Il ne fait plus l’ombre d’aucun doute que la fin du régime Biya
est proche. A cet effet, l’épouse du chef de l’Etat, de plus en plus,
s’interroge sur ce qu’il adviendra d’elle et de sa famille.
Que va-t-elle devenir ? C’est l’une des
questions qui câlinent nos esprits dès qu'on envisage l’après Biya. D’aucuns
soutiendront que le président laissera derrière lui une femme, cinq enfants et
des comptes bancaires, pour assurer l’avenir de sa progéniture et de sa veuve.
Ce serait toutefois avoir une vision étriquée et bâclée d’un avenir dont les
contours demeurent obscurs. Que se passera-t-il au Cameroun au lendemain de
l’empêchement définitif du président ? Même Paul Biya n'en sait rien. Si le
pouvoir fait l’homme et sa cour, la perte du pouvoir les défait inéluctablement.
Et quand on pense à la première Dame du Cameroun, on ne peut s’empêcher d’avoir
un regard rétrospectif sur le 05 octobre dernier, lorsqu’elle a publiquement
jeté la honte sur son mari durant les obsèques du frère aîné de ce dernier.
Nous avions alors, à cette époque, qualifié
son attitude d’intolérable, car en mondovision, elle avait porté le discrédit
sur l’image du chef de l’Etat. Et pourtant, une autre école a estimé que ce
comportement rébarbatif et condamnable de Chantal Biya était prémédité, et même
calculé. Elle avait, d'après cette école, raison d'exposer ainsi les turpitudes
actuelles que rencontre son couple. En vouant aux gémonies les images que l’on
avait encore dans nos têtes d’un couple présidentiel rentrant au Cameroun bras
dessus bras dessous le 10 septembre 2012, elle a voulu nous prouver que tout
cela n’était que de la poudre aux yeux et que le malaise au sein du couple
présidentiel n’était pas feint. Non, pour elle, tout n'est pas pour le mieux
dans le meilleur des mondes. Cet emportement stratégique visait à prendre les
Camerounais à témoins quant aux jours pénibles qu’elle vit auprès de son mari,
une pénibilité due aux multiples interrogations qu’elle nourrit quant à l’après
Biya, pour elle et pour ses enfants. Notre première Dame est inquiète. Mais ses
inquiétudes sont-elles légitimes ? Nous pensons que oui. Voici pourquoi.
Que Paul Biya évite Ban Ki Moon
ne la rassure pas
Durant la 67ème assemblée générale des
Nations Unies qui s’est tenue du 18 septembre au 1er octobre derniers, Paul
Biya n’y a pas mis les pieds. Des supputations vont aller bon train quant à
cette absence, mais personne ne semblera être surpris. On sait que Biya n’a
jamais été friand de sommets. Et pourtant, si le président a évincé de son
calendrier des activités sa présence à cette assemblée générale, c’est parce
qu’il voulait absolument éviter Ban Ki Moon, le secrétaire général des Nations
Unies. En effet, comme nous vous l’avions expliqué auparavant, Paul Biya avait
promis au Sg de l’Onu que l’élection présidentielle de 2011 était pour lui la
dernière, qu’il n’avait besoin que de peu de temps pour assainir le Cameroun et
mettre résolument son pays sur les voies du développement. De ce fait, il avait
donné sa parole à Ban Ki Moon de quitter le pouvoir 3 ans après le début de son
septennat. Or, Paul Biya n’a pas l’intention de s'extirper de son fauteuil
présidentiel.
Sachant que, notamment grâce à ses «
sécurocrates », il tient le Cameroun d’une main de fer, il ne veut plus bouger.
Comment pouvait- il donc se rendre à New York et regarder Ban Ki Moon droit
dans les yeux tout en sachant que la promesse faite demandait déjà un début
d’exécution ? Paul Biya n’est pas prêt à passer la main. Bien plus encore qu’il
a brillamment réussi à passer indemne entre les mailles des filets des
différents « printemps » qui ont secoué le continent à un certain moment. Le
Cameroun n’aura pas connu ces turpitudes, Paul Biya ayant fait des pieds et des
mains pour que nous ne soyons pas contaminés. Fort de cela, il sait que le vent
de cette Perestroïka est passé pour le Cameroun. Or, Ban Ki Moon, à qui le
président camerounais a fait des promesses, ne l’entend pas de cette oreille.
Il souhaite ardemment que Biya tienne parole. C’est d’ailleurs pour cela que
Ban Ki Moon a envoyé son représentant spécial en Afrique Centrale, Abou Moussa,
le 19 octobre dernier, à la rencontre du chef de l'Etat.
