée sur les 9400 Otz en faveur de Afrione. Qu’est ce qui explique qu’on ait pu payer avant terme la valeur à maturité de ces 9400 Otz si ce n’est la proximité familiale qui existe entre le fils du Chef de l’Etat - propriétaire d’Afrione et de la Société d’Ingénierie Financière (Sif)-, le neveu du Chef de l’Etat qui n’est autre que Dieudonné Evou Mekou, Dg de la Caa et le Dg de Camtel qui n’est autre que le « tchango » de Frank Biya ? N’est-on pas en droit de penser à juste titre qu’il y a eu délit d’initié et détournements de deniers publics ?
3.      Le gouvernement proclamait à cette époque que les caisses de l’Etat étaient vides. C’est d’ailleurs l’argument qui avait été opposé au Fmi et à la Banque mondiale pour que ces deux institutions accèdent à la demande de la titrisation de la dette de l’Etat. Où a-t-on pu trouver subitement de l’argent pour payer avant terme M. Frank Biya ? Puisqu’il est désormais établi que la Trésorerie de l’Etat était pourvue de liquidités, pourquoi n’avoir pas versé directement ces 17,4 milliards Fcfa à la Camtel qui éprouvait d’énormes difficultés à l’époque des faits ? Ayez l’honnêteté d’avouer dans cet Hémicycle que les différents discours officiels sur la situation de la trésorerie de l’Etat relevaient d’une feymania jamais égalée. 
4.      Qu’est ce qui justifie le silence assourdissant du Dg de la Camtel depuis le déclenchement de cette affaire ? Le ministre des Postes et télécommunications, tutelle de la Camtel, vous avait-il informé de ce scandale avant sa publication ? Si oui, aviez-vous déjà transmis les dossiers de ce scandale monstrueux au ministre de la Justice ? Le ministre d’Etat, ministre de la Justice a-t-il déjà saisi le Tribunal criminel spécial dans ce sens ? Où sont passées la Conac et l’Anif, organes rattachés à la présidence de la République ? Y a-t-il au niveau du fonctionnement de ces deux institutions une disposition non écrite qui élargit l’impunité constitutionnelle du Chef de l’Etat à l’ensemble de sa famille ?
5.      La Cnps a également été citée dans le brûlot. Le ministre délégué à la Présidence chargé du contrôle supérieur de l’Etat, qui a récemment organisé un séminaire sur la protection de la fortune publique, a-t-il déjà dépêché une mission du contrôle de discipline budgétaire et financière à la Camtel et à la Cnps ? Si oui, quand rendra t-il public les conclusions desdites missions comme il le fait le plus souvent avec tambours et trompettes sur d’autres dossiers? 
6.      Pour terminer monsieur le Premier ministre, la loi portant fonctionnement du Tribunal criminel spécial indique sans ambigüité qu’en cas de dénonciation, le Procureur du Tribunal criminel spécial peut se saisir d’office. La dénonciation par voie de presse a été faite depuis le lundi 12 novembre dernier. Qu’attend le procureur du Tcs pour ouvrir une enquête ou une information judiciaire au sujet de ces scandales qui, si rien n’est fait, jetteront un discrédit total et irréversible sur la sincérité de l’opération Epervier et sur les proclamations de bonne gouvernance édictées à longueur de discours officiels.
Honorable Jean Michel NINTCHEU
Député à l’Assemblée nationale
© Source : Le Messager

vendredi 16 novembre 2012

MARAFA PLAIDE NON COUPABLE


L’Ex-Minatd a été entendu mardi dernier devant le tribunal de première instance de Yaoundé. Il comparaissait par voie de citation directe au parquet datée du 27 juin 2012 introduite par Bessong Daniel. Le plaignant a été condamné à 15 ans d’emprisonnement pour assassinat d’un expatrié français, Mourrik, boucher à Douala. Marafa était assisté par Me Abdoul Bagui et la partie civile par le cabinet Nomo ayala, comme mandataire. Mais, la défense a contesté cette qualité de mandataire au cabinet Nomo en exigeant la comparution de Bessong Daniel, partie civile dans cette cause.
