Marafa

Marafa
Le prisonnier légendaire du SED.

vendredi 14 décembre 2012

6ème Lettre: Marafa H. Yaya s'adresse à la CONAC


Monsieur le président, 
C’est avec grand intérêt que j’ai pris connaissance du « Rapport sur l’état de la lutte contre la corruption au Cameroun en 2011 » publié par la commission nationale anti corruption en novembre 2012. 
Vous savez l’importance du tout premier ordre dont est investie à mes yeux la mission de votre organisme. 
Précisément pour cette raison, je suis extrêmement surpris de voir mon nom figurer au tableau n°12 récapitulant »les montants destinés à être engrangés au niveau de chaque fait générateur d’indemnisation » dans le chapitre portant sur les enquêtes relatives à l’exécution du projet du port en eau profonde de Kribi. » 
Du projet en question, il est écrit en page 158 du rapport : « le port en eau profonde de Kribi constitue un enjeu capital dans le cadre du développement de notre pays…. » « Selon les experts, un site situé entre les villes de Kribi et de Campo répondrait parfaitement à ces préoccupations. C’est dans ce cadre que l’arrêté n° 000156N.14.4/MINDAF/D410 du 06 février 2009 a déclaré d’utilité publique une zone située entre Kribi et Campo, incluant l’arrondissement de Lokoundjé. Conséquemment, le décret n° 2010/323 du 14 octobre 2010 a classé dans le domaine public artificiel les terrains nécessaires aux travaux d’aménagement du complexe industrialo-portuaire de Kribi. Y faisant suite, le décret n° 2010/3312/PM du 30 novembre 2010 en a exproprié les propriétaires terriens détenteurs ou non des titres fonciers. 
Cette opération a, selon le rapport, donné lieu à des « exactions » et à des « crimes d’initiés », décrits dans les termes suivants en pages 164, 169 et 170 : « L’occasion faisant le larron, nombre de Camerounais venant de tous les horizons et d’étrangers, de peu de scrupules, pourvu d’un flair affairiste et moralement pas du tout intègres et sans doute informés à travers des réseaux mafieux, se sont rués dès 2008 sur la zone destinée à être expropriée » ; « il n’est point besoin d’établir que le projet de construction du Port en eau profonde de Kribi a suscité des vocations criminelles ayant allègrement conduit à un complot financier contre l’Etat du Cameroun ;» « jamais avant 2009, la zone en cause n’a connu une telle effervescence de demandes et d’obtention, coûte que coûte, d’un nombre ahurissant de titres fonciers. » 
Dans ce contexte, la mention même de mon nom équivaut clairement à m’accuser d’avoir voulu obtenir, dans une démarche au mieux bassement spéculative et au pire frauduleuse, une indemnisation disproportionnée au titre de ma possession de parcelles dans la zone soumise à expropriation. 
Il est exact que je détiens deux (02) parcelles dans un lotissement approuvé par les administrations compétentes de l’Etat, sur un domaine privé. Seulement, je les ai acquises il y a 15 ans, comme en atteste le titre foncier n° 1702/0 en date du 02 juillet 1997. Ces deux parcelles ont fait l’objet d’un morcellement ayant abouti à la délivrance en ma faveur des titres fonciers n° 1715 et 1716 en date du 10 septembre 1997. 
Vous me permettrez de vous faire noter que cette date précède de près de 12 ans l’arrêté du 06 février 2009 déclarant d’utilité publique la zone réservée au port en eau profonde de Kribi. 
J’ajoute qu’en 2003, j’ai acquis dans le même lotissement, une parcelle mitoyenne aux deux précédents, comme en atteste le titre foncier n° 2559 en date du 23 octobre 2003. Cette fois encore, vous me permettrez de vous faire noter que cette date précède de près 6 ans l’arrêté du 06 février 2009. 
Enfin, vous me permettrez de vous donner les indications suivants sur l’usage que j’ai fait jusqu’à présent de ces parcelles, et de vous demander si elles sont cohérentes avec une quelconque visée spéculative : j’y ai construit un mur d’enceinte en matériaux définitifs et aménagé un jardin avec un point d’eau, je m’y suis rendu chaque fois que j’en ai eu l’occasion avec ma famille et des amis ; j’y ai réservé un espace où construite une maison pour passer paisiblement une partie de l’année pendant la retraite. 

Voulez-vous m’indiquer en quoi ces intentions sont fautives ? 
Mais, même si n’étaient pas manifestes l’antériorité considérable de l’opération d’acquisition sur les arrêtés d’expropriation et l’usage manifestement non spéculatif de parcelles, il vous aurait suffi de considérer le fait crucial suivant pour ne pas songer une seconde à me mettre en cause : Je n’ai jamais été notifié d’une quelconque décision d’expropriation visant mes parcelles et, logiquement, je n’ai jamais perçu la moindre indemnisation à ce titre, sous quelque forme que ce soit, espèces, chèque ou virement. 
D’ailleurs, il n’est pas certain que les travaux d’aménagement du port en eau profonde de Kribi s’étendent jusqu’à ces parcelles. Il va sans dire que si tel était toutefois le cas, comme semble le suggérer votre rapport, je ferai évidemment contre mauvaise fortune bon cœur et je me plierai aux exigences d’une expropriation. 
En résumé, mon nom se retrouve dans ce rapport pour avoir, des années avant une décision d’expropriation qui ne les vise probablement pas, acquis des parcelles en vue de ma retraite, et ce, sans avoir perçu la moindre somme. 
Je veux croire qu’il s’agit là du fruit de la confusion et du manque de sérieux. La grossière erreur de calcul ayant abouti au « Total Marafa Hamidou Yaya » figurant en page 167 est une autre raison de le penser. 
Quelle que soit l’intention sous-jacente, je suis gravement calomnié par ce rapport. 
J’exige donc qu’une correction avec le degré nécessaire de clarté et de publicité y soit apportée dans les plus brefs délais. 
Veuillez agréer, monsieur le président, l’expression de ma considération distinguée. 

Yaoundé, 05 décembre 
(é) Marafa Hamidou Yaya

dimanche 9 décembre 2012

AFFAIRE FRANCK BIYA: C’EST CONFIRMÉ, FRANCK BIYA S’EST IRRÉGULIÈREMENT APPROPRIÉ DES MILLIARDS DE L’ARGENT PUBLIC !