Officiellement, l’entretien avait porté
essentiellement sur les problèmes de paix et de sécurité en Afrique centrale,
ainsi que sur les questions de l’intégration sous-régionale. Mais loin des
discours policés qu’on a tenté de nous servir au sortir de cette audience, il
nous apparaît que cette rencontre entre Abou Moussa et Paul Biya était pleine
de sens. Car, le Sg de l’Onu, ayant compris que Biya tentait de le rouler dans
la farine, a dépêché cet émissaire pour lui rappeler la teneur des engagements
pris par lui. Chantal Biya, qui est au courant de toutes les manoeuvres
déployées par son époux pour demeurer au pouvoir, même en flouant les grands de
ce monde, s’en inquiète. La négociation d’une sortie honorable par Paul Biya,
apporterait quelque gage de sécurité à la Dame d’Etoudi.
Rappelons-nous que Chantal Biya est une
femme qui à 23 ans, soit le 23 avril 1994, est devenue l’épouse d’un chef
d’Etat alors âgé de 61 ans. D’une certaine manière, son mari était encore fort
et vigoureux, et il était prématuré pour elle de penser que les beaux jours
qu’elle vivait tendraient inexorablement vers leur fin. Ce qui n’est plus le
cas aujourd’hui. Les interrogations ont fait jour. Elle voit bien que la courbe
de vie de son époux tire vers le sol. La donne a changé. Agé de 43 ans à ce
jour alors que son époux flirte avec 80 ans (il est né en 1933), la Dame
d’Etoudi sait qu’elle est encore jeune et qu’il lui reste encore du temps à
vivre. Or, l’avenir est d’autant plus incertain pour elle qu’il l’est pour ses
enfants. En effet, dans tout le sérail, on a compris que le dieu national
allait bientôt tirer sa révérence et les luttes de positionnement font rage.
Elle n’a aucune visibilité (même son mari
ne peut prévoir ce qui va se passer), alors que l’hyperpersonnalisation du
pouvoir par son mari a débouché sur une opération d’épuration politique
d’envergure. Nulle part dans le monde, cela ne s’est vu : embastillement de 4
ex secrétaires généraux à la présidence, d’un ex premier ministre, des ex
ministres et directeurs généraux. Il est allé jusqu’à écrouer l’homme qui avait
conduit sa femme à l’autel lors de son mariage avec Chantal : Dieudonné
Angoula, mort depuis lors en détention. Paul Biya qui sait pertinemment qu’il
va s’accrocher au pouvoir jusqu’à ce que mort s’en suive, sait que ses actions
auront des répercussions politiques dramatiques dans un futur proche ou
lointain. Sa femme, qui est tous les jours à ses côtés, le pressent.
Comme pourchassé par son karma, il faudra
bien qu’il paye. Or, s’il n’est plus de ce monde, quels sont ceux qui
deviendront les cibles privilégiées des conséquences de cette épuration du «
Nnom Ngui » ? Nul doute que l’attention va se porter sur sa femme et ses
enfants. En effet, cette personnalisation exacerbée du pouvoir par Paul Biya
laissera des séquelles graves, et laissera béante des rancoeurs qui ne se
refermeront qu’une fois la vengeance consommée. Pour les familles des victimes
de cette épuration politique qui voient la main de fer du président derrière ce
processus, il y a des risques que sa famille devienne le destinataire phare de
toutes les rancunes accumulées pendant le règne de son époux. Chantal Biya a
donc raison de ce fait de craindre pour son futur et celui de ses enfants. Ces
rancoeurs peuvent en effet ouvrir le champ à des règlements de compte.
On se rappelle ce qu’a vécu la famille de
Mobutu Sesse Seko dès sa déchéance en 1997. Ce nom à lui seul n’était plus en
odeur de sainteté avec les populations. Les victimes du défunt « roi » du Zaïre
vont même, pour la présidentielle de 2006, alors que l’un des fils Mobutu
(François Joseph Nzanga Mobutu) guettait le pouvoir suprême, le menacer d’une
forme d’Al- Qaeda s’il ne se retirait pas. Ce destin pas pour le moins
reluisant plane aussi sur les enfants de Biya, du fait de la gestion de leur
père, considéré à bien des égards par une certaine mémoire collective comme un
fossoyeur national à la mémoire de qui on demandera des comptes. De plus, ces
ex caciques devenus pensionnaires de l’espace carcéral ne sont pas des petits
poissons. On parle de proches collaborateurs du chef de l’Etat, qui sont au
courant des informations auxquelles nous ne pensons même pas encore.