Il a fallu l’arbitrage du procureur de la république pour permettre à l’instruction de poursuivre son cours. Pour ce faire, il a évoqué l’article 346 du Code de procédure pénale qui dispose ; « Le Président peut, en vue de la manifestation de la vérité, ordonner la citation de toute personne non partie au procès ou la production de tout document ou objet ». En d’autres termes, cette prérogative revient au Président du tribunal. Cet écueil  étant évacué et sur l’interpellation réponse du tribunal Marafa a déclaré non coupable des faits qui sont mis à sa charge, à savoir, la dénonciation calomnieuse. A propos de ce délit, Me Nomo a tenu à apporter une clarification.
Pour le mandataire, il ne s’agit pas dans ce procès d’un délit de presse, mais d’une «dénonciation calomnieuse», déclaration faite par une personnalité à travers les médias.  En tout état de cause, Marafa a dit qu’il n’avait pas des témoins à faire entendre dans cette procédure, ne connaissant pas la personne qui le poursuit.  Mais toujours au rebond, Me Abdoul Bagui va soulever la prescription des faits reprochés à son client.
Car, pour le défendeur, les faits allégués ont été commis le 28 février 2008 et publiés par Cameroun-Tribune du 11 mars 2008, page 4. Hors, la citation directe à comparaître  a-t-il soutenu, remonte au 27 juin 2012, soit quatre années et demi plus tard. Bref, pour la défense de Marafa, et prenant appui sur l’article 62 du CPP, l’action publique est éteinte dans cette affaire par la prescription. Le tribunal a mis l’affaire en délibéré le 27 novembre 2012.
Rappel des faits.- Au lendemain des émeutes de la faim de février 2008, Marafa Hamidou Yaya, alors Minatd, faisant le bilan humain et matériel de ces évènements malheureux  avait déclaré au cours d’un point de presse tenu le 10 mars 2008 qu’un évadé de la prison de Ne-Bell, condamné à mort (Bessong Daniel  - Ndlr ) a été aperçu dans la ville de Bamenda au bord d’un véhicule en compagnie du Chairman du SDF, Ni John Fru Ndi, coordonnant les manifestations. Mais, ce qui trouble dans cette cause, et selon l’affirmation du conseil du plaignant, son client a pris connaissance du texte querellé en parcourant, au hasard, le numéro de C.T du 11 mars 2008. Et là, nous étions déjà au mois de juin 2012
© La Nouvelle Expression : Charles-Olivier Mbami

samedi 10 novembre 2012

Paul Biya, une déception camerounaise!


Le 6 novembre 1982, l'accession de Paul Biya au pouvoir avait soulevé l'espoir sur un Cameroun en pleine dépression socio-politique. Trente ans après, il ne reste de son Renouveau et lui qu'un slogan mémorable "Rigueur et Moralisation" et beaucoup de chimères déçues. 
Le RDPC commémore ce jour à sa façon les trente ans de l'accession au pouvoir de Paul Biya, premier ministre sous  président Amadou Ahidjo. En effet, le contexte est marqué par une atmosphère morose et délétère, un an après une scrutin présidentiel qui a vu la réélection du candidat du Renouveau. Comme il l'avait préconisé en 1983 dans un discours programme devenu historique, Paul Biya ambitionnait de fonder son pouvoir sur la "Rigueur et la Moralisation". Mais aujourd'hui que reste-t-il de l'effet Paul Biya? Sans doute l'arrivée du natif de Mvomeka a-t-elle marqué les esprits, incitant de milliers de Camerounais à l'exil à un retour au bercail. A sa façon, il a contribué à la levée des restrictions des libertés. Une rupture avec le régime Ahidjo, cédant à l'ouverture démocratique et au renoncement au monopartisme. Mais c'est dans les milieux des affaires que le lion aura laissé le plus de traces. Car, Paul Biya, c'est également ça, un libéralisme sauvage, éloigné du libéralisme communautaire prescrit par ses conseillers. Il s'y est tellement employé que certains se demandaient s'il était encore capable un jour de reprendre la main pour une possible régulation. C'était oublier que jamais l'oligarchie embourgeoisisante naissante ne renoncerait à ses privilèges.