Avec la complicité de Nkoto Emane, Dieudonné Evou Mekou, Louis-Paul Motaze et Polycarpe Abah Abah. Un hold-up de plusieurs milliards en 35 jours. Franck ne saura plus se mettre devant le regard de son président de père, grand jésus de la rigueur et de la moralisation et sultan de l’opération épervier dont il nous annonce qu’elle ira jusqu’au bout, quitte à ce que toute la République y passe.
L’opinion en était encore à supputer sur la culpabilité du fils du président et les avocats à innocenter maladroitement Franck Biya, la vérité a fini par transparaître de la masse de documents produits dans le cadre de l’affaire et dont certains, ironie du sort, étaient censés établir l’innocence de Franck mais l’ont plutôt enseveli.
L’histoire pourrait donner froid dans le dos. Calculette en main, Franck Biya aura mené une opération de «placement» qui lui aura rapporté 6 milliards 580 millions en seulement 35 jours.
Ses avocats et des journalistes visiblement à la solde tentent de noyer le poisson et argumentent que Franck Biya n’est pas le seul opérateur économique à avoir spéculé sur les titres Camtel. Okay. Mais il est certain que tous les autres investisseurs qui ont pris une option sur les titres
de Cameroon Télécommunica-tions n’auront jamais les mêmes faveurs que Franck Biya et que, contrairement à lui qui a bouclé la sienne en un mois, les autres devront attendre au moins cinq ans, le temps de la maturation de l’opération.
Autant on ne fait pas attendre un président de la République à l’entrée d’un stade, autant on ne fait pas poireauter son fils aux guichets d’une opération financière.
Au commencement étaient les titres remis à Yves-Michel Fotso
Un curieux document sorti du ministère des Finances et brandi fièrement par ses défenseurs comme preuve de son honnêteté, jette une nouvelle lumière sur le déroulement de cette scabreuse opération. En 2005, Camtel décide de titriser une partie de sa créance sur l’Etat. Les obligations du trésor à coupon zéro (les otz, comme on les appelle dans le jargon) sont émises pour 56,7 milliards, on se retrouve ainsi avec 56.745 titres sur le marché. 
Pas exactement sur le marché, parce que les titres en question circulent entre copains.
La preuve, la majeure partie de ces titres se retrouve entre les mains de la SFA (société financière africaine) ou de la CBC, les deux structures appartenant à Yves Michel Fotso.
La «note d’information» publiée par le Minfi (en réalité par la CAA) nous apprend que 35.400 titres Camtel ont été remis en nantissement à la CBC ou à la SFA, c’est-à-dire en garantie des crédits que la Camtel contractait auprès des banques de Fotso. De ces lots de titres remis à Fotso, il y a un lot de 9400 titres qui intéresse particulièrement Nkoto Emane, qui tient à les remettre à Afrione, la société de Franck Biya.
Les 9400 titres servaient à garantir un crédit à moyen terme d’un montant de 4,7 milliards dont la Camtel a bénéficié de la SFA. Qu’à cela ne tienne, et pour les besoins de la cause. Le 9 août 2006, Nkoto Emane écrit à la SFA et lui dit qu’il tient à rembourser par anticipation le crédit qu’il a contracté à ses guichets et qu’il souhaite que les 9 400 titres laissés en nantissement soient remis à Afrione. Le crédit en question est remboursé en deux temps, une première tranche de 1,014 milliard par chèque tiré sur Citibank, et le reste, un peu plus de 3,5 milliards, sera couvert par une lettre de garantie à première demande.
La lettre en question sera servie quelques jours plus tard par Afriland First Bank, dans laquelle officie comme directeur général un certain… Alamine Ousmane Mey.
Manoeuvres de sorcellerie financière
Assurée de rentrer en possession de son argent, la SFA libère les 9 400 titres qu’elle remet à Afrione. Et là apparaissent au grand jour les manoeuvres en sorcellerie financière qui ont ponctué de bout en bout l’opération des titres de la Camtel.
On constate que les titres émis par Nkoto Emane se négocient à 50 % de leur valeur faciale. Si 9400 titres valent 9,4 milliards, on les négocie à 4,7 milliards. Plutôt curieux pour une entreprise qui se dit ruinée et qui a besoin d’argent frais. La loi fait obligation à un émetteur de titres de valeurs mobilières de communiquer certaines informations fondamentales. Pour le cas des titres Camtel, ils sont émis pour une durée de cinq ans avec un taux d’intérêt de 3 %. Et c’est sur ce point que Franck Biya va se faire prendre.
Il prend officiellement possession des titres le 27 août 2006, mais n’attendra pas la maturité de cinq ans. Le 2 octobre 2006, soit 35 jours plus tard, le voilà qui cède par anticipation ses titres à la Caa. Dieudonné Evou Mekou, Dg de Caa les rachète, non pas à leur valeur transactionnelle d’il y a à peine plus d’un mois, mais à leur valeur faciale. En clair, les titres acquis 30 jours plus tôt pour 4,7 milliards valent le double, à savoir 9,4 milliards que la Caa va se mettre en devoir de racheter.
