Marafa

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Le prisonnier légendaire du SED.

mercredi 5 décembre 2012

AHMADOU AHIDJO, PAUL BIYA ET LA SANTÉ ÉCONOMIQUE DU PAYS


Voici notre contre - enquête sur  le vrai bilan économique du Cameroun depuis les indépendances jusqu’à nos jours.
Dans le quotidien Le Jour du 07 Novembre 2012, a été publié un très long article intitulé  « Le Vrai Bilan économique de Paul Biya », sous la plume d’un soi-disant « groupe de cadres camerounais en service dans les administrations publiques et qui, du fait de leurs fonctions, ont souhaité garder l’anonymat ».
Les auteurs ont dressé un violent réquisitoire contre les trente ans du régime de Biya, et on peut s’accorder sur certaines de leurs conclusions, même si, d’une manière générale, l’argumentaire reste très faible. Quelques points ont particulièrement attiré l’attention :
1-les grands projets : les auteurs accusent le chef de l’État d’avoir été une « victime d’une idée fort ancienne, celle en vogue il y a près de 30-40 lorsqu’on pensait que la croissance et le développement étaient synonyme de réalisation de Grands Projets d’infrastructures de l’Etat ». Ils estiment les grands projets peu appropriés au motif qu’ils ne génèrent pas la croissance. Tout d’abord, il faut dire que l’idée des Grands Projets, à l’origine, ne vient pas de Biya, mais de l’échec du DSCE (Document de stratégie pour la croissance et l’emploi) qui avait mis l’accent sur le secteur social et dont la mise en œuvre avait abouti à des interventions très dispersées entrainant une dilution de ressources. D’où l’idée de concentrer les ressources sur les activités ayant le plus fort impact. Comme le Cameroun restait sous le contrôle du FMI, le Gouvernement ne pouvait faire autrement que de concentrer ses efforts sur les infrastructures qui lui sont autorisées par la religion du libéralisme. S’agissant maintenant du faible impact évoqué à leur encontre, il faut noter qu’une économie est un organisme dans lequel chaque acteur joue son rôle : l’investissement public en est le moteur et son but n’est pas la création directe de la croissance, mais la levée des contraintes qui empêchent le secteur privé de s’exprimer de manière optimale, car c’est au secteur privé de créer des activités rentables qui gonflent le revenu. Le rôle de l’État se limitant dans l’amélioration du biotope, le choix des infrastructures est nécessairement judicieux. Par contre, le choix des ports en eau profonde et des autoroutes est contestable et a été contesté, mais évidemment pour des raisons qui n’ont rien à voir avec celles des auteurs anonymes du journal Le Jour. Leur véritable danger réside dans le fait qu’ils sont consommateurs en devises : par exemple, l’autoroute Yaoundé-Douala va intensifier la circulation des véhicules de tourisme, mais son apport en termes de production des devises restera faible. Ce qu’il faut reprocher au système, ce n’est pas le choix des Grands Projets, mais c’est le choix de ce qu’il faut faire et la manière de le faire.
2-Sur les revenus générés par les mines : les auteurs reprochent à M. Biya de privilégier les recettes venant des mines, au lieu de la production locale, se mettant ainsi au service des multinationales. Il s’agit là d’une vision enfantine : d’un point de vue technique, un FCFA engrangé sur l’or ou sur le fer a une qualité plus élevé qu’un FCFA engrangé sur un service dispensé à la population. Pourquoi ?  Parce que c’est une devise qui peut permettre d’acheter un bulldozer à  l’extérieur, alors que les FCFA travaillés sur la base des services locaux n’ont aucune contrepartie extérieure. En réalité, c’est une simple circulation des devises.