L'homme a toujours su séduire ses interlocuteurs et les foules par son calme. Ancien séminariste avec une assez bonne formation en sciences politiques, il sait aussi se mettre à l'écoute avec ruse et force quand il le faut. Très effacé, discret durant plus de 20 ans au service de son prédécesseur, il a su imposer son style pour faire rêver au Cameroun les porteurs d'idéaux progressistes et autres frondeurs qui n'avaient de cesse de hanter le sommeil de celui qui était considéré avant lui comme un autocrate. Aussi son arrivée en 1982 avait-elle suscité de réels espoirs du côté de l'ensemble de la classe politique nationale. Beaucoup attendaient de lui ce changement radical  du pays  qui devait permettre l'amorce d'une démocratie véritable assortie de l'amélioration effective des conditions socio-économiques sur le pays. La rupture attendue n'eut jamais lieu. Une fois au pouvoir, Paul Biya s'efforcera de rappeler dans la pratique que le "Cameroun était le Cameroun", en clair qu'il n y avait rien à changer sur le cap laissé par son prédécesseur.
Peu à peu, Biya s'accommoda de certaines situations sur le pays. Contrairement aux attentes, et sans gêne aucune, il donna plus de place à l'impunité au moment ou la gabegie s'installa dans la gestion des biens publics. Ouvertement, il s'acoquina avec les délits publics, corruption, détournements de fonds. Les anciens amis et les hauts responsables de l'Etat continuèrent leur pillage. Au niveau des amis la liste est longue, celle de ceux qui au fil des années eurent le vent en poupe dans les milieux des affaires avec un réel enrichissement illicite. En revanche, des intrépides opposants, se heurtèrent à un conservateur politique sans pitié pour tous ceux qui, à ses yeux, avaient des attitudes pleines d'impertinence et des vues sur son fauteuil doré d'Etoudi.
Il fallut attendre 1990 pour voir Paul Biya céder officiellement à la vague du vent de  démocratisation de l'Europe de l'Est après la chute du mur de Berlin. Ce rusé qui a certainement bien lu Machiavel  avait deviné à travers les luttes qui s'intensifiaient que le peuple camerounais marchait vers une victoire certaine. Il fallait manœuvrer afin de récupérer la situation. D'où l'organisation du sommet tripartite à défaut d'une conférence nationale tant réclamée par l'opposition. C'est aussi le début d'un multipartisme de façade qui passe par un encadrement de  la libre expression des peuples en colère. Encouragés par le silence complice ou la bienveillance de Paris, Paul Biya entreprit alors de conserver ou de reconquérir le pouvoir à la faveur de textes de lois taillés sur mesure. Métamorphosé selon le goût du jour, le RDPC, jadis parti unique,  s'organisa donc pour remporter la première élection savamment truquée de 1992. Ceci, aux dépens de partis d'opposition mal organisés, divisés et dépourvus de ressources, dans un contexte de pauvreté criarde et d'analphabétisme inouï. Avec regret, l'on découvrait alors cet autre visage de Paul Biya : l'occupant du palais d'Etoudi ne semblait point se soucier des intérêts des larges masses laborieuses du Cameroun demandant le changement.
Qu'a donc apporté Paul Biya aux Camerounais ? Incontestablement, le chef de l'Etat camerounais a servi de référence à de nombreux intellectuels camerounais, adeptes de son libéralisme communautaire. N'empêche que le plus souvent, ils auront eu du mal à obtenir son appui quant à l'application véritable,  des principes élémentaires de rigueur et de moralisation de la vie politique et économique. conséquences, le Cameroun est classé parmi les pays les plus corrompus au monde par l'ONG Transparency International. Une plaie qui a causée une gangrène dans un pays, pourtant au sous-sol riche,  à la recherche un décollage économique. Certes, après le sommet de la tripartite, Paul Biya a su courageusement prôner la démocratisation et inciter ses compatriotes à s'engager dans cette voie périlleuse pour une survie de la cohésion nationale, de la paix et de la stabilité, le Cameroun garde en mémoire la douloureuse lutte nationaliste qui aura coûté de milliers de vies . Une nouvelle constitution fut rédigée et promulguée en 1996. Mais des conseillers occultes étaient toujours là pour l'aider à ne jamais céder à l'application de la nouvelle constitution, au nom des intérêts... égoïstes et individuels! Une vraie politique autocratique et ploutocratique pour un dirigeant à la tête d'un parti dit de rassemblement et dont le candidat se réclame toujours être celui du peuple ! Que de prises de position bien souvent ambiguës, tant le constat fait par Paul Biya sur la gouvernance paraît toujours lucide, sur les ennemis de l'Etat que sont la corruption, l'inertie voire la gabegie.. . Une ambiguïté qui a profité à nombre de collaborateurs aujourd'hui pensionnaires des prisons nationales, lesquels étaient peu enthousiastes à l'idée de voir la démocratie s'installer au Cameroun et surtout l'alternance s'opérer. s certains comme Andzé Tsoungui aujourd'hui décédé ont pu échappé, d'autres ont néanmoins payé le prix. Engo, Abah Abah, Ondo Ndong, Siyam Siwe, Etondé Ekotto, Monchepou Saidou, Marafa, Fotso, Inoni, Titus Edzoa, Olanguena, Atangana Mebara..., l'assainissement semble prometteur. De quoi se demander ce que serait devenu ce Cameroun de l'impunité  sans cette prise de conscience réelle et cette conduite des affaires "Opération Épervier", fort opportune.