Pour bien brouiller les pistes, on fait mine de lui appliquer une décote de 30 % avec en plus, l’abandon des intérêts courus ou restant à courir. Franck Biya n’aura été détenteur de ces titres que pour une très courte période, les intérêts qu’il pouvait raisonnablement en attendre étaient insignifiants ou nuls. Une telle chance n’arrive à un homme que s’il s’appelle Franck Biya. Il est improbable et impossible que Yves Michel Fotso aurait pu bénéficier du même traitement de faveur absolue.
Franck Biya s’en sort donc avec un jackpot. Il a misé 4,7 milliards et il a gagné 6 milliards 580 millions. En seulement 35 jours. Quand on dit qu’il a misé 4,7 milliards pour acquérir les titres Camtel, l’affirmation est à prendre avec des pincettes et pourrait s’avérer inexacte. De tous les versements effectués à la SFA en remboursement du crédit contracté par la Camtel, il n’y a aucune trace de versements effectués par Franck Biya lui-même ni même par Afrione Cameroun.
Sinon, alors que les journaux sont envahis de facsimilés, on aurait au moins vu circuler un seul chèque d’Afrione ou de Franck Biya. Mais jusque-là, on fait l’impasse sur le détail. On en conclut que les autres, la Camtel de Nkoto Emane et Afriland First Bank de Alamine Ousmane Mey, ont payé pour lui. Il remboursera peut-être plus tard, mais ce sera une autre affaire. Pour l’instant, personne de ses défenseurs ne dit qu’il a empoché ses milliards sans bourse délier.
Les avocats du diable à Yaoundé, volant au secours du fils du président, des esprits bien pensants se sont commis avocats du diable. Ils multiplient sophismes et arguties pour expliquer l’inexplicable.
Pour les auteurs de la «version originale» partie du Minfi, «au regard de ce qui précède, l’on peut affirmer que la transaction relative au paiement anticipé des titres Camtel, acquis par Afrione, s’est déroulée conformément aux règles de l’art en la matière, à savoir, et à titre principal : abandon des intérêts échus ou à échoir et décote de la valeur faciale des titres…»
On est en face d’une première argutie juste propre à accroire le grand public et à mener les Camerounais en bateau. Aucune règle de l’art n’a prévalu dans cette opération. Les titres émis en 2006 seraient théoriquement arrivés à maturité en 2014, la date à laquelle Caa se serait trouvée dans l’obligation de payer la valeur faciale des titres et les intérêts sur cinq ans.
Il y a trois crimes majeurs dans l’opération Camtel.
D’abord, au moment d’émettre les titres, Nkoto Emane a choisi d’abandonner de facto la moitié de sa créance sur l’Etat. Les titres ont été négociés à la moitié de leur valeur, exactement comme on négocierait des actifs pourris ou toxiques sur le marché financier. Or les obligations du trésor ne sauraient être classés actifs toxiques. Le premier péché de Nkoto Emane aura été de faire valoir que la garantie de l’Etat ne vaut pas tripette. Il ne le croit cependant pas. Il a fait exprès de placer les titres avec une décote de 50 % pour mieux les céder à de petits copains. On comprend pourquoi aucune publicité n’aura été faite autour de ces titres auprès du public.
Deuxième crime pendable.Lorsqu’on soutient que les titres rachetés à Afrione l’ont été avec une décote de 30 %, le mensonge est tout ce qu’il y a d’ignoble. Les titres émis et achetés en 2006 avec une maturité de 10 ans ne font jamais leur valeur faciale la même année.Le crime a consisté à racheter à Franck Biya les titres dont il était porteur à un moment où ils ne valaient guère plus que leur valeur d’acquisition, c’est-à-dire 4,7 milliards de Fcfa.
Autrement dit, Dieudonné Evou Mekou aura indûment payé près de deux milliards en intérêts fictifs à Franck Biya. Combien d’autres porteurs de ces titres ont bénéficié de ces remboursements par anticipation aux mêmes conditions ?
D’où un troisième crime d’apprenti sorcier. L’on soutient que l’Etat du Cameroun est gagnant dans l’opération, parce qu’il aura économisé 5,6 milliards sur la valeur à maturité des titres en plus des intérêts. En finance, on ne verse pas d’intérêts sur de l’argent qu’on n’a pas reçu.
Combien Franck Biya a-t-il versé pour acquérir les titres en question ?
En attendant que la bande à Nkoto Emane daigne nous servir les preuves, même antidatées si elle y tient, les conclusions sont faites : le Cameroun vient de vivre une vaste opération d’escroquerie financière et intellectuelle sous la forme d’un délit d’initiés en bande organisée.
Le clan auquel nous devons une telle opération de magiciens est connu :
outre Nkoto Emane, l’oncle du village, on retrouve Louis-Paul Motaze à la manoeuvre, en attendant que le scandale annoncé des titres CNPS livre ses secrets, Alamine Ousmane Mey qui jouait le libéro en couverture pour Franck Biya avec des lettres ultra méticuleuses de garantie bancaire, Dieudonné Evou Mekou, le presque inamovible directeur général de la CAA, le gardien des titres qui sait à l’occasion garder la cage, et Polycarpe Abah Abah, le préposé aux marmites financières de la République.
La justice camerounaise appelle ça le détournement en coaction, un délit pour lequel d’illustres acteurs de la scène camerounaise sont en prison. Et pour beaucoup moins que six milliards et demi.
C’est Paul Biya qui va être pour le moins embarrassé avec son Opération Epervier.
© Les Nouvelles du Pays : Alex Bema