3-Sur l’endettement extérieur : les auteurs évoquent les grands projets dont le coût total s’évalue à 10130 Milliards et s’interrogent sur la capacité du Cameroun à rembourser cette somme. En fait, c’est une interrogation inutile, car la situation du Cameroun ne lui permet pas de trouver une telle somme et, en dehors des quelques barrages acceptée par la Chine pour des besoins de positionnement stratégique, il n’y a plus personne pour nous prêter de l’argent. Tout le tralala fait sur les financements n’est que l’action de quelques escrocs internationaux qui abusent de la crédulité nationale pour nous miroiter des projets. En fait, l’endettement du Cameroun ne viendra pas de ce type d’opérations, mais simplement du déficit cumulé de la balance courante. La situation est en effet très grave : au lendemain de l’Atteinte du Point d’achèvement de l’Initiative PPTE, en 2007, le déficit commercial du Cameroun n’était que de 70 Milliards. En 2008, il est monté à 203 Milliards. En 2009, il a atteint 417 Milliards. En 2010, le déficit a grimpé à 606 Milliards, avant d’exploser en 2011 à  1076 Milliards. Malgré la légère incurvation liée à l’amélioration des recettes pétrolières dont les ventes ont évolué considérablement (plus de 300 Milliards de recettes supplémentaires), le déficit pour cette année (2012) atteignait déjà 714 Milliards au cours des 9 premiers mois.
Cinq ans seulement après la sortie de l’ajustement, les engagements extérieurs du Cameroun liés au déficit cumulé de la balance courante s’évaluent déjà à 3085 Milliards. Or, il n’y a aucune perspective que cette situation s’améliore, bien au contraire. Notre déficit commercial est alimenté par la consommation urbaine et l’amélioration de la scolarisation qui modifie le profil de consommation au profit des biens importés : costumes, téléphones, etc. L’alimentation, et notamment les importations de riz, explose. Les jeunes abandonnent les villages pour la ville où ils viennent gonfler le nombre de consommateurs de devises, alors même que la paysannerie vieillit.
Le déficit commercial n’est pas un risque tant qu’une économie est vivante, car ce déficit est compensé par des excédents et les deux se compensent mutuellement dans le temps. A contrario, l’économie du Cameroun est devenue une économie-zombie et le déficit est devenu une exigence fonctionnelle d’une vie apparente. Ce déficit va le replonger dans une situation à la Grèce avant 2016.
4-Sur les détournements de fonds : les auteurs ont montré que les détournements de fonds ne sauraient expliquer la situation du Cameroun, compte tenu de la modicité des sommes détournées. C’est vrai, mais il faut élargir la problématique en la portant sur le plan macroéconomique : les détournements sont des phénomènes microéconomiques de transfert de propriété d’un acteur économique, appelé État vers un autre acteur économique appelé « ministre voleur ». Mais l’argent ne sort pas du territoire et les détournements ne sauraient freiner un pays. Ils conduisent simplement à une concentration excessive de l’outil de production entre quelques mains, une petite poignée de familles détenant les hôtels, les usines, les plantations, etc. Mais au moins, il y a un outil de production, contrairement au Cameroun où il n’y a rien du tout. Ce qui pose problème dans notre pays, ce n’est pas les détournements de fonds, mais l’incapacité du système à maintenir une substance productive et l’échec de toutes les tentatives de créer une PME, que ce soit avec l’argent propre ou avec l’argent sale, avec l’argent local ou l’argent étranger.
5-sur les autres points : les autres points sur lesquels portent les critiques ont trait aux défaillances de la politique économique, qu’elle concerne le financement, l’agriculture, la politique monétaire ou l’éducation. La démarche trahit la méconnaissance des trois (3) strates d’analyses qu’il faut respecter pour aboutir à une perception saine de la réalité économique et aboutir à des solutions efficaces. La première strate est la faisabilité macroéconomique d’une politique, autrement dit, sa viabilité par rapport au contexte international. Avant d’engager une politique agricole, il faut d’abord s’assurer qu’elle est possible et à quelles conditions. Et de ce point de vue, malgré les illusions des économistes, le développement du secteur agricole est impossible au Cameroun à cause de deux verrous macroéconomique.
Le premier verrou, appelé « non-connivence du système productif », est à  discontinuité  de  la  filière  agricole  qui  se traduit par une désarticulation entre la production nationale, essentiellement faite par les paysans, et la demande nationale industrielle. Le problème majeur est que les caractéristiques de la production artisanale très instable et imprévisible sont incompatibles avec le marché  industriel qui ne peut fonctionner que sur des prévisions. Cette  incompatibilité  a  un  double  effet : elle  empêche  d’un  côté  l’agriculture  artisanale  de  profiter  du  marché  industriel pour se développer et d’un autre côté, elle déstabilise les exploitations modernes qui se  trouvent  dans  l’impossibilité  d’évoluer.  La  conséquence  est  un  verrouillage  du système productif agricole et une réduction considérable de ses possibilités d’extension.
