Avec la
complicité de Nkoto Emane, Dieudonné Evou Mekou, Louis-Paul Motaze et Polycarpe
Abah Abah. Un hold-up de plusieurs milliards en 35 jours. Franck ne saura plus
se mettre devant le regard de son président de père, grand jésus de la rigueur
et de la moralisation et sultan de l’opération épervier dont il nous annonce
qu’elle ira jusqu’au bout, quitte à ce que toute la République y passe.
L’opinion en était encore à supputer sur la culpabilité du fils
du président et les avocats à innocenter maladroitement Franck Biya, la vérité
a fini par transparaître de la masse de documents produits dans le cadre de
l’affaire et dont certains, ironie du sort, étaient censés établir l’innocence
de Franck mais l’ont plutôt enseveli.
L’histoire pourrait donner froid dans le dos. Calculette en
main, Franck Biya aura mené une opération de «placement» qui lui aura rapporté
6 milliards 580 millions en seulement 35 jours.
Ses avocats et des journalistes visiblement à la solde tentent
de noyer le poisson et argumentent que Franck Biya n’est pas le seul opérateur
économique à avoir spéculé sur les titres Camtel. Okay. Mais il est certain que
tous les autres investisseurs qui ont pris une option sur les titres
de Cameroon Télécommunica-tions n’auront jamais les mêmes faveurs que Franck Biya et que, contrairement à lui qui a bouclé la sienne en un mois, les autres devront attendre au moins cinq ans, le temps de la maturation de l’opération.
de Cameroon Télécommunica-tions n’auront jamais les mêmes faveurs que Franck Biya et que, contrairement à lui qui a bouclé la sienne en un mois, les autres devront attendre au moins cinq ans, le temps de la maturation de l’opération.
Autant on ne fait pas attendre un président de la République à
l’entrée d’un stade, autant on ne fait pas poireauter son fils aux guichets
d’une opération financière.
Au commencement étaient les titres remis à Yves-Michel
Fotso
Un curieux document sorti du ministère des Finances et brandi
fièrement par ses défenseurs comme preuve de son honnêteté, jette une nouvelle
lumière sur le déroulement de cette scabreuse opération. En 2005, Camtel décide
de titriser une partie de sa créance sur l’Etat. Les obligations du trésor à
coupon zéro (les otz, comme on les appelle dans le jargon) sont émises pour
56,7 milliards, on se retrouve ainsi avec 56.745 titres sur le marché.
Pas exactement sur le marché, parce que les titres en question circulent entre copains.
Pas exactement sur le marché, parce que les titres en question circulent entre copains.
La preuve, la majeure partie de ces titres se retrouve entre les
mains de la SFA (société financière africaine) ou de la CBC, les deux
structures appartenant à Yves Michel Fotso.
La «note d’information» publiée par le Minfi (en réalité par la
CAA) nous apprend que 35.400 titres Camtel ont été remis en nantissement à la
CBC ou à la SFA, c’est-à-dire en garantie des crédits que la Camtel contractait
auprès des banques de Fotso. De ces lots de titres remis à Fotso, il y a un lot
de 9400 titres qui intéresse particulièrement Nkoto Emane, qui tient à les
remettre à Afrione, la société de Franck Biya.
Les 9400 titres servaient à garantir un crédit à moyen terme
d’un montant de 4,7 milliards dont la Camtel a bénéficié de la SFA. Qu’à cela
ne tienne, et pour les besoins de la cause. Le 9 août 2006, Nkoto Emane écrit à
la SFA et lui dit qu’il tient à rembourser par anticipation le crédit qu’il a
contracté à ses guichets et qu’il souhaite que les 9 400 titres laissés en
nantissement soient remis à Afrione. Le crédit en question est remboursé en
deux temps, une première tranche de 1,014 milliard par chèque tiré sur
Citibank, et le reste, un peu plus de 3,5 milliards, sera couvert par une
lettre de garantie à première demande.
La lettre en question sera servie quelques jours plus tard par
Afriland First Bank, dans laquelle officie comme directeur général un certain…
Alamine Ousmane Mey.
Manoeuvres de sorcellerie financière
Assurée de rentrer en possession de son argent, la SFA libère
les 9 400 titres qu’elle remet à Afrione. Et là apparaissent au grand jour les
manoeuvres en sorcellerie financière qui ont ponctué de bout en bout
l’opération des titres de la Camtel.
On constate que les titres émis par Nkoto Emane se négocient à
50 % de leur valeur faciale. Si 9400 titres valent 9,4 milliards, on les
négocie à 4,7 milliards. Plutôt curieux pour une entreprise qui se dit ruinée
et qui a besoin d’argent frais. La loi fait obligation à un émetteur de titres
de valeurs mobilières de communiquer certaines informations fondamentales. Pour
le cas des titres Camtel, ils sont émis pour une durée de cinq ans avec un taux
d’intérêt de 3 %. Et c’est sur ce point que Franck Biya va se faire prendre.
Il prend officiellement possession des titres le 27 août 2006,
mais n’attendra pas la maturité de cinq ans. Le 2 octobre 2006, soit 35 jours
plus tard, le voilà qui cède par anticipation ses titres à la Caa. Dieudonné
Evou Mekou, Dg de Caa les rachète, non pas à leur valeur transactionnelle d’il
y a à peine plus d’un mois, mais à leur valeur faciale. En clair, les titres
acquis 30 jours plus tôt pour 4,7 milliards valent le double, à savoir 9,4
milliards que la Caa va se mettre en devoir de racheter.