Quand le vrai grand déballage va commencer,
chacun de ces gens ayant presque toujours des cadavres dans le placard, les
scandales déclenchés risquent d’éclabousser aussi Chantal Biya.
La faiblesse de nos
institutions lui fait froid dans le dos
Le secret de polichinelle, c’est que la fin
du régime Biya est proche. S’il est plus que probable que jamais les urnes
n’auront raison de lui, la nature quant à elle a toujours le dernier mot. Les
luttes de positionnement et les batailles rangées de succession, qui viennent
confirmer la fébrilité de nos institutions dans un Etat purement tribal, pousse
Chantal Biya à s’interroger sur son avenir, elle qui déjà sur le plan
constitutionnel ne représente rien. Que deviendra-t-elle au milieu de toutes
les agitations qui vont s’en suivre. Etant donné que les mécanismes
constitutionnels d’alternance au sommet de l’Etat ont été mis à rude épreuve
chaque fois que l’occasion s’est présentée, d’après de nombreux analystes, les
premiers jours de l’après Biya vont être cruciaux, mais il est probable qu’on
bascule dans une période de troubles, même brève.
La faiblesse institutionnelle aidant, les
militaires prendront le pouvoir, même si ce sera pour le remettre plus tard à
un civil. Il est évident que la constitution ne sera plus qu’un vulgaire
document sans valeur. Personne ne respectera sa lettre. Chantal Biya a besoin
de garanties car, durant ces moments, tout pourrait se passer.
Qu’adviendrait-il d’elle si elle était prise entre deux feux ? Qui lui
garantirait la sécurité, la protection et l’immunité ? Ce sont là les questions
auxquelles elle-même n’a pas encore des réponses idoines et rassurantes. Avec
le vide politique qui risque de prendre le pays entier de court, les monstres
du régime vont s’entredévorer.
Même au sein du clan Béti, les luttes vont
sévir entre Bulu, Ewondo, et Eton. Et si c’est une tendance qui lui est hostile
qui prend le pouvoir, voilà qui ne sera pas de bon augure pour elle. Elle
pourrait payer cher le fait d’avoir un jour entretenu des relations houleuses
avec certains collaborateurs de son époux qui peut-être à ce moment-là, seront
en position de force. C’est pour cela que, dans une de nos éditions, nous
soutenions qu’avant de la ramener au pays le 10 septembre dernier suite à sa
longue absence, le président avait dû faire des promesses et des concessions à
son épouse. A ce jour, il ne les a pas encore tenues. Elle veut des actes
concrets de la part de son mari, qui lui apporteront des gages de sûreté pour
son avenir, ce que Paul Biya ne lui a pas encore donné. On comprend donc aisément
les tenants et les aboutissants du scandale de Mvomeka’a. Mais que
réclame-t-elle si désespérément ?
Ce qu’elle veut
La première Dame veut absolument que le
futur président de la République soit issu de la même localité qu’elle. Seul
son « frère » peut, d’après elle, lui garantir la protection, la sécurité et
l’immunité dont elle pourrait avoir besoin en cas d’empêchement définitif de
son mari. Elle a appris cette pratique de positionnement à la bonne école,
celle de son mari qui lui a montré que s’il a pu faire 30 ans au pouvoir, c’est
parce qu’il a pu être aidé en cela par ses frères à lui. Une pratique qu’elle
veut reprendre à son compte.
Elle voudrait donc installer des éléments à
des postes stratégiques de l’appareil étatique, qui lui assureraient des
lendemains tranquilles, en jouant sur la « filiation » si les choses
basculaient dans le mauvais sens. Paul Biya qui, en la ramenant au bercail, lui
avait promis d’accéder favorablement à ses désidératas traîne les pieds, et la
première Dame s’impatiente, puisqu’elle ne peut arrêter le compteur du temps.
Après la désignation des secrétaires généraux des ministères, d’aucuns avaient
prédit l’arrivée imminente d’un tsunami qui allait balayer les indésirables de
la première Dame tout en installant ses proches. Que nenni ! Le deal secret
passé avec son époux tarde à prendre effet.