Le second est le « verrou de la contrepartie extérieure », c’est-à-dire, la tendance des paysans à consommer aussi les biens importés sitôt que leur revenu s’améliore, remplaçant ainsi le déficit agricole par un déficit électroménager plus important.
De tels verrous ne peuvent pas autoriser la réussite d’une politique agricole et on le voit bien : la haute élite camerounaise (ministres, directeurs généraux, colonels, etc.) qui n’a pas de problèmes sur le plan financier ou d’accès à la terre s’y est essayée et s’est cassée les dents. Le problème est ailleurs.
La seconde strate de l’analyse est le niveau organique, et elle n’est valable que si le niveau macroéconomique autorise l’opération. Elle consiste par exemple à adopter, pour la banque agricole, une architecture compatible avec ses missions et la sociologie du Cameroun. Les auteurs du réquisitoire contre Paul Biya ont donc raison de dénoncer la configuration adoptée par le gouvernement qui reprend les défunts FONADER et Crédit Agricole totalement inadaptés, mais que proposent-ils en échange?
Enfin, la troisième strate relève de la gestion, c’est-à-dire, du bon choix des responsables et d’une bonne gouvernance interne de l’entreprise. C’est essentiellement à ce niveau que la plupart des gens limitent leur perception, mais s’il est nécessaire d’avoir de bons gestionnaires, encore faut-il que le projet lui-même soit intrinsèquement viable, d’abord sur le plan macroéconomique, ensuite sur le plan organique.
Propositions concrètes
Quoi qu’il en soit et sans s’attarder sur l’interminable litanie des critiques, il est peut-être utile de se passer d’analyse plus élevée pour montrer l’inanité d’un grand nombre de discours entretenus par l’ignorance orgueilleuse et la solennité magistrale.
Une analyse objective montre qu’en Afrique, la croissance est  mécaniquement définie par la capacité autonome de financement extérieur, c’est-à-dire, les ressources naturelles exploitables par rapport au prix international, les recettes touristiques, les transferts de la diaspora et les dons. Comme le montre le graphique suivant, ce facteur intervient pour 90% dans la formation du revenu : c’est comme si le revenu en Afrique était une note dans laquelle la capacité autonome était notée sur 90 et le reste sur 10. Ce reste comprend la volonté des dirigeants, les sacrifices des populations, la bonne gouvernance du FMI et de la Banque mondiale, la monnaie souveraine, les Visions des pays émergents, les coopérations actives et bien d’autres bibelots.
Dans ce tableau, on voit bien, d’une part, que quel que soit le pays, tout le monde évolue autour de cette ligne qui représente 90% du PIB ; les losanges du tableau représentent les pays de le zone Franc et il apparaît de manière claire qu’ils ne sont ni plus pénalisés, ni moins pénalisés que les autres. L’action du FCFA est donc économiquement neutre. Maintenant, si on compare le Cameroun à deux autres pays emblématiques comme le Ghana ou le Kenya, on voit bien que tous les trois rodent autour de cette courbe, preuve qu’ils sont comparables et que le discours sur les aptitudes des uns ou l’incompétence des autres est une simple illusion.
Cela est valable pour tous les pays africains, sans exception : la seule manière pour un pays africain de se développer est de tomber fortuitement sur des gisements de pétrole, d’avoir un attrait touristique exceptionnel, de bénéficier de la mansuétude des pays occidentaux ou d’avoir une diaspora très active. Toutes choses en réalité qui ne dépendent guère des politiques économiques nationales.
Ce verrouillage s’est exprimé au Cameroun au cours des années 1991-2010 par l’incapacité de déconnecter le PIB de la Capacité de Financement Autonome. On le voit dans ce graphique : la courbe reliant les deux variables suit un trend rigide et n’a pas les moyens de s’écarter de ce trend. Lorsque le gouvernement fait l’effort de porter le PIB au-delà de la capacité autonome, la courbe se pose au-dessus de la droite, mais elle se ramène brusquement en-dessous quelques années plus tard, preuve que la tentative a échoué : l’économie nationale tangue ainsi alternativement et de manière de plus en plus explosive autour du trend, preuve qu’il y a de réels efforts pour relancer la croissance, mais que ces efforts sont annulés par des forces puissantes et impossibles à surmonter.