Mais doit-on tenir Paul Biya pour responsable de ce qu'il est advenu du Cameroun libre des trente dernière années ? A chaque camerounais de se faire son jugement après une réélection  avec près de 78% de suffrages, pour un nouveau mandat de 7 ans qui se terminera en 2018. Il n'aura fait que son devoir : Conquérir le pouvoir, s'y maintenir, s'inscrire sur la durée pour mieux préserver ses intérêts. Toujours est-il qu'aujourd'hui, pour une majorité de camerounais, la démocratisation laisse toujours à désirer au Cameroun. Trente ans après l'avènement de Paul Biya au pouvoir au Cameroun, vingt-deux ans ans après le retour au multipartisme, seize ans après la promulgation de la nouvelle constitution post démocratique , le bilan reste assurément mitigé. Qu'importe ce jour le RDPC et ses affidés fêteront à l'unisson l'accession de leur champion à la magistrature suprême.

vendredi 9 novembre 2012

COMMENT LES CAMEROUNAIS ONT VOLONTAIREMENT LAISSÉ PAUL BIYA AU POUVOIR PENDANT PLUS DE TRENTE ANS


Nous faisons au quotidien le départ entre les actes volontaires et les actes involontaires. Toutefois, les actes volontaires peuvent nous dépouiller de notre fierté d’agir librement et lucidement, lorsque les conséquences de ceux-ci nous abandonnent là où nous n’aurions pas souhaité ; ainsi, l’acte au départ volontaire est détrôné parce que devenu désastreux. Ceci s’applique au cas du Cameroun.
Les Camerounais n’ont jamais cessé de ressasser que Paul Biya a choisi de s’éterniser au pouvoir avec le soutien et la bénédiction de certains milieux étrangers, et ce contre la volonté du peuple. Sans nier complètement ce fait, nous choisissons aujourd’hui de regarder le maintien de celui-ci au pouvoir autrement.
Nous soutenons ici l’inverse. Nous montrons comment les Camerounais eux-mêmes ont maintenu Biya ou créé les conditions de son maintien au pouvoir, ce qui porte des étrangers à considérer les Camerounais à tort ou à raison comme des couards, des gens perfides, ou à les voir comme des aiguilles sans trous.
Huit ans après la prise du pouvoir par Paul Biya, l’immense majorité des Camerounais a compris qu’ils n’avaient pas à la tête de leur pays le chef d’Etat qu’il fallait. Les Camerounais ont compris quelles étaient les préoccupations de cet homme. Mais qu’ont-ils fait pendant vingt-deux ans ?
Les Camerounais ont catégoriquement refusé de fouiller, de trouver en eux et de les casser tous les obstacles qu’ils ont eux-mêmes érigé et qui les empêchaient de s’affranchir du premier ennemi du Cameroun qu’est Paul Biya.
Les motivations de ce refus de nettoyer le pays du premier bandit et traître sont nombreuses. Elles vont du désir d’assouvissement d’ambitions personnelles ou collectives à la culture et la fertilisation des divisions tribalo-ethniques.
C’est à ces jeux égoïstes et discriminatoires que les Camerounais se sont livrés sans imaginer les conséquences sur le pays perçu comme un tout.