Pour le moment, ses « frères » dans la
machine exécutive ne font pas le poids et d’ailleurs, ne sont pas légion
encore moins dans la « sécurocratie » de Biya, ni dans l’administration
centrale. D’ailleurs, Paul Biya sait que installer « les frères » de sa femme à
des postes clés de la République est un couteau à double tranchant, car il
n’est pas exclu qu’ainsi positionnés, ils poussent « prématurément » le « Nnom
Ngui » à côté. L’homme prudent voit le mal de loin.
Et si Chantal Biya ne voyait
pas juste
Son « frère » ou ses « frères » aux
affaires ? Veut-elle absolument et rapidement se fabriquer une élite issue de
la Haute-Sanaga ? Pourquoi pas ? Mais cette possibilité jouit-elle d’une
absolue présomption protective pour elle ? Nous en doutons. Il n’y a rien de
plus fourbe que la politique et le pouvoir. D’abord, elle pourrait affronter
des trahisons de toutes parts, même de celles de ses soi-disant frères. Il faut
rappeler que comme toutes les premières Dames dans les démocraties bantoues,
elle n’a jamais fait l’unanimité dans les arcanes du pouvoir.
Elle n’est pas ce qu’on pourrait appeler un
être apolitique qui, durant le magistère de son époux s’est cantonnée dans son
rôle exclusif de première Dame. Elle a toujours cherché à se constituer un
réseau au sein du régime. Ses ennemis à l’intérieur de ce régime pourraient
mettre sur la place publique, s’il en existe, certains faits qui la rendront
comptable, même si elle n’a jamais occupé de fonction officielle. Quand le
pouvoir change de main, les vestes aussi se retournent, au gré des intérêts des
uns et des autres. La délation n’est jamais loin de là. Les malheurs de Chantal
Biya peuvent dès lors être enclenchés à tout moment car, le nouveau président
même s’il est issu de la même localité qu’elle, pourrait, pour donner une
assise populaire et un souffle neuf à sa présidence, décider de livrer sans
état d’âme l’ex première Dame à la justice par exemple, pour des faits qu’on
établira.
Gel des comptes, saisies des biens
immobiliers, accusations de tous types, détention… seront peut-être désormais à
l'ordre du jour. Les Camerounais exigeront certainement la traçabilité des
financements de ses activités et pour le nouveau président, tous les moyens
seront bons pour les satisfaire. Si Paul Biya n’avait pas hésité à se
débarrasser de son pygmalion Ahidjo pour asseoir son pouvoir, qu’est-ce qui
pourrait empêcher son successeur, même s’il a un lien de filiation avec sa
femme, de s’en débarrasser à son tour pour ne pas donner l’impression aux
Camerounais de couvrir ceux envers lesquels peut-être se porteront leurs griefs
? Ce qui se passe dans les autres pays montre que d’une façon ou d’une autre,
les premières Dames sont autant comptables des malheurs du pays que leurs
époux.
Ces exemples d’ailleurs qui la
paniquent
La première Dame panique davantage quand
elle observe le tragique destin de ses homologues africaines victimes de la
brutale chute de leurs époux, depuis les printemps arabes jusqu'au printemps
ivoirien. Comme l’une des bénéficiaires du régime, il n’est pas exclu qu’on
s’interroge, à la suite des révélations qui seront faites, sur ses activités,
sa fortune. Qui l’eut par exemple cru, en ce qui concerne Leila Ben Ali, la
femme de l’ex homme fort tunisien, Zine El-Abidine Ben Ali.
Comme à Chantal Biya, on lui avait taillé
une image de marque. En son temps, elle était adulée pour ses activités
caritatives. Elle a présidé l’organisation des femmes arabes. En 2000, elle a
même été élue par un journal russe « personnalité mondiale de la famille ». En
mai 2010, elle fut la seule personnalité à figurer parmi les 50 Arabes les plus
influents… Tant de lauriers qui n’ont empêché en rien qu’on la présente comme
étant à l’origine de la généralisation de la corruption en Tunisie, une fois
son mari tombé en disgrâce. Aujourd’hui, Leila Ben Ali est un repris de
justice, condamnée par contumace à 35 ans de prison et plus de 25 milliards de
Fcfa d’amende pour détournement et diverses malversations. Quand le pouvoir
s’en va.
Un autre exemple, c’est celui Suzanne
Moubarak. A elle aussi, comme à notre première Dame, on lui avait bâtie une
prestigieuse réputation. Elle aussi dirigea des associations caritatives,
présida le Rotary Club. Que reste-t-il de tout cela ? Après la chute du Rais,
tous ses verrous sécuritaires ont sauté. Des affaires de malversations ont
jailli de l’ombre. On a ainsi estimé qu’au titre de ses activités caritatives,
elle aurait détourné 5 milliards de dollar de dons. Elle fut même mise en
détention préventive dans le cadre d’une enquête pour corruption. Cela
aurait-il été possible si le Rais avait encore été aux affaires ? Nous en
doutons fort.