Cet arrimage rigide sur la Capacité Autonome de Financement Extérieur n’est que la phase ultime de la grave maladie génétique avec laquelle sont nées les économies africaines. La triste évolution du Cameroun l’illustre : en 1960, la population est essentiellement rurale et ne consomme pas grand-chose de l’étranger ; mais elle produit le cacao, le café et le coton qui génèrent un immense volume de devises.
La consommation ne pèse pas sur la balance extérieure et, à travers des mécanismes de ponction tels que l’ONCPB, l’État peut recycler ces devises en investissements productifs. D’où un taux de croissance annuel supérieur à 7% entre 1960 et 1987.
Malheureusement, ce développement crée lui-même son propre frein : en multipliant les écoles et les unités administratives, il gonfle en même temps le nombre d’intellectuels et la population urbaine, transformant ainsi une population qui produisait essentiellement les devises en une nouvelle population qui ne fait que les consommer. N’ayant pas pu ou su créer une industrie locale d’import-substitution qui aurait pu réduire cette pression aux achats extérieurs, le système productif s’est retrouvé totalement déséquilibré : la confrontation entre une demande explosive des devises face à une offre peu dynamique ne pouvait pousser le système productif que dans un déficit permanent de la balance extérieure dont il lui est impossible de sortir.
A partir de ce moment-là, l’économie du Cameroun a changé radicalement de nature : de son état initial de retard économique, appelé à être résorbé à plus ou moins long terme, le pays a basculé dans un blocage structural appelé « état occlus ». L’état occlus est une situation pathologique particulière, liée à l’histoire particulière de l’Afrique et qui, parce qu’elle ne se rencontre nulle part ailleurs, n’a jamais été envisagée par les écoles de pensée et ne peut donc trouver de solution dans la théorie économique traditionnelle : ni la gouvernance, ni les ajustements du FMI, ni les aides, ni les stratégies, ni la démocratie, ni les théories de Keynes, de Marx ou de Ricardo, rien, absolument rien de tout cela ne peut sortir un pays de cette impasse. Quant à l’émergence, c’est beaucoup plus de l’ordre du rêve : le Cameroun ne peut plus dépasser un taux de croissance de 3%, toute tentative d’aller au-delà se traduisant automatiquement par un endettement explosif.
Si on a compris ce phénomène, on comprend mieux les responsabilités respectives de nos deux présidents : Ahidjo a assez bien perçu le problème, et a tenté de l’éviter en créant de toutes pièces une industrie locale : dans les années 80, le Cameroun produisait en tout ou en partie des vélos, des réfrigérateurs, des habits, des chaussures ; et sur le plan alimentaire, il était autosuffisant. Malheureusement, ce début d’industrialisation n’a pas eu le temps de murir définitivement et, à la faveur de la crise, les occidentaux en ont profité pour éliminer cette dangereuse tentative pour leurs marchés.
Biya s’est retrouvé obligé de relancer une croissance impossible, et on ne peut décemment lui imputer la situation économique actuelle du Cameroun. En fait, c’est de la pure démagogie que de croire que quelqu’un d’autre aurait significativement modifié les choses. Certes, on pourra toujours évoquer les défournements de fonds, mais comme on l’a vu, ceux-ci n’agissent que sur le plan microéconomique.
Le problème du Cameroun apparaît donc davantage comme un problème d’architecture : pour utiliser la jolie expression d’Hubert KAMGANG, c’est comme un enfant né avec un cœur malade dont la pathologie se dévoile peu à peu, indépendamment des conditions de vie et qui ne peut être soigné que s’il est opéré. Ni Biya, ni ses opposants et encore moins sa bureaucratie, qui réfléchissent comme lui, ne peuvent rien modifier à cet état de chose. Le problème ici n’est pas dans leur compétence que personne ne leur refuse, mais dans un formatage mental qui ne leur permet pas de comprendre que dans les conditions actuelles, il n’existe aucun mécanisme humain capable de sortir le Cameroun de la crise, à moins de tomber sur de gigantesques gisements de pétrole ou alors, de soigner sa mauvaise articulation à l’économie internationale.
Il ne sert absolument à rien d’élaborer des visions et des DSCE, d’organiser des rencontres avec le privé, de décimer l’élite nationale par la prison, d’initier des grands projets tant que ce problème de fond n’est pas résolu.