mercredi 5 décembre 2012

AHMADOU AHIDJO, PAUL BIYA ET LA SANTÉ ÉCONOMIQUE DU PAYS


Voici notre contre - enquête sur  le vrai bilan économique du Cameroun depuis les indépendances jusqu’à nos jours.
Dans le quotidien Le Jour du 07 Novembre 2012, a été publié un très long article intitulé  « Le Vrai Bilan économique de Paul Biya », sous la plume d’un soi-disant « groupe de cadres camerounais en service dans les administrations publiques et qui, du fait de leurs fonctions, ont souhaité garder l’anonymat ».
Les auteurs ont dressé un violent réquisitoire contre les trente ans du régime de Biya, et on peut s’accorder sur certaines de leurs conclusions, même si, d’une manière générale, l’argumentaire reste très faible. Quelques points ont particulièrement attiré l’attention :
1-les grands projets : les auteurs accusent le chef de l’État d’avoir été une « victime d’une idée fort ancienne, celle en vogue il y a près de 30-40 lorsqu’on pensait que la croissance et le développement étaient synonyme de réalisation de Grands Projets d’infrastructures de l’Etat ». Ils estiment les grands projets peu appropriés au motif qu’ils ne génèrent pas la croissance. Tout d’abord, il faut dire que l’idée des Grands Projets, à l’origine, ne vient pas de Biya, mais de l’échec du DSCE (Document de stratégie pour la croissance et l’emploi) qui avait mis l’accent sur le secteur social et dont la mise en œuvre avait abouti à des interventions très dispersées entrainant une dilution de ressources. D’où l’idée de concentrer les ressources sur les activités ayant le plus fort impact. Comme le Cameroun restait sous le contrôle du FMI, le Gouvernement ne pouvait faire autrement que de concentrer ses efforts sur les infrastructures qui lui sont autorisées par la religion du libéralisme. S’agissant maintenant du faible impact évoqué à leur encontre, il faut noter qu’une économie est un organisme dans lequel chaque acteur joue son rôle : l’investissement public en est le moteur et son but n’est pas la création directe de la croissance, mais la levée des contraintes qui empêchent le secteur privé de s’exprimer de manière optimale, car c’est au secteur privé de créer des activités rentables qui gonflent le revenu. Le rôle de l’État se limitant dans l’amélioration du biotope, le choix des infrastructures est nécessairement judicieux. Par contre, le choix des ports en eau profonde et des autoroutes est contestable et a été contesté, mais évidemment pour des raisons qui n’ont rien à voir avec celles des auteurs anonymes du journal Le Jour. Leur véritable danger réside dans le fait qu’ils sont consommateurs en devises : par exemple, l’autoroute Yaoundé-Douala va intensifier la circulation des véhicules de tourisme, mais son apport en termes de production des devises restera faible. Ce qu’il faut reprocher au système, ce n’est pas le choix des Grands Projets, mais c’est le choix de ce qu’il faut faire et la manière de le faire.
2-Sur les revenus générés par les mines : les auteurs reprochent à M. Biya de privilégier les recettes venant des mines, au lieu de la production locale, se mettant ainsi au service des multinationales. Il s’agit là d’une vision enfantine : d’un point de vue technique, un FCFA engrangé sur l’or ou sur le fer a une qualité plus élevé qu’un FCFA engrangé sur un service dispensé à la population. Pourquoi ?  Parce que c’est une devise qui peut permettre d’acheter un bulldozer à  l’extérieur, alors que les FCFA travaillés sur la base des services locaux n’ont aucune contrepartie extérieure. En réalité, c’est une simple circulation des devises.
3-Sur l’endettement extérieur : les auteurs évoquent les grands projets dont le coût total s’évalue à 10130 Milliards et s’interrogent sur la capacité du Cameroun à rembourser cette somme. En fait, c’est une interrogation inutile, car la situation du Cameroun ne lui permet pas de trouver une telle somme et, en dehors des quelques barrages acceptée par la Chine pour des besoins de positionnement stratégique, il n’y a plus personne pour nous prêter de l’argent. Tout le tralala fait sur les financements n’est que l’action de quelques escrocs internationaux qui abusent de la crédulité nationale pour nous miroiter des projets. En fait, l’endettement du Cameroun ne viendra pas de ce type d’opérations, mais simplement du déficit cumulé de la balance courante. La situation est en effet très grave : au lendemain de l’Atteinte du Point d’achèvement de l’Initiative PPTE, en 2007, le déficit commercial du Cameroun n’était que de 70 Milliards. En 2008, il est monté à 203 Milliards. En 2009, il a atteint 417 Milliards. En 2010, le déficit a grimpé à 606 Milliards, avant d’exploser en 2011 à  1076 Milliards. Malgré la légère incurvation liée à l’amélioration des recettes pétrolières dont les ventes ont évolué considérablement (plus de 300 Milliards de recettes supplémentaires), le déficit pour cette année (2012) atteignait déjà 714 Milliards au cours des 9 premiers mois.
Cinq ans seulement après la sortie de l’ajustement, les engagements extérieurs du Cameroun liés au déficit cumulé de la balance courante s’évaluent déjà à 3085 Milliards. Or, il n’y a aucune perspective que cette situation s’améliore, bien au contraire. Notre déficit commercial est alimenté par la consommation urbaine et l’amélioration de la scolarisation qui modifie le profil de consommation au profit des biens importés : costumes, téléphones, etc. L’alimentation, et notamment les importations de riz, explose. Les jeunes abandonnent les villages pour la ville où ils viennent gonfler le nombre de consommateurs de devises, alors même que la paysannerie vieillit.
Le déficit commercial n’est pas un risque tant qu’une économie est vivante, car ce déficit est compensé par des excédents et les deux se compensent mutuellement dans le temps. A contrario, l’économie du Cameroun est devenue une économie-zombie et le déficit est devenu une exigence fonctionnelle d’une vie apparente. Ce déficit va le replonger dans une situation à la Grèce avant 2016.
