Marafa

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Le prisonnier légendaire du SED.

samedi 10 novembre 2012

Paul Biya, une déception camerounaise!


Le 6 novembre 1982, l'accession de Paul Biya au pouvoir avait soulevé l'espoir sur un Cameroun en pleine dépression socio-politique. Trente ans après, il ne reste de son Renouveau et lui qu'un slogan mémorable "Rigueur et Moralisation" et beaucoup de chimères déçues. 
Le RDPC commémore ce jour à sa façon les trente ans de l'accession au pouvoir de Paul Biya, premier ministre sous  président Amadou Ahidjo. En effet, le contexte est marqué par une atmosphère morose et délétère, un an après une scrutin présidentiel qui a vu la réélection du candidat du Renouveau. Comme il l'avait préconisé en 1983 dans un discours programme devenu historique, Paul Biya ambitionnait de fonder son pouvoir sur la "Rigueur et la Moralisation". Mais aujourd'hui que reste-t-il de l'effet Paul Biya? Sans doute l'arrivée du natif de Mvomeka a-t-elle marqué les esprits, incitant de milliers de Camerounais à l'exil à un retour au bercail. A sa façon, il a contribué à la levée des restrictions des libertés. Une rupture avec le régime Ahidjo, cédant à l'ouverture démocratique et au renoncement au monopartisme. Mais c'est dans les milieux des affaires que le lion aura laissé le plus de traces. Car, Paul Biya, c'est également ça, un libéralisme sauvage, éloigné du libéralisme communautaire prescrit par ses conseillers. Il s'y est tellement employé que certains se demandaient s'il était encore capable un jour de reprendre la main pour une possible régulation. C'était oublier que jamais l'oligarchie embourgeoisisante naissante ne renoncerait à ses privilèges.
L'homme a toujours su séduire ses interlocuteurs et les foules par son calme. Ancien séminariste avec une assez bonne formation en sciences politiques, il sait aussi se mettre à l'écoute avec ruse et force quand il le faut. Très effacé, discret durant plus de 20 ans au service de son prédécesseur, il a su imposer son style pour faire rêver au Cameroun les porteurs d'idéaux progressistes et autres frondeurs qui n'avaient de cesse de hanter le sommeil de celui qui était considéré avant lui comme un autocrate. Aussi son arrivée en 1982 avait-elle suscité de réels espoirs du côté de l'ensemble de la classe politique nationale. Beaucoup attendaient de lui ce changement radical  du pays  qui devait permettre l'amorce d'une démocratie véritable assortie de l'amélioration effective des conditions socio-économiques sur le pays. La rupture attendue n'eut jamais lieu. Une fois au pouvoir, Paul Biya s'efforcera de rappeler dans la pratique que le "Cameroun était le Cameroun", en clair qu'il n y avait rien à changer sur le cap laissé par son prédécesseur.
Peu à peu, Biya s'accommoda de certaines situations sur le pays. Contrairement aux attentes, et sans gêne aucune, il donna plus de place à l'impunité au moment ou la gabegie s'installa dans la gestion des biens publics. Ouvertement, il s'acoquina avec les délits publics, corruption, détournements de fonds. Les anciens amis et les hauts responsables de l'Etat continuèrent leur pillage. Au niveau des amis la liste est longue, celle de ceux qui au fil des années eurent le vent en poupe dans les milieux des affaires avec un réel enrichissement illicite. En revanche, des intrépides opposants, se heurtèrent à un conservateur politique sans pitié pour tous ceux qui, à ses yeux, avaient des attitudes pleines d'impertinence et des vues sur son fauteuil doré d'Etoudi.