Et c’est ici qu’il faut trouver la vraie culpabilité de Paul Biya : en laissant développer une ambiance d’adoration pour sa personne, il s’est en fait érigé en une sorte de Messie qui allait apporter la prospérité par le simple fait de sa parole. La conséquence en a été un système fondé sur le mouchardage, les réseaux, l’escroquerie intellectuelle et la flagornerie, détruisant les capacités d’analyse du système qui auraient pu l’amener à réagir de manière idoine devant les difficultés. Ahidjo n’était pas un grand intellectuel, mais il respectait l’école et le débat : au moment où le pays n’avait pas suffisamment d’intellectuels, le Cameroun entretenait des débats économiques intenses et le pays disposait d’une capacité d’analyse qui lui permettait de répondre aux divers défis. Mais le Président Biya n’a pu s’entourer que d’une faune parasitaire et malhonnête, totalement incapable de le conseiller réellement : les objectifs du chef de l’État ne sont plus des orientations pour lesquels on doit mobiliser le savoir, ils sont devenus des lois économiques ! Qui ne se rappelle l’hystérie qui avait saisi le Cameroun avec le taux de croissance à deux chiffres ? Qui en parle encore ?
Quelle étrange ambiance au Cameroun, où on ne voit jamais les économistes, c’est-à-dire, les gens qui savent comment l’économie fonctionne prendre position. Mais plutôt des administrateurs civils, des professeurs de lycée, des agronomes ou des journalistes qui parlent d’émergence, alors que les économistes se taisent. Pourquoi ? Parce que les vrais économistes savent que l’économie camerounaise est en danger de mort et qu’elle vit ses derniers instants du fait des mauvais choix.
Cette substitution du savoir par la croyance a permis la prise de contrôle de la gouvernance économique par une bureaucratie apatride se réclamant du FMI et de la Banque mondiale. Le Cameroun est devenu un caniche aux mains de ces individus, et il n’y a qu’à voir comment nos ministres et nos directeurs se mobilisent pour les accueillir et comment le gouvernement se satisfait de leurs opinions. Lamentable ! Ces fonctionnaires ne peuvent avoir un salaire et des missions que si le Cameroun est en difficulté. La croissance réelle du Cameroun qu’ils proclament est une très grave menace sur leur gagne-pain ; et c’est placer le sort d’un malade entre les mains d’un préparateur de pompes funèbres. On le verra d’ailleurs au lendemain de l’atteinte du Point d’achèvement : alors que le FMI avait rempli pleinement sa mission avec un Cameroun qui avait rétabli ses grands équilibres macroéconomiques, voilà que six ans plus tard, le pays a repris une violente chute vers une situation à la Grèce, avec un déficit effrayant dont on ne voit pas comment on peut l’arrêter.
Qui sont les auteurs de l’article ?
Mais, mieux que ces problèmes de fond, c’est la démarche des auteurs de l’article qui traduit le vrai bilan du régime de Biya : un système fondé sur l’hypocrisie, la trahison, les calculs secrets, les coteries tribales, et la mauvaise foi. Si ces auteurs sont des cadres camerounais en service dans les administrations publiques et occupent des fonctions qui justifient leur anonymat, on devrait légitimement penser qu’ils participent dans les missions du RDPC comme cela est de tradition au Cameroun, et qu’en plus, il leur est souvent demandé leur opinion sur les grands choix de la république. Car, il faut bien le dire, les hauts responsables du Cameroun ont le droit de donner leur opinion sur des problèmes techniques et certaines positions ont été réformées, voire réorientés à la suite des rares argumentaires convaincants dont une minuscule poignée de ces cadres s’est montré capable. On sait que les versions du DSCE et de la Vision qui justifient les grands Projets avaient  été mises en ligne pour que chaque camerounais puisse donner librement son opinion. Un très grand nombre d’interventions et d’articles venant de tous les milieux avaient été faits, mais à aucun moment, personne n’a remis en cause le principe des grands projets!
On comprend donc mal quelles pouvaient être les motivations de ces cadres en laissant passer un projet techniquement qu’ils savaient techniquement erronés, alors même qu’ils avaient les moyens de le faire sans compromettre leurs postes, quitte à utiliser l’anonymat : ils auraient alors été utiles à ce moment-là.