En Afrique Subsaharienne, la veuve de
Lansana Conté le feu président de la Guinée Conakry, Henriette, dont le mari
était mort au pouvoir, a subitement vu ses immunités fondre comme neige au
soleil. En 2009, on a même évoqué l’hypothèse de son arrestation. Son nom a été
cité dans des affaires de narcotrafic, de ventes illégales des domaines de
l’Etat… Bref tout ce qui n’avait jamais été possible pendant que son mari
était au pouvoir, l’était désormais.
Enfin, qui n’a pas vu en mondovision la
déchéance de Simone Gbagbo, l’épouse de l’ancien président ivoirien ? Suite à
l’élection présidentielle de 2010 en Côte d’Ivoire, après dix jours de combats
entre partisans pro-Ouattara soutenus par l'ONUCI et la force Licorne, et
partisans pro-Gbagbo, Simone Gbagbo et son époux sont arrêtés par les forces
d'Alassane Ouattara, le 11 avril 2011. Ils sont tous les deux placés en état
d'arrestation au Golf Hôtel d’Abidjan. Par la suite, son mari est transféré et
assigné à résidence à Korogho, dans le nord du pays7. Le 23 avril, elle quitte
Abidjan et est placée à son tour en résidence surveillée à Odienné, une autre localité
du nord ivoirien. Dans le cadre d'enquêtes visant 200 personnes liées à
l'ancienne présidence, elle est auditionnée par le procureur de la République
d'Abidjan le 8 mai, hors de la présence de ses avocats français (Roland Dumas
et Jacques Vergès). Le 18 août 2011, comme son mari, elle est inculpée et
placée en détention préventive pour « vol aggravé, détournement de deniers
publics, concussion, pillage et atteinte à l'économie nationale ».
En 2004, le directeur exécutif de l'Onusida
dira que "la première Dame du Cameroun joue un rôle exceptionnel dans la
lutte contre le Sida non seulement au Cameroun, mais aussi en Afrique...Pour
moi, Chantal Biya est l'une des stars de la lutte contre le Sida dans le
monde". Ces discours de reconnaissance, on les a souvent tenus à l'égard
d'autres premières Dames. Ont-ils cependant suffi à calmer les mauvaises
ardeurs lorsque les rideaux sont tombés?
La vérité est que le peuple a un appétit
vorace pour les femmes des présidents déchus, pour la simple raison que rejaillit
presque toujours leur forte influence sur la personne de leurs époux, tant et
si bien qu’on en conclut souvent qu’elles ont codirigé le pays, puisqu'elles
influent largement sur la sélection de certaines politiques mises en oeuvre.
Elles ont pour habitude d'intervenir largement dans le choix des collaborateurs
de leurs époux. Ces pressions exercées sur leurs présidents de mari pour
obtenir ce qui leur plaît, pour faire nommer leurs proches à des postes clés ou
pour leur accorder des faveurs et des facilitations illégales, plus tard les
exposent.
Chantal Biya aurait-elle dès lors, comme
ses congénères ci-dessus citées, des choses à cacher qui la pousseraient à
amener son mari à la doter d’une carapace d’acier avant de tirer sa révérence ?
N’ayez pas peur
Le pape Jean-Paul II n’avait-il pas
déclaré à travers cette phrase devenue célèbre : « N’ayez pas peur » ? Si
Chantal Biya a dû comprendre que la roue est entrain de tourner et que
peutêtre, après des moments de joies viendront ceux des grincements de dents,
elle devrait tout simplement garder la tête haute. Car, en affichant sa peur en
public, en se comportant comme elle l’a fait à Mvomeka’a, elle contribue à
afficher sa fébrilité aux yeux du monde. En outre, les Camerounais tiennent à
leur havre de paix. Nous avons tellement appris de l’ère du maquis ou de celle
du coup d’Etat de 1984 ou encore de celle relative aux troubles postélectoraux
de 1992. Trop de sang a déjà été versé durant ces tristes épopées. Désormais,
la nation entière est éprise de paix. Mais pas cette paix que nous conte tous
les jours le chef de l’Etat, mais plutôt une paix consciencieuse, élaborée à
partir des expériences douloureuses que le pays a subies.
© Emergence : Magnus Biaga