4-Sur les détournements de fonds : les auteurs ont montré que les détournements de fonds ne sauraient expliquer la situation du Cameroun, compte tenu de la modicité des sommes détournées. C’est vrai, mais il faut élargir la problématique en la portant sur le plan macroéconomique : les détournements sont des phénomènes microéconomiques de transfert de propriété d’un acteur économique, appelé État vers un autre acteur économique appelé « ministre voleur ». Mais l’argent ne sort pas du territoire et les détournements ne sauraient freiner un pays. Ils conduisent simplement à une concentration excessive de l’outil de production entre quelques mains, une petite poignée de familles détenant les hôtels, les usines, les plantations, etc. Mais au moins, il y a un outil de production, contrairement au Cameroun où il n’y a rien du tout. Ce qui pose problème dans notre pays, ce n’est pas les détournements de fonds, mais l’incapacité du système à maintenir une substance productive et l’échec de toutes les tentatives de créer une PME, que ce soit avec l’argent propre ou avec l’argent sale, avec l’argent local ou l’argent étranger.
5-sur les autres points : les autres points sur lesquels portent les critiques ont trait aux défaillances de la politique économique, qu’elle concerne le financement, l’agriculture, la politique monétaire ou l’éducation. La démarche trahit la méconnaissance des trois (3) strates d’analyses qu’il faut respecter pour aboutir à une perception saine de la réalité économique et aboutir à des solutions efficaces. La première strate est la faisabilité macroéconomique d’une politique, autrement dit, sa viabilité par rapport au contexte international. Avant d’engager une politique agricole, il faut d’abord s’assurer qu’elle est possible et à quelles conditions. Et de ce point de vue, malgré les illusions des économistes, le développement du secteur agricole est impossible au Cameroun à cause de deux verrous macroéconomique.
Le premier verrou, appelé « non-connivence du système productif », est à  discontinuité  de  la  filière  agricole  qui  se traduit par une désarticulation entre la production nationale, essentiellement faite par les paysans, et la demande nationale industrielle. Le problème majeur est que les caractéristiques de la production artisanale très instable et imprévisible sont incompatibles avec le marché  industriel qui ne peut fonctionner que sur des prévisions. Cette  incompatibilité  a  un  double  effet : elle  empêche  d’un  côté  l’agriculture  artisanale  de  profiter  du  marché  industriel pour se développer et d’un autre côté, elle déstabilise les exploitations modernes qui se  trouvent  dans  l’impossibilité  d’évoluer.  La  conséquence  est  un  verrouillage  du système productif agricole et une réduction considérable de ses possibilités d’extension.
Le second est le « verrou de la contrepartie extérieure », c’est-à-dire, la tendance des paysans à consommer aussi les biens importés sitôt que leur revenu s’améliore, remplaçant ainsi le déficit agricole par un déficit électroménager plus important.
De tels verrous ne peuvent pas autoriser la réussite d’une politique agricole et on le voit bien : la haute élite camerounaise (ministres, directeurs généraux, colonels, etc.) qui n’a pas de problèmes sur le plan financier ou d’accès à la terre s’y est essayée et s’est cassée les dents. Le problème est ailleurs.
La seconde strate de l’analyse est le niveau organique, et elle n’est valable que si le niveau macroéconomique autorise l’opération. Elle consiste par exemple à adopter, pour la banque agricole, une architecture compatible avec ses missions et la sociologie du Cameroun. Les auteurs du réquisitoire contre Paul Biya ont donc raison de dénoncer la configuration adoptée par le gouvernement qui reprend les défunts FONADER et Crédit Agricole totalement inadaptés, mais que proposent-ils en échange?
Enfin, la troisième strate relève de la gestion, c’est-à-dire, du bon choix des responsables et d’une bonne gouvernance interne de l’entreprise. C’est essentiellement à ce niveau que la plupart des gens limitent leur perception, mais s’il est nécessaire d’avoir de bons gestionnaires, encore faut-il que le projet lui-même soit intrinsèquement viable, d’abord sur le plan macroéconomique, ensuite sur le plan organique.
Propositions concrètes
Quoi qu’il en soit et sans s’attarder sur l’interminable litanie des critiques, il est peut-être utile de se passer d’analyse plus élevée pour montrer l’inanité d’un grand nombre de discours entretenus par l’ignorance orgueilleuse et la solennité magistrale.
Une analyse objective montre qu’en Afrique, la croissance est  mécaniquement définie par la capacité autonome de financement extérieur, c’est-à-dire, les ressources naturelles exploitables par rapport au prix international, les recettes touristiques, les transferts de la diaspora et les dons. Comme le montre le graphique suivant, ce facteur intervient pour 90% dans la formation du revenu : c’est comme si le revenu en Afrique était une note dans laquelle la capacité autonome était notée sur 90 et le reste sur 10. Ce reste comprend la volonté des dirigeants, les sacrifices des populations, la bonne gouvernance du FMI et de la Banque mondiale, la monnaie souveraine, les Visions des pays émergents, les coopérations actives et bien d’autres bibelots.
Dans ce tableau, on voit bien, d’une part, que quel que soit le pays, tout le monde évolue autour de cette ligne qui représente 90% du PIB ; les losanges du tableau représentent les pays de le zone Franc et il apparaît de manière claire qu’ils ne sont ni plus pénalisés, ni moins pénalisés que les autres. L’action du FCFA est donc économiquement neutre. Maintenant, si on compare le Cameroun à deux autres pays emblématiques comme le Ghana ou le Kenya, on voit bien que tous les trois rodent autour de cette courbe, preuve qu’ils sont comparables et que le discours sur les aptitudes des uns ou l’incompétence des autres est une simple illusion.
Cela est valable pour tous les pays africains, sans exception : la seule manière pour un pays africain de se développer est de tomber fortuitement sur des gisements de pétrole, d’avoir un attrait touristique exceptionnel, de bénéficier de la mansuétude des pays occidentaux ou d’avoir une diaspora très active. Toutes choses en réalité qui ne dépendent guère des politiques économiques nationales.
Ce verrouillage s’est exprimé au Cameroun au cours des années 1991-2010 par l’incapacité de déconnecter le PIB de la Capacité de Financement Autonome. On le voit dans ce graphique : la courbe reliant les deux variables suit un trend rigide et n’a pas les moyens de s’écarter de ce trend. Lorsque le gouvernement fait l’effort de porter le PIB au-delà de la capacité autonome, la courbe se pose au-dessus de la droite, mais elle se ramène brusquement en-dessous quelques années plus tard, preuve que la tentative a échoué : l’économie nationale tangue ainsi alternativement et de manière de plus en plus explosive autour du trend, preuve qu’il y a de réels efforts pour relancer la croissance, mais que ces efforts sont annulés par des forces puissantes et impossibles à surmonter.