Le Cameroun est un pays où la chasse aux intérêts personnels est très poussée au détriment de ce qui peut faire avancer le peuple comme groupe uni et solidaire.
La corruption et les détournements de fonds tels qu’ils habillent l’ensemble du territoire national montrent bien combien les Camerounais sont moins patriotes.
Cette course aux intérêts personnels au détriment de ceux du pays s’est à maintes reprises dessinée au sein des structures politiques où, le peuple se trouvant à quelques centimètres pour secouer et faire tomber le régime de Paul Biya, s’est trouvé repoussé à des milliers de kilomètres par des leaders politiques d’une opposition sans discipline, sans patriotisme et sans âme.
Parmi ces opposants sans amour de la patrie, les Camerounais n’oublieront jamais les gens comme : Bello Bouba, Issa Tchiroma, Célestin Bedzigui, Antar Gassagay, Louis-Tobie Mbida, Augustin Kodok, John Fru Ndi, etc. qui ont de façon éhontée nagé dans les flots de la trahison chacun à sa façon à un moment donné, pour faire perdurer le règne de Biya et rendre l’impossible possible et le possible impossible.
Qui ne se souvient pas de l’appel au calme de Fru Ndi lancé au peuple après les élections présidentielle volées de 1992, alors que le peuple était déterminé d’aller jusqu’au bout ?
Qui oublie que Fru Ndi dit au peuple en même temps d’attendre un miracle à la fin de cette année-là, et rien ne vint enfin ? C’est là où tout commença. Manière d’un acheté, d’un traître pour endormir le peuple.
Qui peut oublier les purges ou les expulsions et sanctions aveugles au sein du SDF menées par le même Fru Ndi contre les radicaux qui voulaient donner une force avant-gardiste au parti, tandis que ce dernier avait plus le souci de s’engraisser et de capituler devant son frère Paul Biya au pouvoir ?
D’aucuns diraient que la trahison au niveau du Cameroun si souvent trouve ses racines dans les conditions de vie rudes. Non, cette justification me semble tout simplement branlante.
Nous avons été les témoins d’actes louches et traîtres de beaucoup de Camerounais de la diaspora vivant en occident dans de bonnes conditions, et même certains anciens activistes et Etudiants Parlementaires.
Qu’est-ce qui justifie le soutien ouvert ou dissimulé de certains Camerounais de l’occident à un régime qui a faillit sur tous les plans ? Pourtant ces gens voient l’honnêteté dans la gestion qui guide les leaders de leurs pays de résidence.
Aucune justification sur la trahison ne peut nous convaincre. Le traître reste traître en toute circonstance tout comme l’est le grand bandit à tout moment, quelle que soit sa fortune.
En ethnicisant et en tribalisant l’autorité au Cameroun, les Camerounais ont involontairement mais volontairement maintenu Biya au pouvoir. L’on entend : « Tel qui est directeur de telle compagnie est l’un des nôtres, il doit être là pour nous. Tel est commandant ou commissaire, ou gouverneur, ou préfet, maire, proviseur, chancelier; donc, à ce niveau nous avons une partie du pouvoir ! »
C’est le même peuple qui soutient et maintient le mauvais dirigeant au pouvoir qui crie et se plaint de l’arbitraire, des injustices, de la dictature, du refus de céder le pouvoir. Il faut le voir ce peuple sauter occasionnellement sur des boîtes de sardines, des kilos de riz, de sel et du savon pour resserrer les chaînes qui lui serrent les pieds et la conscience et l’empêchent de se libérer et s’épanouir !
Que peut-on attendre de grand et de logique d’un pays où presque tout le monde veut se tenir dans la boue pour s’élever et toucher le ciel ? Que peut-on, que peut-on vraiment entreprendre de grand avec les autres lorsque l’on sent que les chances de ne pas aller loin sont toujours très grandes ? Nous n’avons que ce que nous méritons.
Les Camerounais savent parler et bavarder et leurs paroles et leurs bavardages occupent la place de l’action, se soulèvent et aveuglent tel le sable poussiéreux du lit sec d’un cours d’eau que soulève le vent. Or, il n’y a pas d’actions fructueuses sous les bruits. Le silence, le travail et l’opportunisme sont les grandes courroies des actions qui triomphent en politique.