Il fallut attendre 1990 pour voir Paul Biya céder officiellement à la vague du vent de  démocratisation de l'Europe de l'Est après la chute du mur de Berlin. Ce rusé qui a certainement bien lu Machiavel  avait deviné à travers les luttes qui s'intensifiaient que le peuple camerounais marchait vers une victoire certaine. Il fallait manœuvrer afin de récupérer la situation. D'où l'organisation du sommet tripartite à défaut d'une conférence nationale tant réclamée par l'opposition. C'est aussi le début d'un multipartisme de façade qui passe par un encadrement de  la libre expression des peuples en colère. Encouragés par le silence complice ou la bienveillance de Paris, Paul Biya entreprit alors de conserver ou de reconquérir le pouvoir à la faveur de textes de lois taillés sur mesure. Métamorphosé selon le goût du jour, le RDPC, jadis parti unique,  s'organisa donc pour remporter la première élection savamment truquée de 1992. Ceci, aux dépens de partis d'opposition mal organisés, divisés et dépourvus de ressources, dans un contexte de pauvreté criarde et d'analphabétisme inouï. Avec regret, l'on découvrait alors cet autre visage de Paul Biya : l'occupant du palais d'Etoudi ne semblait point se soucier des intérêts des larges masses laborieuses du Cameroun demandant le changement.
Qu'a donc apporté Paul Biya aux Camerounais ? Incontestablement, le chef de l'Etat camerounais a servi de référence à de nombreux intellectuels camerounais, adeptes de son libéralisme communautaire. N'empêche que le plus souvent, ils auront eu du mal à obtenir son appui quant à l'application véritable,  des principes élémentaires de rigueur et de moralisation de la vie politique et économique. conséquences, le Cameroun est classé parmi les pays les plus corrompus au monde par l'ONG Transparency International. Une plaie qui a causée une gangrène dans un pays, pourtant au sous-sol riche,  à la recherche un décollage économique. Certes, après le sommet de la tripartite, Paul Biya a su courageusement prôner la démocratisation et inciter ses compatriotes à s'engager dans cette voie périlleuse pour une survie de la cohésion nationale, de la paix et de la stabilité, le Cameroun garde en mémoire la douloureuse lutte nationaliste qui aura coûté de milliers de vies . Une nouvelle constitution fut rédigée et promulguée en 1996. Mais des conseillers occultes étaient toujours là pour l'aider à ne jamais céder à l'application de la nouvelle constitution, au nom des intérêts... égoïstes et individuels! Une vraie politique autocratique et ploutocratique pour un dirigeant à la tête d'un parti dit de rassemblement et dont le candidat se réclame toujours être celui du peuple ! Que de prises de position bien souvent ambiguës, tant le constat fait par Paul Biya sur la gouvernance paraît toujours lucide, sur les ennemis de l'Etat que sont la corruption, l'inertie voire la gabegie.. . Une ambiguïté qui a profité à nombre de collaborateurs aujourd'hui pensionnaires des prisons nationales, lesquels étaient peu enthousiastes à l'idée de voir la démocratie s'installer au Cameroun et surtout l'alternance s'opérer. s certains comme Andzé Tsoungui aujourd'hui décédé ont pu échappé, d'autres ont néanmoins payé le prix. Engo, Abah Abah, Ondo Ndong, Siyam Siwe, Etondé Ekotto, Monchepou Saidou, Marafa, Fotso, Inoni, Titus Edzoa, Olanguena, Atangana Mebara..., l'assainissement semble prometteur. De quoi se demander ce que serait devenu ce Cameroun de l'impunité  sans cette prise de conscience réelle et cette conduite des affaires "Opération Épervier", fort opportune.
Mais doit-on tenir Paul Biya pour responsable de ce qu'il est advenu du Cameroun libre des trente dernière années ? A chaque camerounais de se faire son jugement après une réélection  avec près de 78% de suffrages, pour un nouveau mandat de 7 ans qui se terminera en 2018. Il n'aura fait que son devoir : Conquérir le pouvoir, s'y maintenir, s'inscrire sur la durée pour mieux préserver ses intérêts. Toujours est-il qu'aujourd'hui, pour une majorité de camerounais, la démocratisation laisse toujours à désirer au Cameroun. Trente ans après l'avènement de Paul Biya au pouvoir au Cameroun, vingt-deux ans ans après le retour au multipartisme, seize ans après la promulgation de la nouvelle constitution post démocratique , le bilan reste assurément mitigé. Qu'importe ce jour le RDPC et ses affidés fêteront à l'unisson l'accession de leur champion à la magistrature suprême.

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