Cet arrimage rigide sur la Capacité Autonome de Financement Extérieur n’est que la phase ultime de la grave maladie génétique avec laquelle sont nées les économies africaines. La triste évolution du Cameroun l’illustre : en 1960, la population est essentiellement rurale et ne consomme pas grand-chose de l’étranger ; mais elle produit le cacao, le café et le coton qui génèrent un immense volume de devises.
La consommation ne pèse pas sur la balance extérieure et, à travers des mécanismes de ponction tels que l’ONCPB, l’État peut recycler ces devises en investissements productifs. D’où un taux de croissance annuel supérieur à 7% entre 1960 et 1987.
Malheureusement, ce développement crée lui-même son propre frein : en multipliant les écoles et les unités administratives, il gonfle en même temps le nombre d’intellectuels et la population urbaine, transformant ainsi une population qui produisait essentiellement les devises en une nouvelle population qui ne fait que les consommer. N’ayant pas pu ou su créer une industrie locale d’import-substitution qui aurait pu réduire cette pression aux achats extérieurs, le système productif s’est retrouvé totalement déséquilibré : la confrontation entre une demande explosive des devises face à une offre peu dynamique ne pouvait pousser le système productif que dans un déficit permanent de la balance extérieure dont il lui est impossible de sortir.
A partir de ce moment-là, l’économie du Cameroun a changé radicalement de nature : de son état initial de retard économique, appelé à être résorbé à plus ou moins long terme, le pays a basculé dans un blocage structural appelé « état occlus ». L’état occlus est une situation pathologique particulière, liée à l’histoire particulière de l’Afrique et qui, parce qu’elle ne se rencontre nulle part ailleurs, n’a jamais été envisagée par les écoles de pensée et ne peut donc trouver de solution dans la théorie économique traditionnelle : ni la gouvernance, ni les ajustements du FMI, ni les aides, ni les stratégies, ni la démocratie, ni les théories de Keynes, de Marx ou de Ricardo, rien, absolument rien de tout cela ne peut sortir un pays de cette impasse. Quant à l’émergence, c’est beaucoup plus de l’ordre du rêve : le Cameroun ne peut plus dépasser un taux de croissance de 3%, toute tentative d’aller au-delà se traduisant automatiquement par un endettement explosif.
Si on a compris ce phénomène, on comprend mieux les responsabilités respectives de nos deux présidents : Ahidjo a assez bien perçu le problème, et a tenté de l’éviter en créant de toutes pièces une industrie locale : dans les années 80, le Cameroun produisait en tout ou en partie des vélos, des réfrigérateurs, des habits, des chaussures ; et sur le plan alimentaire, il était autosuffisant. Malheureusement, ce début d’industrialisation n’a pas eu le temps de murir définitivement et, à la faveur de la crise, les occidentaux en ont profité pour éliminer cette dangereuse tentative pour leurs marchés.
Biya s’est retrouvé obligé de relancer une croissance impossible, et on ne peut décemment lui imputer la situation économique actuelle du Cameroun. En fait, c’est de la pure démagogie que de croire que quelqu’un d’autre aurait significativement modifié les choses. Certes, on pourra toujours évoquer les défournements de fonds, mais comme on l’a vu, ceux-ci n’agissent que sur le plan microéconomique.
Le problème du Cameroun apparaît donc davantage comme un problème d’architecture : pour utiliser la jolie expression d’Hubert KAMGANG, c’est comme un enfant né avec un cœur malade dont la pathologie se dévoile peu à peu, indépendamment des conditions de vie et qui ne peut être soigné que s’il est opéré. Ni Biya, ni ses opposants et encore moins sa bureaucratie, qui réfléchissent comme lui, ne peuvent rien modifier à cet état de chose. Le problème ici n’est pas dans leur compétence que personne ne leur refuse, mais dans un formatage mental qui ne leur permet pas de comprendre que dans les conditions actuelles, il n’existe aucun mécanisme humain capable de sortir le Cameroun de la crise, à moins de tomber sur de gigantesques gisements de pétrole ou alors, de soigner sa mauvaise articulation à l’économie internationale.
Il ne sert absolument à rien d’élaborer des visions et des DSCE, d’organiser des rencontres avec le privé, de décimer l’élite nationale par la prison, d’initier des grands projets tant que ce problème de fond n’est pas résolu.
Et c’est ici qu’il faut trouver la vraie culpabilité de Paul Biya : en laissant développer une ambiance d’adoration pour sa personne, il s’est en fait érigé en une sorte de Messie qui allait apporter la prospérité par le simple fait de sa parole. La conséquence en a été un système fondé sur le mouchardage, les réseaux, l’escroquerie intellectuelle et la flagornerie, détruisant les capacités d’analyse du système qui auraient pu l’amener à réagir de manière idoine devant les difficultés. Ahidjo n’était pas un grand intellectuel, mais il respectait l’école et le débat : au moment où le pays n’avait pas suffisamment d’intellectuels, le Cameroun entretenait des débats économiques intenses et le pays disposait d’une capacité d’analyse qui lui permettait de répondre aux divers défis. Mais le Président Biya n’a pu s’entourer que d’une faune parasitaire et malhonnête, totalement incapable de le conseiller réellement : les objectifs du chef de l’État ne sont plus des orientations pour lesquels on doit mobiliser le savoir, ils sont devenus des lois économiques ! Qui ne se rappelle l’hystérie qui avait saisi le Cameroun avec le taux de croissance à deux chiffres ? Qui en parle encore ?
Quelle étrange ambiance au Cameroun, où on ne voit jamais les économistes, c’est-à-dire, les gens qui savent comment l’économie fonctionne prendre position. Mais plutôt des administrateurs civils, des professeurs de lycée, des agronomes ou des journalistes qui parlent d’émergence, alors que les économistes se taisent. Pourquoi ? Parce que les vrais économistes savent que l’économie camerounaise est en danger de mort et qu’elle vit ses derniers instants du fait des mauvais choix.