Lorsque nous regardons même la thèse des soutiens étrangers comme force du maintien de Paul Biya au pouvoir pendant plus de trente ans, cela ne tient pas. Lorsqu’un leader est mauvais, le peuple uni a toutes les armes nécessaires pour le
faire partir. Lorsqu’un leader est vraiment bon, le peuple uni ne peut le laisser tomber. Le coup d’Etat fait à Chavez avait prouvé ceci.
Continuons avec la thèse des soutiens extérieurs à Biya. Nous savons que ce monsieur défend ses propres intérêts, les intérêts de ses proches et ceux néocoloniaux.
Dans l’impossibilité de ruiner les intérêts de Biya et de ses proches pour le faire partir, les forces patriotes avertis et responsables savent bien que ceux de ceux qui le soutiendraient sont assez sensibles.
Pourquoi des patriotes progressistes ne se sont pas organisés de façon souterraine depuis plus de 20 ans pour paralyser sur le territoire national les intérêts de ceux des étrangers qui soutiendraient cet argas national, et leur faire comprendre qu’il n’était plus garant de la stabilité et la sécurité de leurs intérêts, ce qui aurait précipité sa chute ?
Le Cameroun sous le régime de Biya a eu des occasions en or et des raisons suffisantes pour le balayer et faire avancer le pays. Mais rien n’est arrivé.
Ailleurs dans le monde, les malheurs et les douleurs comme ceux du Cameroun sont de précieux grains porteurs de bonheur et des jours nouveaux. Ailleurs dans le monde, les humiliations comme celles du Cameroun sont de solides cordes pour sortir du trou abyssal. Mais regardez ! Rien n’est venu de tout cela. Rien.
Au bout de trente ans de pouvoir, Paul Biya se croit tout puissant et tout permis. Pourtant il n’en est rien. Il se regarde et se juge inconsidérément.
Paul Biya n’est qu’une guêpe qui vole dans l’air et défèque et urine dans le feu qui le réchauffe. A tout moment ce feu peu intensément brûler et avaler cette guêpe à la vitesse de la langue du caméléon qui happe sa proie.
Ce n’est donc pas Paul Biya qui est fort et s’impose et s’oppose à son peuple. Les Camerounais ont choisi de tremper leurs âmes dans les eaux de l’indifférence, de la trahison, de l’égoïsme, de la division, de la peur et de l’espoir. Ce faisant, ils ont vendu leurs vies à leur dictateur qui s’est hâté de les apprivoiser et de les gérer.
Ce qu’il faut faire. Il n’y a de solution miracle à la résolution de cette question de confiscation du pouvoir politique au Cameroun que par le peuple camerounais lui-même. Un peuple qui doit se montrer dorénavant averti, assagi, patriote et uni. Et de ce pas nous allons lui dire :
Peuple camerounais, grand prisonnier ! Ne t’assoie pas pour attendre le bruit d’une clé libératrice dans la serrure. Cela ne viendra pas. Peuple, cette clef-là est en toi.
Débarrasse-toi de tes pensées fiévreuses, de ton égoïsme enfantin. Abandonne l’habitude attentiste. La clef est en toi ; tu la possèdes. Secoue-toi et fais-la tomber.
Peuple camerounais, comment peux-tu rester enfermé avec la clé de la prison dans ta poche ? Peuple, comment peux-tu rester dans le trou avec une corde suspendue à ta portée ?
Peuple, tu es feu ; feu qui peut s’il veut, s’enflammer et balayer tout obstacle sur sa voie. Peuple, tu es le plus puissant et dangereux des feus de tous les temps.
Ensemble nous avons le devoir de continuer l’œuvre libératrice de notre général Um Nyobé et ses lieutenants. Peuple, inspirons-nous de nos héros et marquons des pas audacieux et impavides. Il ne peut avoir des Camerounais forts, respectés et pleins de dignité que dans un Cameroun discipliné, bien édifié et fort.
En réalité, Paul Biya a profité des jeux auxquels les camerounais s’abandonnent pour conserver le pouvoir au Cameroun pendant longtemps. Ce sont les Camerounais qui ont volontairement laissé Paul Biya au pouvoir pendant plus de trente ans. Il est encore temps de se rattraper.
© Correspondance : Leon Tuam