De ce fait, il apparaît très peu probable que les auteurs soient des cadres des administrations publiques. Il s’agit très probablement d’une équipe de militants d’un parti d’opposition regroupant quelques cadres de l’administration, quelques économistes de bureaux d’études et peut-être quelques universitaires mus par un désir de déstabiliser le régime de Biya, afin de le capturer le moment venu et créer un régime Biya 2 ou plus exactement, Ahidjo 3.
Les cinq défis des successeurs de M. Biya
Il s’agit là malheureusement des tentatives puériles de s’attaquer au régime de Biya, qui, bien loin d’avoir les effets escomptés, ne peuvent que convaincre davantage du peu d’intelligence de notre opposition. Pourtant, on aurait été édifié, comme cela se passe dans tous les pays du monde, de savoir quelle est la position des partis politiques du Cameroun vis-à-vis des grands projets, ce qui aurait constitué un véritable débat national capable de convaincre de la capacité des uns et des autres à gérer le pays. Et plutôt que de se focaliser sur Biya qui, quel que soit par ailleurs son désir de s’éterniser au pouvoir, ne peut plus le faire à 80 ans. Nous aurions été intéressés de savoir comment les prétendants vont aborder les cinq (5) principaux défis auxquels le Cameroun est confronté, à savoir :
-Une véritable relance économique, marquée par un approfondissement du système productif, le respect des équilibres macroéconomiques et l’amélioration des conditions de vie de la population ;
-La cohabitation communautaire, avec des règles claires de partage des ressources nationales entre diverses communautés, et notamment, un équilibre judicieux et cohérent entre les aptitudes des citoyens et la représentativité régionale ;
-Une démocratie plus conforme à la sociologie camerounaise et tournée vers le développement, loin de cette singerie permanente marquée par le bavardage et l’oisiveté, coûteuse et se signalant par le soupçon systématique, de stériles réformes récurrentes, le mimétisme, l’expression du tribalisme, la contestation et le dévoiement des statistiques.
-Une administration active et au service du développement, et non cet appareil  oisif, impotent et corrompu, traversé des réseaux d’allégeance et se nourrissant de la haine de la compétence ;
-Une autonomie intellectuelle, avec des citoyens capables de réfléchir par eux-mêmes, sans avoir besoin d’être soufflés par le FMI et réciter Keynes ou Schumpeter, n’ayant aucun besoin de renforcement des capacités des « experts internationaux », et autres procédures d’infantilisation permanente.
Voilà les cinq défis auxquels doit répondre le successeur de Biya et non son départ, car s’il y a unanimité sur la nécessité de son départ, on peut craindre que cette hostilité généralisée à  un homme ne s’accompagne d’aucun consensus sur l’après-Biya. Le tout n’est pas de déclarer qu’on est capable de diriger le Cameroun : encore faut-il être en mesure d’entrer à Etoudi sans être poignardé par un rival et sans avoir égorgé ses rivaux. Le Cameroun est assis sur un volcan et ce n’est pas le charabia sur des concepts vaseux comme la « maturité du peuple camerounais » qui modifiera cet état de chose. Tout le monde souhaite que la transition soit pacifique, mais on sait bien que c’est chacun qui espère capturer le pouvoir d’État au bénéfice de sa communauté : les betis espèrent le conserver. Les nordistes attendent que le pouvoir leur revienne. Les bamiléké évoquent leur présence économique pour justifier leur présence au Palais de l’Unité. Les Anglophones disent que cinquante ans de pouvoir francophone, c’est trop. Il n’y a pas jusqu’aux basa qui réclament le pouvoir pour avoir payé un lourd tribut lors de l’indépendance. Et dans cette ambiance de combat sournois, chacun surveille l’autre, avec un poignard bien aiguisé pour l’égorger le moment venu.
C’est cette ambiance qui est très dangereuse et non pas Biya qui a fait son temps. Et ce qu’on attend, ce n’est pas cette antienne sur son échec,  mais des potentiels candidats à son remplacement et qui se signalent maintenant par des propositions concrètes aux problèmes du pays. De manière à ce que, le moment venu, chaque camerounais puisse dire : « ok, si ce n’est pas mon frère, autant remettre le pouvoir au grand Esso ».

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