Cette substitution du savoir par la croyance a permis la prise de contrôle de la gouvernance économique par une bureaucratie apatride se réclamant du FMI et de la Banque mondiale. Le Cameroun est devenu un caniche aux mains de ces individus, et il n’y a qu’à voir comment nos ministres et nos directeurs se mobilisent pour les accueillir et comment le gouvernement se satisfait de leurs opinions. Lamentable ! Ces fonctionnaires ne peuvent avoir un salaire et des missions que si le Cameroun est en difficulté. La croissance réelle du Cameroun qu’ils proclament est une très grave menace sur leur gagne-pain ; et c’est placer le sort d’un malade entre les mains d’un préparateur de pompes funèbres. On le verra d’ailleurs au lendemain de l’atteinte du Point d’achèvement : alors que le FMI avait rempli pleinement sa mission avec un Cameroun qui avait rétabli ses grands équilibres macroéconomiques, voilà que six ans plus tard, le pays a repris une violente chute vers une situation à la Grèce, avec un déficit effrayant dont on ne voit pas comment on peut l’arrêter.
Qui sont les auteurs de l’article ?
Mais, mieux que ces problèmes de fond, c’est la démarche des auteurs de l’article qui traduit le vrai bilan du régime de Biya : un système fondé sur l’hypocrisie, la trahison, les calculs secrets, les coteries tribales, et la mauvaise foi. Si ces auteurs sont des cadres camerounais en service dans les administrations publiques et occupent des fonctions qui justifient leur anonymat, on devrait légitimement penser qu’ils participent dans les missions du RDPC comme cela est de tradition au Cameroun, et qu’en plus, il leur est souvent demandé leur opinion sur les grands choix de la république. Car, il faut bien le dire, les hauts responsables du Cameroun ont le droit de donner leur opinion sur des problèmes techniques et certaines positions ont été réformées, voire réorientés à la suite des rares argumentaires convaincants dont une minuscule poignée de ces cadres s’est montré capable. On sait que les versions du DSCE et de la Vision qui justifient les grands Projets avaient  été mises en ligne pour que chaque camerounais puisse donner librement son opinion. Un très grand nombre d’interventions et d’articles venant de tous les milieux avaient été faits, mais à aucun moment, personne n’a remis en cause le principe des grands projets!
On comprend donc mal quelles pouvaient être les motivations de ces cadres en laissant passer un projet techniquement qu’ils savaient techniquement erronés, alors même qu’ils avaient les moyens de le faire sans compromettre leurs postes, quitte à utiliser l’anonymat : ils auraient alors été utiles à ce moment-là.
De ce fait, il apparaît très peu probable que les auteurs soient des cadres des administrations publiques. Il s’agit très probablement d’une équipe de militants d’un parti d’opposition regroupant quelques cadres de l’administration, quelques économistes de bureaux d’études et peut-être quelques universitaires mus par un désir de déstabiliser le régime de Biya, afin de le capturer le moment venu et créer un régime Biya 2 ou plus exactement, Ahidjo 3.
Les cinq défis des successeurs de M. Biya
Il s’agit là malheureusement des tentatives puériles de s’attaquer au régime de Biya, qui, bien loin d’avoir les effets escomptés, ne peuvent que convaincre davantage du peu d’intelligence de notre opposition. Pourtant, on aurait été édifié, comme cela se passe dans tous les pays du monde, de savoir quelle est la position des partis politiques du Cameroun vis-à-vis des grands projets, ce qui aurait constitué un véritable débat national capable de convaincre de la capacité des uns et des autres à gérer le pays. Et plutôt que de se focaliser sur Biya qui, quel que soit par ailleurs son désir de s’éterniser au pouvoir, ne peut plus le faire à 80 ans. Nous aurions été intéressés de savoir comment les prétendants vont aborder les cinq (5) principaux défis auxquels le Cameroun est confronté, à savoir :
-Une véritable relance économique, marquée par un approfondissement du système productif, le respect des équilibres macroéconomiques et l’amélioration des conditions de vie de la population ;
-La cohabitation communautaire, avec des règles claires de partage des ressources nationales entre diverses communautés, et notamment, un équilibre judicieux et cohérent entre les aptitudes des citoyens et la représentativité régionale ;
-Une démocratie plus conforme à la sociologie camerounaise et tournée vers le développement, loin de cette singerie permanente marquée par le bavardage et l’oisiveté, coûteuse et se signalant par le soupçon systématique, de stériles réformes récurrentes, le mimétisme, l’expression du tribalisme, la contestation et le dévoiement des statistiques.
-Une administration active et au service du développement, et non cet appareil  oisif, impotent et corrompu, traversé des réseaux d’allégeance et se nourrissant de la haine de la compétence ;
-Une autonomie intellectuelle, avec des citoyens capables de réfléchir par eux-mêmes, sans avoir besoin d’être soufflés par le FMI et réciter Keynes ou Schumpeter, n’ayant aucun besoin de renforcement des capacités des « experts internationaux », et autres procédures d’infantilisation permanente.
Voilà les cinq défis auxquels doit répondre le successeur de Biya et non son départ, car s’il y a unanimité sur la nécessité de son départ, on peut craindre que cette hostilité généralisée à  un homme ne s’accompagne d’aucun consensus sur l’après-Biya. Le tout n’est pas de déclarer qu’on est capable de diriger le Cameroun : encore faut-il être en mesure d’entrer à Etoudi sans être poignardé par un rival et sans avoir égorgé ses rivaux. Le Cameroun est assis sur un volcan et ce n’est pas le charabia sur des concepts vaseux comme la « maturité du peuple camerounais » qui modifiera cet état de chose. Tout le monde souhaite que la transition soit pacifique, mais on sait bien que c’est chacun qui espère capturer le pouvoir d’État au bénéfice de sa communauté : les betis espèrent le conserver. Les nordistes attendent que le pouvoir leur revienne. Les bamiléké évoquent leur présence économique pour justifier leur présence au Palais de l’Unité. Les Anglophones disent que cinquante ans de pouvoir francophone, c’est trop. Il n’y a pas jusqu’aux basa qui réclament le pouvoir pour avoir payé un lourd tribut lors de l’indépendance. Et dans cette ambiance de combat sournois, chacun surveille l’autre, avec un poignard bien aiguisé pour l’égorger le moment venu.
C’est cette ambiance qui est très dangereuse et non pas Biya qui a fait son temps. Et ce qu’on attend, ce n’est pas cette antienne sur son échec,  mais des potentiels candidats à son remplacement et qui se signalent maintenant par des propositions concrètes aux problèmes du pays. De manière à ce que, le moment venu, chaque camerounais puisse dire : « ok, si ce n’est pas mon frère, autant remettre le pouvoir au grand Esso ».