Pour bien brouiller les pistes, on fait mine de lui appliquer
une décote de 30 % avec en plus, l’abandon des intérêts courus ou restant à
courir. Franck Biya n’aura été détenteur de ces titres que pour une très courte
période, les intérêts qu’il pouvait raisonnablement en attendre étaient
insignifiants ou nuls. Une telle chance n’arrive à un homme que s’il s’appelle
Franck Biya. Il est improbable et impossible que Yves Michel Fotso aurait pu
bénéficier du même traitement de faveur absolue.
Franck Biya s’en sort donc avec un jackpot. Il a misé 4,7
milliards et il a gagné 6 milliards 580 millions. En seulement 35 jours. Quand
on dit qu’il a misé 4,7 milliards pour acquérir les titres Camtel,
l’affirmation est à prendre avec des pincettes et pourrait s’avérer inexacte.
De tous les versements effectués à la SFA en remboursement du crédit contracté
par la Camtel, il n’y a aucune trace de versements effectués par Franck Biya
lui-même ni même par Afrione Cameroun.
Sinon, alors que les journaux sont envahis de facsimilés, on
aurait au moins vu circuler un seul chèque d’Afrione ou de Franck Biya. Mais
jusque-là, on fait l’impasse sur le détail. On en conclut que les autres, la
Camtel de Nkoto Emane et Afriland First Bank de Alamine Ousmane Mey, ont payé
pour lui. Il remboursera peut-être plus tard, mais ce sera une autre affaire.
Pour l’instant, personne de ses défenseurs ne dit qu’il a empoché ses milliards
sans bourse délier.
Les avocats du diable à Yaoundé, volant au secours du fils du
président, des esprits bien pensants se sont commis avocats du diable. Ils
multiplient sophismes et arguties pour expliquer l’inexplicable.
Pour les auteurs de la «version originale» partie du Minfi, «au
regard de ce qui précède, l’on peut affirmer que la transaction relative au
paiement anticipé des titres Camtel, acquis par Afrione, s’est déroulée
conformément aux règles de l’art en la matière, à savoir, et à titre principal
: abandon des intérêts échus ou à échoir et décote de la valeur faciale des
titres…»
On est en face d’une première argutie juste propre à accroire le
grand public et à mener les Camerounais en bateau. Aucune règle de l’art n’a
prévalu dans cette opération. Les titres émis en 2006 seraient théoriquement
arrivés à maturité en 2014, la date à laquelle Caa se serait trouvée dans
l’obligation de payer la valeur faciale des titres et les intérêts sur cinq
ans.
Il y a trois crimes majeurs dans l’opération Camtel.
D’abord, au moment d’émettre les titres, Nkoto Emane a choisi
d’abandonner de facto la moitié de sa créance sur l’Etat. Les titres ont été
négociés à la moitié de leur valeur, exactement comme on négocierait des actifs
pourris ou toxiques sur le marché financier. Or les obligations du trésor ne
sauraient être classés actifs toxiques. Le premier péché de Nkoto Emane aura
été de faire valoir que la garantie de l’Etat ne vaut pas tripette. Il ne le
croit cependant pas. Il a fait exprès de placer les titres avec une décote de
50 % pour mieux les céder à de petits copains. On comprend pourquoi aucune
publicité n’aura été faite autour de ces titres auprès du public.
Deuxième crime pendable.Lorsqu’on soutient que les titres
rachetés à Afrione l’ont été avec une décote de 30 %, le mensonge est tout ce
qu’il y a d’ignoble. Les titres émis et achetés en 2006 avec une maturité de 10
ans ne font jamais leur valeur faciale la même année.Le crime a consisté à
racheter à Franck Biya les titres dont il était porteur à un moment où ils ne
valaient guère plus que leur valeur d’acquisition, c’est-à-dire 4,7 milliards
de Fcfa.
Autrement dit, Dieudonné Evou Mekou aura indûment payé près de
deux milliards en intérêts fictifs à Franck Biya. Combien d’autres porteurs de
ces titres ont bénéficié de ces remboursements par anticipation aux mêmes
conditions ?
D’où un troisième crime d’apprenti sorcier. L’on soutient que
l’Etat du Cameroun est gagnant dans l’opération, parce qu’il aura économisé 5,6
milliards sur la valeur à maturité des titres en plus des intérêts. En finance,
on ne verse pas d’intérêts sur de l’argent qu’on n’a pas reçu.
Combien Franck Biya a-t-il versé pour acquérir les titres
en question ?
En attendant que la bande à Nkoto Emane daigne nous servir les
preuves, même antidatées si elle y tient, les conclusions sont faites : le
Cameroun vient de vivre une vaste opération d’escroquerie financière et
intellectuelle sous la forme d’un délit d’initiés en bande organisée.
Le clan auquel nous devons une telle opération de magiciens est
connu :
outre Nkoto Emane,
l’oncle du village, on retrouve Louis-Paul Motaze à la manoeuvre, en attendant
que le scandale annoncé des titres CNPS livre ses secrets, Alamine Ousmane Mey
qui jouait le libéro en couverture pour Franck Biya avec des lettres ultra méticuleuses
de garantie bancaire, Dieudonné Evou Mekou, le presque inamovible directeur
général de la CAA, le gardien des titres qui sait à l’occasion garder la cage,
et Polycarpe Abah Abah, le préposé aux marmites financières de la République.
La justice camerounaise
appelle ça le détournement en coaction, un délit pour lequel d’illustres
acteurs de la scène camerounaise sont en prison. Et pour beaucoup moins que six
milliards et demi.
C’est Paul Biya qui va
être pour le moins embarrassé avec son Opération Epervier.
© Les Nouvelles du
Pays : Alex Bema
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