dimanche 2 décembre 2012

AFFAIRE FRANCK BIYA: MICHEL PEDIE RÉPOND À PARFAIT SIKI DU JOURNAL REPÈRES


A M. Parfait Siki du journal Repères,
Objet : En réaction à votre article intitulé "Institutions : Pour comprendre l’affaire des titres de Camtel" du 28/11/2012
Le souci pédagogique qui a présidé à la rédaction de votre article est à saluer et à encourager car le vocabulaire financier n’est pas la chose la mieux partagée parmi tous ceux qui émettent des avis au sujet de cette controverse. Il apparaît pourtant que cet effort de clarification des termes du débat est gâché par la conclusion que vous tirez en guise de bilan ; à savoir qu’il peut être reproché à Frank Biya un manquement à l’éthique politique mais rien de ce lui est reproché n’est recevable du point de vue du droit.
Cette tentative de dédouanement de Frank Biya est superflue. Tout d’abord, jusqu’à preuve du contraire, Frank Biya n’est pas un homme politique ; son père l’est sans doute mais pas lui. Ensuite du point de vue de la justice camerounaise tenue par son père, il ne risque rien. Par contre, si les faits allégués étaient commis dans un pays normal où la justice est indépendante du pouvoir politique,  Frank Biya devrait au minimum s’expliquer pour des faits de trafic d’influence, de délit d’initié, de détournement de biens publics et de corruption en bande organisée.
Certes, votre article pourrait être plus précis au niveau des dates et des chiffres en ce qui concerne le nombre de titres et des montants engagés. Toutefois il  permet d’identifier les acteurs en scène et le rôle joué par chacun d’eux. Les opérations que vous expliquez font apparaître 3 acteurs : l’Etat, les entreprises publiques et les investisseurs.
Un Etat endetté, représenté par le ministre des finances, qui a du mal à faire face à ses engagements vis-à-vis de ses créanciers qui décide de titriser sa dette sous forme de zéro-coupons rappelable, c’est-à-dire pouvant être payé avant l’échéance.
Dans un second temps apparaissent les entreprises publiques créancières de l’Etat qui se voient imposées par leur débiteur une renégociation de leurs créances selon le mécanisme précédemment décrit. Celles-ci n’ont d’ailleurs aucune marge de manœuvre dans ce qui leur est demandé car leur principal actionnaire est l’Etat. Cette particularité permet de mettre en évidence la confusion qu’on peut faire de l’Etat et de ces entreprises publiques.
Les entreprises publiques, qui ont donc accordé des prêts à leur principal actionnaire qui fait défaut au moment d’honorer ses engagements, sont confrontées à des tensions de trésorerie et de besoins de financement. Elles font donc appel aux troisièmes acteurs  qui sont les investisseurs privés.
Les investisseurs privés  qui interviennent sont de deux types selon le moment où ils apparaissent dans le cours des évènements. Les investisseurs institutionnels du secteur financier (banques, société d’assurance, entreprises financières) interviennent dans un premier temps et acquièrent les obligations émises par l’Etat auprès de ses créanciers sur le marché secondaire (dont la transparence n’est pas la qualité première).
C’est d’ailleurs leur métier de chercher et saisir toutes les opportunités d’affaires profitables qui s’offrent sur le marché le plus souvent en prenant des risques avec leurs portefeuilles financiers. Elles parviennent après des transactions à détenir des titres à des coûts qu’on peut juger à postériori très avantageux.
Dans un second temps nous avons d’autres investisseurs privés, entreprises non connues sur le marché financier et de capitaux et dont la raison sociale ne peut se rapprocher de ce secteur. Elles interviennent non sur le marché secondaire des obligations d’Etat, mais auprès des créanciers de celui-ci sur lesquels elles exercent des pressions dans le but d’obtenir (ou de racheter si l’on veut) les obligations cédées sur le marché secondaire.
Une fois qu’elles ont obtenues les titres, elles entrent en négociation directe avec l’émetteur de ceux-ci et finalement parviennent à trouver un accord de cession des titres à l’Etat-émetteur en ramassant au passage un bénéfice faramineux.
Pour sortir du cadre purement théorique et fixer les idées  à  ce qui est reproché à Frank Biya, on peut faire le résumé suivant :
1. L’Etat émet des titres dans le cadre de la renégociation de sa dette avec la Camtel
2. La Camtel vend ses titres de créance à la SFA (société financière) d’Yves Michel Fotso
3. Frank Biya par le truchement de ses entreprises Afrione et Ingénierie Forestière exerce des pressions sur la Camtel pour racheter les titres détenus par SFA et finalement obtient gain de cause
4. Frank Biya rentre en  négociation de gré à gré avec l’Etat à qui il cède au final  ses titres contre une plus-value importante.
La légitimité de l’opération de titrisation de la dette de l’Etat ne semble pas questionnable ; ce qui le serait dans un pays normal c’est le débat de la légalité d’une telle décision : est-ce que la théorie du fait du prince ou l’impératif de la continuité du service public justifie que l’Etat décide d’autorité de titriser sa dette dont il n’arrive plus à honorer les échéances ? Cet aspect du problème ne semble toutefois pas le plus déterminant pour la compréhension des faits en question. De même, et sans préjuger de l’existence ou non d’actes délictueux commis, les conditions d’acquisition des titres auprès de la Camtel par les investisseurs à des coûts relativement faibles sont périphériques.
Reste à questionner et tenter d’expliquer le rôle et les agissements de Frank Biya lors du déroulement de toutes ces affaires. En effet, réussir à agrandir son patrimoine de 3 milliards en moins de 6 mois est une prouesse qui mérite d’être saluée si toutes les règles juridiques et éthiques ont été respectées ; et sévèrement punie si elle relève de l’escroquerie, de la corruption ou du détournement fonds publics ou de l’abus de biens sociaux.
Le premier élément frappant de l’attitude de Frank Biya dans le déroulement des faits est son assurance. Sans poste officiel au sein de la Camtel ou de l’Etat, il n’a aucune crainte à successivement faire pression sur la Camtel pour récupérer les titres détenus par la SFA, sur cette dernière pour qu’elle se soumette aux injonctions de la Camtel et signifier à la CAA la mutation en sa faveur de propriété des titres et enfin sur le ministre des finances pour racheter au nom de l’Etat les titres détenus à 2 fois la valeur d’achat. Et ça marche. Tous ceux sur qui les pressions sont exercées obéissent aux injonctions et donnent satisfaction à Frank Biya.
Cette façon d’agir est caractéristique du trafic d’influence dans la mesure où personne ne pourrait s’imaginer Frank Biya pourrait agir de la sorte s’il ne se prévalait de la qualité de fils du président de république ; c’est-à dire du roi du Cameroun et qu’en tant que prince, il parle au nom d’un père dont un seul mot peut transformer le reste de la vie de n’importe quel de ses sujets en enfer permanent ; les anciennes pontes du régimes actuellement en prison pouvant servir d’exemples probants.
Cette assurance permet de conjecturer que dès le début de l’opération, Frank Biya sait pertinemment où il pose ses pions et le but de la manœuvre est de d’empocher les milliards qu’il obtient à la fin. Le contraire est très improbable. Comment imaginer que cet entrepreneur, qui nous est présenté comme avisé par Fame Ndongo, de la foresterie se prête au jeu risqué de créer de toute pièce et dans l’urgence une structure financière (Afrione) ; d’en faire supporter le risque financier à hauteur de plusieurs milliards pour une affaire purement financière par son autre entreprise  dont l’activité de portage financier n’est certainement pas le cœur de métier ; de réussir son opération financière et se retirer avec ses milliards de bénéfices.
Une telle opération si elle échoue est susceptible de valoir à celui qui l’a tentée des poursuites pour abus de confiance et de biens sociaux de la part des actionnaires d’Ingénierie Forestière et du ministère public ; mais Frank Biya sait que cette opération ne peut échouer et qu’il ne risque rien sur le plan financier ou judiciaire.
De deux choses l’une : soit Frank Biya sait avant tout le monde que l’Etat souhaite racheter une partie des titres Camtel et il use de son influence pour entrer en possession de ceux-ci de sorte à les revendre à l’Etat ; soit il a été décidé dans la haute hiérarchie de l’Etat d’organiser cette opération  de prédation avec les concours de responsables gouvernementaux et au sein d’entreprises publiques  dans le but de se partager entre les membres du clan les montants en question.
Dans un pays normal, aucun des deux scénarii ne serait crédible, mais comme l’a dit un Camerounais célèbre par sa fonction et sa longévité à la tête de l’état : « le Cameroun c’est le Cameroun », c’est dire-à dire le pays où le pire est possible. En toute hypothèse, Frank Biya doit répondre soit des faits de détournement de biens publics et de  corruption en bande organisée ou soit de délit d’initié  soit des trois.
De plus, le ministre des finances Abah Abah doit clarifier le rôle qu’il joue dans cette opération et éclairer l’opinion à qui il doit en définitive des comptes ; se murer dans le silence est contre-productif à la fois aux yeux de l’opinion publique et de ses anciens amis du pouvoir ; Titus Edzoa peut en témoigner.
Le peuple Camerounais est en droit de savoir comment et pourquoi l’Etat a pu s’engager dans une négociation financière de gré à gré avec un particulier (fut-il le fils du président de la république) avec au final un manque à gagner qui se chiffre en milliard pour celui-ci. De même, la Camtel doit fournir les explications sur les raisons qui l’ont conduit à rentrer dans ce jeu qui permet au final à des individus de consolider leur patrimoine financier sans aucune contrepartie pour elle-même.